Togo

Quel bilan après 62 ans d’indépendance pour le Togo ?

– Le pays a célébré le 62e anniversaire de son accession à la souveraineté. Des experts font le point.

Il y a 62 ans, le Togo accédait à sa souveraineté au même titre d’autres nations africaines. En proclamant l’indépendance du Togo le 27 Avril 1960, deux ans après la victoire des indépendantistes, Sylvanus Olympio, le père de l’indépendance du Togo, n’aspirait qu’à une seule chose : une totale indépendance politique et économique qui lancera le pays sur la voie de développement.

62 ans après, quel bilan peut-on établir de cette vision ?

Un Togo politiquement instable
Sur le plan politique, ce petit pays de l’Afrique de l’ouest, sera très vite plongé dans une instabilité totale depuis l’assassinat du père de l’indépendance le 13 janvier 1963. Une instabilité qui jusqu’à ce jour, « teinte toujours de diverses manières la vie politique du pays » d’après Foli Dométo FOLY, Chef de département sciences politiques à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO) basée à Conakry, interrogé par l’Agence Anadolu.

Si les gouvernements qui se sont succédés, ont toujours vendu à l’extérieur l’image d’un pays stable, avec des renouvellements successifs et réguliers de mandats à la tête des institutions de l’Etat, le politologue togolais a une autre approche de la situation politique nationale.

« Le Togo n’est pas un pays politiquement stable. Ce qu’on pouvait espérer au lendemain de l’indépendance, n’a été que de courte durée », affirme-t-il.

Durant les 60 dernières années, le pays est confronté, assure-t-il, « à un cycle élection répression dialogue ».

Le jour où un maillon de tout cela se rompt, alerte-t-il, « la situation politique au Togo pourrait devenir pire ».

Pour rappel, au Togo, les résultats des élections sont très souvent contestés. Ce qui déteint sur l’effort de démocratisation du pays.

Le cas le plus récent remonte à la présidentielle de février 2020 remportée d’après la commission électorale et la Cour constitutionnelle, par l’actuel chef de l’Etat, Faure Gnassingbé, pour un quatrième mandat à la tête du pays. Son adversaire, l’ancien Premier ministre, Kodjo Agbéyomé, continue de revendiquer cette victoire. Recherché par la justice togolaise, il est toujours en fuite.

Pour Foli Dométo FOLY, si les élections sont régulièrement contestées, c’est que le « jeu électoral est toujours plombé dans le pays et les acteurs ne se font pas confiance ».

Si sur le plan interne, la situation politique du Togo n’est pas très « reluisante » par manque d’alternance (…). Le Togo semble renforcer son indépendance de l’extérieur depuis quelques décennies « avec une diplomatie beaucoup plus active », relève néanmoins Foli Dométo FOLY.

Le chef de département des sciences politiques de l’UCAO à Conakry affirme par ailleurs qu’« aujourd’hui, un Président togolais ne peut plus être convoqué à l’Elysée (présidence française, ndlr), ou recevoir des injonctions venant de Paris ».

Une économie surendettée
Sur le plan économique, le pays a bénéficié ces dernières années de plusieurs classements avantageux des institutions financières internationales. Ce qui donne à croire que son économie se porte bien. C’est le cas en 2020 du classement Doing Business publié par la Banque Mondiale qui a classé le Togo au 3e rang parmi les premiers réformateurs au monde et au 1er rang africain devant le Nigéria.

Ce n’est pas vraiment le cas d’après l’économiste togolais Germain Dodor. Il décrit l’économie togolaise après 62 ans d’indépendance comme étant « totalement surendettée », ce qui « ne favorise pas un vrai développement du pays ».

Cette situation limite, insiste-t-il, « les chances du Togo à de nouvelles sources de financements ».

« Jusqu’à présent, le Togo n’est toujours pas arrivé à asseoir un tissus économique stable. Parce que l’économie auto-génératrice interne qui doit produire les ressources et rembourser ces dettes-là, le Togo n’en a pas suffisamment », détaille l’économiste togolais.

Pour justifier ses propos, il affirme que « la plupart des grandes entreprises togolaises sont détenues par des étrangers qui rapatrient systématiquement les ressources qu’elles génèrent ».

Ce surendettement pousse, note-t-il, le Togo aujourd’hui, à faire « recours à une fiscalité trop imposante avec de la surtaxation ».

« Un système qui permet à l’économie togolaise de souffler un peu ». Mais il prévient que « la fiscalité ne peut pas être la seule solution ». Sinon elle « risque, de plus en plus, de compliquer la vie des citoyens togolais aussi bien physiques que moraux.

« Des entreprises, à un moment donné, ne pourront plus supporter les taxes et impôts que le pays leur impose. De même que les individus qui viennent. L’inflation qui s’exprime par la vie chère actuellement au pays en est une preuve de ce qui va se passer », explique Germain Dodor.

Il suggère que le « Togo investisse dans la création des entreprises capables de créer de la valeur ajoutée à l’intérieur et répondre aux besoins externes. Ainsi, l’excédent dégagé pourra être réexporté pour ramener de la devise. Parce que les dettes se remboursent en devises et tant que le Togo n’a pas suffisamment de devises, et qu’il doit continuer par aller acheter de la devise, la dette ne fera qu’empirer ».

Pour rappel, d’après les chiffres officiels du ministère l’Economie et des Finances, « la dette extérieure du Togo a presque doublé depuis 2017, passant de 550 milliards FCFA (885 millions USD environ) à 1 031 milliards FCFA (soit environ 1 milliard 658 millions USD) à fin septembre 2021 alors que le risque de change est resté marginal.

La dette publique togolaise en général est estimée à 2 768 milliards FCFA (environ 4 milliards 453 millions UDS) à fin juin 2021, soit 59% du PIB.

Une dette plutôt « solidement soutenable »
La position de l’économiste Germain Dodor n’est pas partagée par son collègue enseignant chercheur à l’Université de Lomé, Prof Koffi Sodokin.

Joint par l’Agence Anadolu, il assure qu’une dette évaluée à 59% du PIB reste dans la norme des critères de convergence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), norme selon laquelle « le ratio de l’encours de la dette intérieure et extérieure rapporté au PIB nominal ne doit pas excéder 70% ».

« Au regard des critères de l’UEMOA, le Togo a une dette solidement soutenable et cela n’engage en rien la confiance en la capacité du Togo de tenir ses engagements auprès des créanciers internationaux » affirme Sodokin.

Il soutient, en outre, qu’après un ralentissement de la croissance du PIB à 1,8 % pendant la pandémie de Covid-19 en 2020, le pays a connu un rebond à 5,3 % en 2021.

« Du côté de la consommation, les dépenses des ménages et les investissements publics et privés ont fortement contribué à la reprise. L’investissement public devrait rester fort en 2022 en raison de la mise en œuvre de la « Feuille de route Togo 2020-2025 », diminuant progressivement au profit de l’investissement privé au cours des prochaines années », a-t-il ajouté

Enfin, Sodokin salue plutôt des avancées notables sur le plan politique et social au Togo en comparant deux périodes économiques. D’une part, de 1960 à 2004, et l’autre de de 2005 à 2022.

D’après lui, « le Togo a enregistré de 1960 à 2004, en moyenne, un taux de croissance de 2,5 % alors que sur la période allant de 2005 à 2022, en moyenne, le taux de croissance est de 4,5% ».

Alphonse LOGO

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

Articles Similaires

1 sur 4

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *