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Qu’est ce qu’un mandat ? Par Ibrahima Silla

Si l’on veut espérer clore le débat sur la possibilité d’un 3ème mandat qui est en réalité un débat sur l’éventualité d’une 3ème candidature, il nous faudrait d’abord préciser ce qu’il faut entendre par mandat et tout ce qu’il implique en termes de légalité, de légitimité, de pouvoir politique, d’autorité et de privilèges.

Car candidature se confond souvent en politique africaine avec mandat, même s’il y a certaines exceptions qui montrent bien que la garantie de succès électoral n’est pas toujours assurée au détenteur du pouvoir qui compte, par la manipulation de la Constitution et des règles du jeu politique ou électoral, conserver le pouvoir. Mais ici en l’occurrence, le simple fait d’oser envisager subtilement ou par personnes interposées une candidature n’est pas fondamentalement le plus problématique. Le plus grave, c’est ce qu’on pourrait appeler la politique du flou.

L’article 27 de la Constitution du Sénégal est pourtant clair et écarte toute polémique quand il précise : « Nul ne peut faire plus de 2 mandats consécutifs ». Si le 1er mandat n’était pas un mandat, alors qu’est-ce que c’est qu’un mandat ? Le 1er mandat est-il oui ou non un mandat ?

Soyons donc clair et précis sans détour, en nous préservant de toutes tentatives d’entourloupettes : un mandat c’est une mission conférée par voie électorale. Certains mandats sont dits législatifs, d’autres parlementaires, présidentiels ou municipaux. Cette précision nous conduit à un certain nombre d’interrogations :

De quand date la première mission présidentielle (mandat) conférée par le peuple Sénégalais au chef de l’Etat ? de 2012 ou de 2019 ?

Dire que le président de la République en est à son 1er mandat revient à considérer qu’il vient d’être élu pour la 1ère fois en 2019. Alors si tel était le cas, que faisait-il alors depuis 2012 au palais de la république réservé au chef de l’État ? A ce que je sache, le palais n’est pas et ne ressemble pas à un squat, une station balnéaire ou un motel. Quoi que …

S’il n’en est qu’à son 1er mandat, alors entre 2012 et 2019, au nom de quelle légitimité ou de quel principe démocratique, politique, culturel, touristique ou autre a-t-il pu occuper, exercer, jouir et se réjouir des fonctions de président ?

S’il n’en est qu’à son 1er mandat, le Sénégal était-il dirigé par un président sans mandat et donc sans légitimité, pour ne pas dire dans la clandestinité, depuis 2012 ?

Si le 1er mandat n’était pas un mandat, pourquoi avoir prêté serment devant le Conseil Constitutionnel, après avoir célébré sa victoire devant des homologues étrangers qui ne l’auraient pas autrement accepté dans ce club fermé des chefs d’État ?

Si le 1er mandat n’était pas un mandat, pourquoi avoir formé un gouvernement pendant tout ce temps et dirigé des conseils de ministres ?

Si le 1er mandat n’est pas un mandat, pourquoi avoir touché de 2012 à 2019 un salaire de président ?

Quelqu’un qui a voulu verrouiller et consolider la démocratie au Sénégal, peut-il vouloir un seul instant passer plus de temps au pouvoir que son prédécesseur dont il contestait toute possibilité de candidater après 12 années passées au pouvoir ?

En 2024, il sera tout comme lui à la fin d’un cycle de 12 ans au sommet du pouvoir. Un jour de plus serait un jour de trop. Et ce trop, ce n’est pas rien dans un pays où le peuple se tait quand il faut crier et crie quand il faut se taire. Peuple déroutant qui pourrait surprendre une fois de plus tout le monde en préférant la rue avant les urnes pour déjouer les mauvaises tours politiciennes. A méditer pendant qu’il est encore temps.

Ibrahima Silla

Digital Manager - Chef de projet chez Alixcom Dakar | E-mail: saliou@dakar-echo.com | +221 77 962 92 15

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