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Fuite des médecins Sénégalais vers la France: diagnostic d’un mal

Il est difficile de joindre ce jeune médecin. Son téléphone sonne presque toujours dans le vide. Dr Abdou Lahat Diop, pédiatre à l’Hôpital Roi Baudouin à Guédiawaye se justifie par une charge de travail élevée. Il a beaucoup de patients.

Lui qui avait déjà exercé en France pense sérieusement à retourner. La raison est toute simple. « Je pense que j’étais plus épanoui professionnellement en France qu’au Sénégal », lâche-t-il.

Ses propos traduisent un malaise auquel les soignants sont confrontés actuellement. Aujourd’hui, la fuite des cerveaux des médecins Sénégalais vers la France est une réalité. Un phénomène nouveau qui a des répercussions sur le système sanitaire sénégalais.

Dr Mamadou Demba Ndour, secrétaire général du Syndicat autonome des médecins du Sénégal (Sames), et officiant à Matam constate cet exode. Selon lui, la tendance actuelle est que les jeunes médecins dès la fin de la formation cherchent à partir. « Ils ne pratiquent même pas le métier, c’est cela qui est dangereux. Ils se sont inspirés du désœuvrement des ainés.

Les médecins ne s’épanouissent pas dans leur travail au Sénégal. C’est ce qui a découragé les jeunes avant même qu’ils n’aient subi les mêmes travers », a expliqué Mamadou Demba Ndour.  Le secrétaire général du Sames regrette la fuite de cerveaux chez les médecins.

 « Si on n’y prend garde, on va continuer à bien former des jeunes cadres de la santé mais ce sont les autres pays comme la France qui vont en bénéficier. Elle va attendre qu’on forme nos médecins, avant de leur proposer des conditions de travail beaucoup plus favorables que dans leur pays d’origine », a souligné M. Ndour.

Epanouissement professionnel
La France est attractive pour les médecins Sénégalais. Elle offre beaucoup d’opportunités notamment sur les conditions d’études et de travail.  C’est ce que semble dire Dr Boubacar Signaté, médecin urgentiste en service au Centre hospitalier de Cayenne Andrée Rosemon, aux Urgences Samu-973 en Guyane française.

Il est loin de son Sénégal natal car ce département français est situé dans le nord-est de l’Amérique du Sud, entre le Surinam et le Brésil appartient à la France. « Les filières d’études sont limitées, ce qui fait que beaucoup de médecins qui désirent se spécialiser dans des filières qui n’existent pas au Sénégal, vont à l’étranger et ne reviennent généralement pas », a indiqué Dr Boubacar Signaté 

« A cela, il faut combiner un salaire attractif et une prise en charge du logement et du transport », a-t-il ajouté. Le pédiatre Dr Abdou Lahat Diop qui a eu à pratiquer en France marque la nette différence.  « Coté santé, on a une meilleure prise en charge. Nous avons la carte vitale qui assure une prise en charge optimale avec peu de frais.

Dans certains cas, c’est une prise en charge à 100%. Tous les membres de votre famille en bénéficient. Coté rémunération, le salaire est beaucoup plus conséquent. Ces avantages sont accompagnés à de nombreuses et pénibles années d’études. Il y a une existence de primes et d’heures supplémentaires », a justifié le médecin.  De bonnes conditions sociales qui contrastent avec celles que l’on retrouve au Sénégal.

Congés
Le Secrétaire général du Sames, Dr Mamadou Demba Ndour, signale qu’au Sénégal, « le médecin n’a pas de logement, ni un véhicule de fonction à ce niveau de responsabilité ». « Dans les régions, le médecin est le cadre le plus formé. Malheureusement, il n’est pas socialement couvert. Il est largué de loin comparé à d’autres fonctionnaires de la même hiérarchie », ajoute Dr Ndour.

Son collègue, Dr Boubacar Signaté pointe un autre point non négligeable. Il s’agit de l’environnement de travail. Selon lui, « en commençant par les locaux, les équipements techniques obsolètes et parfois dangereux aussi bien pour le praticien que pour le patient. Vient ensuite le déficit en personnel paramédical peu qualifié, peu motivé et travaillant dans des conditions difficiles au même titre que les médecins ».  

Il a ajouté que « les salaires d’un médecin exerçant en France sont 5 à 6 fois plus élevés que ceux du Sénégal. » En plus, il y a moins de travail pour un médecin en France. « Le temps de travail est règlementé et décompté de façon scrupuleuse. Les heures supplémentaires sont rémunérées ou transformées en congés. C’est le cas également dans les autres pays d’accueil des médecins sénégalais comme le Canada ou la Belgique », a soutenu Dr Boubacar Signaté. 

Les praticiens invitent l’Etat à valoriser les salaires mais aussi d’améliorer la couverture sociale et garantir les conditions d’épanouissement des médecins et de leurs familles par un accompagnement institutionnalisé pour l’accès au logement, aux biens et services entre autres.

Abdou Khadir Seck

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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