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Face au djihadisme, la «résilience» du Burkina Faso par le cinéma

La tenue depuis samedi 25 février à Ouagadougou du plus grand festival de cinéma africain, le Fespaco, témoigne de la «résilience» du Burkina Faso face aux attaques djihadistes qui se sont intensifiées ces derniers mois.

«Il fallait réussir à convaincre notre gouvernement et les partenaires de l’importance du Fespaco dans des moments aussi difficiles», explique Alex Moussa Sawadogo, délégué général du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou qui a pris fin le 4 mars. «Je suis très content, voire fier, que nos autorités aient décidé de l’organisation de cet évènement», ajoute-t-il.

Le pays, théâtre de deux coups d’État en 2022, est pris depuis 2015 dans une spirale de violences djihadistes apparues au Mali et au Niger quelques années auparavant. En sept ans, elles ont fait plus de 10.000 morts au Burkina, selon des ONG.

«Le Burkina Faso, c’est un pays résilient» affirme Alex Moussa Sawadogo qui refuse de céder à l’imaginaire d’un pays «peint en rouge», en référence aux nombreuses chancelleries qui déconseillent à leurs ressortissants de s’y rendre.

Un discours que porte également le ministre de la Culture, Jean Emmanuel Ouédraogo: «Le Fespaco est un des éléments de la carte postale du Burkina Faso, il était donc très important pour nous de maintenir cette 28ème édition», placé sous haute surveillance militaire.

170 œuvres aux thèmes variés ont été sélectionnées en compétition officielle, dont quinze longs métrages de fiction en lice pour briguer la récompense suprême, l’Étalon d’or du Yennenga, qui sera décernée samedi en clôture du festival.

Cette année, grande première, certains films seront projetés à Kaya (centre nord) et à Dédougou (centre ouest), auprès de personnes déplacées par la violence.

Parallèlement, depuis cinq ans, une quinzaine de jeunes professionnels forment des adolescents aux métiers du cinéma dans plusieurs villes du pays, y compris celles ciblées par les djihadistes.

«C’est la motivation et l’amour du cinéma» qui font venir les étudiants, explique Issa Kaboré, l’un de ces formateurs à Dori (nord-est), dans une région vidée par de multiples attaques.

Âgés de 12 à 35 ans, les étudiants «trouvent toujours des moyens de se déplacer pour venir à la formation», poursuit Issa, cadreur et monteur, et ce malgré le détournement des citernes de carburant par des groupes djihadistes qui empêchent la population de circuler facilement.

«Résister c’est aussi créer»
Comme lui, une génération de jeunes cinéastes en devenir «arrive à transcender cette crise», affirme Alex Moussa Sawadogo. Selon lui, «la résistance, ou la résilience, ce n’est pas seulement prendre les armes et aller au front, la résistance c’est aussi créer».

Dans le centre-ville de Ouagadougou, une grande fresque colorée rappelle le combat de l’armée burkinabée contre le djihadisme.

Un des dessins évoque également le rôle des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP, supplétifs civils de l’armée), déployés par dizaines de milliers dans tout le pays. Le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir par un putsch le 30 septembre 2022, s’est donné pour objectif de «reconquérir» les quelque 40% du territoire burkinabé contrôlés par les groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique.

Et s’il était absent à la cérémonie d’ouverture du Fespaco samedi, la culture «reste une priorité», assure Jean Emmanuel Ouedraogo. «Nous sommes conscients que la guerre engagée contre nos ennemis n’est pas qu’un combat militaire», mais «aussi un combat qui doit se mener sur le plan de la culture», affirme-t-il.

Malgré la crise, Alex Moussa Sawadogo l’assure: le Burkina «reste le plus grand contributeur du Fespaco», en apportant «un soutien financier à de nombreux acteurs du cinéma».

Le Fespaco est également soutenu par des pays étrangers. Cette année, l’Union européenne a renouvelé sa contribution au festival, à hauteur de 250.000 euros, malgré la guerre en Ukraine qui avait inquiété le cinéma burkinabé.

«Beaucoup d’Européens sont des coproducteurs de films africains, et on avait peur» qu’ils reportent leur soutien «au cinéma ukrainien», explique M. Sawadogo.

Selon l’organisateur du Fespaco, aujourd’hui rassuré, les films projetés «vont inonder des festivals, pas seulement africains mais internationaux, et c’est là qu’on saura que l’Afrique est debout, créative».

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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