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Aung San Suu Kyi arrêtée par l’armée qui déclare un an d’état d’urgence

L’ancienne icône de la démocratie en Birmanie, Aung San Suu Kyi, chef de facto du gouvernement, a été « arrêtée » par les forces armées birmanes, d’après son parti qui fait état d’un probable « coup d’Etat ».

« Nous avons entendu dire qu’elle est détenue à Naypyidaw (la capitale du pays, ndlr), nous supposons que l’armée est en train d’organiser un coup d’Etat », a déclaré lundi à l’AFP Myo Nyunt le porte-parole du parti de la prix Nobel de la Paix, la Ligue nationale pour la démocratie (LND).

Selon lui, d’autres responsables du mouvement ont également été arrêtés.

Ces arrestations interviennent alors que le Parlement issu des dernières législatives devait entamer sa première session dans quelques heures.

L’accès à internet était gravement perturbé dans le pays.

« Les perturbations ont commencé lundi vers 3 heures du matin (…) et sont susceptibles de limiter la couverture des événements » actuels, a mis en garde l’ONG Netblocks, spécialisée dans internet.

Les communications téléphoniques, notamment vers et depuis Naypyitaw, sont aussi très perturbées, selon des journalistes de l’AFP.

Sollicité, le porte-parole de l’armée n’était pas disponible dans l’immédiat.

Fraudes par « millions »
Les militaires dénonçaient depuis plusieurs semaines plus d’une dizaine de millions de cas de fraudes lors des législatives de novembre, remportées largement par la LND, déjà au pouvoir depuis 2015.

Ils exigeaient que la commission électorale dirigée par le gouvernement publie la liste des électeurs à des fins de vérification – ce que la commission n’a pas fait.

Sous prétexte de la pandémie de coronavirus, les élections « n’ont pas été libres, ni justes », avait assuré la semaine dernière le porte-parole de l’armée, le major général Zaw Min Tun.

Les craintes avaient encore grandi quand le chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing – sans doute l’homme le plus puissant de Birmanie – avait déclaré que la constitution pouvait être « révoquée » dans certaines circonstances.

Plus d’une dizaine d’ambassades, dont celle des Etats-Unis et la délégation de l’Union Européenne, avaient alors exhorté la Birmanie à « adhérer aux normes démocratiques », s’inquiétant d’un possible coup d’État.

« (Nous) nous opposons à toute tentative de modifier le résultat des élections ou d’entraver la transition démocratique en Birmanie », avaient-elles écrit.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait également exprimé sa « grande inquiétude ».

La Birmanie est sortie il y a tout juste 10 ans d’un régime militaire au pouvoir pendant presque un demi-siècle. Les deux derniers coups d’Etat depuis l’indépendance du pays en 1948, remontent à 1962 et 1988.

« Relation compliquée »
Le parti d’Aung San Suu Kyi, très critiquée à l’international pour sa gestion de la crise des musulmans rohingyas (des centaines de milliers d’entre eux ont ont fui en 2017 les exactions de l’armée et se sont réfugiés au Bangladesh voisin) mais toujours adulée par une majorité de la population, avait remporté une victoire écrasante en novembre.

Il s’agissait des deuxièmes élections générales depuis 2011, année de la dissolution de la junte.

En 2015, la LND avait obtenu une large majorité. Mais elle avait été contrainte à un délicat partage du pouvoir avec l’armée qui contrôle trois ministères clés  (l’Intérieur, la Défense et les Frontières).

« La relation entre le gouvernement et les militaires était compliquée », déclare à l’AFP Hervé Lemahieu, spécialiste auprès de l’institut Lowy en Australie. « Ce régime hybride, pas tout à fait autocratique ni tout à fait démocratique, s’est effondré sous le poids de ses propres contradictions ».

Longtemps exilée en Angleterre, Aung San Suu Kyi, aujourd’hui âgée de 75 ans, est rentrée en Birmanie en 1988, devenant la figure de l’opposition face à la dictature militaire.

Elle a passé 20 ans en résidence surveillée avant d’être libérée par l’armée en 2010.

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