Quatre figures de proue du mouvement prodémocratie de Hong Kong ont été condamnées mercredi à des peines de prison ferme pour leur responsabilité dans les manifestations monstres qui avaient paralysé en 2014 l’ex-colonie britannique et suscité l’ire de Pékin.
Leur procès a été dénoncé par les défenseurs des droits de l’homme qui s’inquiètent pour les libertés dans la mégapole, revenue en 1997 dans le giron de la Chine et confrontée à l’emprise de plus en plus affirmée de cette dernière.
Trois vétérans du mouvement et six co-prévenus avaient été reconnus coupables il y a deux semaines d’au moins un chef d’accusation, à l’issue de ce procès qui avait vu le ministère public se servir d’un système de droit rarement utilisé et hérité de l’ère coloniale.
Chan Kin-man, 60 ans, un professeur de sociologie, et Benny Tai, 54 ans, un professeur de droit, deux des fondateurs en 2013 du mouvement « Occupy Central », ont écopé des peines les plus longues, 16 mois de détention, déclenchant les pleurs et les cris de colère de centaines de leurs partisans rassemblés à l’extérieur du tribunal.
Deux co-prévenus, le militant Raphael Wong et l’élu Shiu Ka-chun, ont été condamnés à huit mois de prison. Quatre autres ont été condamnés soit à des peines d’emprisonnement avec sursis, soit à des travaux d’intérêt général.
« Détermination »
La peine de la neuvième prévenue, Tanya Chan, membre du Conseil législatif (« LegCo », le Parlement de Hong Kong), sera prononcée ultérieurement car elle doit subir une opération du cerveau.
Il s’agit des peines les plus lourdes prononcées en lien avec le « mouvement des parapluies », qui avait illustré pendant 79 jours le ressentiment d’une partie des Hongkongais.
« Notre détermination à nous battre pour la démocratie ne changera pas », a déclaré M. Wong en étant emmené par des policiers.
MM. Tai et Chan sont deux des fondateurs du mouvement « Occupy Central » avec le pasteur baptiste Chu Yiu-ming, 75 ans, qui a écopé de prison avec sursis.
Leur idée était d’occuper le quartier d’affaires de Hong Kong si un suffrage universel libre n’était pas instauré pour élire le président du gouvernement local, lequel est désigné par un comité pro-Pékin.
Mais les anciens furent débordés par la jeunesse, la situation explosant à l’automne 2014 quand les policiers tirèrent du gaz lacrymogène sur les protestataires.
Le trio d’Occupy avait appelé la population à rejoindre cette révolte des « parapluies », baptisée en référence à ces objets dont se servaient les manifestants pour se protéger du gaz.
Les trois avaient été reconnus coupables de conspiration en vue de troubler l’ordre public. MM. Tai et Chan l’ont été également pour incitation à troubler l’ordre public.
Chaque condamné encourait jusqu’à sept ans de prison aux termes de la « Common law », l’ancien système britannique fondé sur la jurisprudence. Si l’accusation avait choisi de les poursuivre en vertu du code pénal découlant des lois écrites, ils risquaient trois mois.
« Prisonniers de conscience »
« Ces longues peines adressent un avertissement glaçant à tous pour dire que le combat pour la démocratie aura des conséquences graves », a déclaré Maya Wang, de l’ONG Human Rights Watch.
Amnesty International a qualifié les quatre prévenus incarcérés de « prisonniers de conscience ».
Le consulat des Etats-Unis s’est dit « préoccupé par la décision du gouvernement hongkongais de lancer ces poursuites ». Londres a estimé qu’il serait « profondément inquiétant » que ces condamnations « dissuadent les habitants de Hong Kong de manifester à l’avenir ».
Le départ des quatre dans des véhicules de l’administration pénitentiaire a été un moment particulièrement émouvant, alors qu’une foule de leurs partisans scandait un slogan en cantonais pour les encourager.
« J’espère que les Hongkongais ne perdront pas espoir, et n’auront ni peur ni regrets », a déclaré Tanya Chan à la foule.
La « révolte des parapluies » avait paralysé des quartiers entiers de l’une des capitales mondiales de la finance pendant plus de deux mois. Au final, Pékin n’avait fait aucune concession.
Depuis 2014, plusieurs militants ont été poursuivis par le ministère de la Justice, certains purgeant des peines de prison. Certains ont également été interdits de se présenter à une élection, d’autres disqualifiés au Parlement.
En vertu du principe « Un pays, deux systèmes » qui a présidé à sa rétrocession, Hong Kong jouit sur le papier de droits inconnus dans le reste de la Chine, dont la liberté d’expression.
Mais nombreux sont ceux qui perçoivent une emprise de plus en plus marquée du gouvernement chinois.
Au procès à l’automne, l’accusation avait argué que les manifestations de masse avaient « causé du tort aux habitants » touchés par le blocage des voies de circulation.
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