Société

Quand l’Etat du Sénégal se frotte à un Etat média nommé Bbc

Menaces de plaintes, réplique politique, riposte diplomatique, contre attaque médiatique

Une bataille vouée à l’échec comme ce fut le cas contre Human Rights Watch ?

Le « scandale » financier et pétrolier révélé par la Bbc a crée une véritable marée noire que l’Etat a décidé de pomper judiciairement et politiquement à la hauteur de l’affront. Une levée de boucliers qui nous rappelle celle « subie » par l’Ong américaine Human Rights Watch (Hrw) suite à la publication de son rapport épinglant des enseignants sénégalais pour des actes d’exploitation sexuelle de leurs élèves.

Bien que soutenue par le ministère de l’Education nationale, la contre-attaque des enseignants avait lamentablement connu un échec. Souhaitons que l’histoire ne se répète pas avec la Bbc dont on sait qu’elle est un puissant Etat (médiatique) dans l’Etat britannique avec un chiffre d’affaires qui vacille entre 4.000 et 5.000 milliards de francs CFA/an. Plus donc que le budget de l’Etat du Sénégal !

D’un côté, Aliou Sall, un citoyen sénégalais, et de l’autre, la British Broadcasting Corporation (Bbc). D’un côté (bis), l’Etat du Sénégal et de l’autre, encore la Bbc. Entre les trois ou, plus exactement, entre les deux puisque Aliou Sall et l’Etat du Sénégal sont dans le même camp, la guerre offshore fait rage !

A l’origine de cette guerre, une enquête de la chaine britannique Bbc mettant en cause Aliou Sall, le frère du président de la République Macky Sall, dans l’attribution de deux blocs pétroliers à l’homme d’affaires australo- roumain Frank Timis. Une opération dans laquelle le frère du Président aurait perçu au passage des pots de vin estimés à plusieurs centaines de millions cfa de la part du patron de Pétrotim ou Timis corporation, on ne sait plus.

Cette révélation de la Bbc à travers un documentaire a provoqué une véritable marée noire. Face à cette pollution aux hydrocarbures, l’Etat du Sénégal a fait lever ses boucliers pour la nettoyer par tous les voies et moyens politiques et judiciaires: menaces de plaintes, contre-attaque médiatique, campagne de dénigrement de la Bbc, réplique politique, riposte diplomatique etc…

Un branle-bas de combat d’Etat qui nous rappelle celui du ministère de l’Education nationale et ses bataillons d’enseignants contre l’Ong américaine Human Rights Watch (Hrw). Bien évidemment, une guerre de plus faible intensité que celle qui se mène en ce moment puisque, dans la première affaire, n’étaient mis en cause que de pauvres enseignants sénégalais. Là, c’est carrément le propre frère du président de la République qui est épinglé avec des risques que même ce Président soit éclaboussé par le scandale ! Alors, évidemment, la riposte est plus massive dans cette affaire de pétrole.

En 2018, lorsque HRW avait publié son rapport, tout le peuple de l’école sénégalaise s’était levé pour désapprouver, condamner, attaquer et contester les résultats du rapport de l’ONG américaine traînant dans la boue nos honorables enseignants sous l’accusation d’abus sexuels en milieu scolaire.

Dans cette clameur d’indignation, les coordinateurs des syndicats d’enseignants soutenus par le gouvernement avaient brandi des menaces de plaintes contre l’Ong Human Rights Watch (Hrw) puisqu’ils s’étaient sentis diffamés et atteints dans leur honorabilité.

A l’époque, le quotidien « Le Témoin » avait juré que cette plainte synonyme de contre- attaque allait vouée à l’échec ! Car s’il est vrai que les syndicats d’enseignants sénégalais sont très influents, trop puissants et maitres chez eux où ils font trembler les gouvernements au gré de leurs revendications, malheureusement pour eux, ce coup-là, ils étaient en face d’une Ong américaine considérée comme le 53e des Etats Unis d’Amérique (Usa).

Une ONG dotée d’une puissance telle que des gouvernements rampent peureusement à ses pieds. La preuve par l’affaire Hissène Habré où Human Rights Watch avait tenu en respect tous les Etats africains avant de conduire à l’abattoir l’ancien président tchadien. Toujours est-il que pour l’honneur de l’Etat du Sénégal et pour la dignité d’Aliou Sall, souhaitons que l’affaire Bbc ne connaisse pas le même triste sort que celle de Human Rights Watch.

Un frère d’Etat contre un Etat-média
A bien des égards, le bras de fer Etat du Sénégal/Bbc ne sera pas une opération à la « Barthélemy Dias » c’est-à-dire que le premier ne va pas dépêcher les gendarmes ou les policiers pour embastiller la journaliste britannique incriminée avant de la faire condamner pour avoir…trop parlé.

D’ailleurs, certains observateurs se demandent sous quelle qualification juridique l’Etat du Sénégal va-t-il ester la Bbc devant les tribunaux dès lors que la liberté d’informer dont a usé la journaliste auteure du documentaire « Scandale à 12 milliards de dollars » et l’accès à l’information pour le citoyen sont des droits universels inaliénables.

S’ajoutant à cela que le secret des affaires n’est protégé par aucune constitution d’un Etat de droit à l’information. Sauf dans quelques rares pays autoritaires et synonymes de paradis fiscaux. Dans les colonnes de notre confrère « L’Observateur », Me Pape Kanté, avocat sénégalais établi au Canada et spécialiste du droit britannique, s’est d’ailleurs évertué à freiner l’élan de « va-t- en-guerre » des partisans et souteneurs d’Aliou Sall.

« A mon avis, la plainte d’Aliou Sall n’est que du bluff et a peu de chance d’aboutir. En général, dans le Common Law, il n’est pas facile d’attaquer un article de presse. La liberté de presse est garantie par la loi fondamentale. Il faut vraiment qu’on établisse l’intention de nuire. L’enquête en question visait le groupe Bp et Frank Timis. Aliou Sall n’est qu’une victime collatérale » a soutenu l’avocat au lendemain des révélations fracassantes de Bbc.

Une chose est sûre : cette croisade déclenchée par le gouvernement du Sénégal contre la multinationale Bbc nous renvoie à l’histoire du freluquet David contre le géant Goliath. Sauf que, ici, le freluquet, donc, David, c’est l’Etat sénégalais et il n’est pas du tout sûr qu’il triomphe du David britannique.

Bien au contraire ! En effet, dans l’histoire de la communication de masse, jamais média ne s’est vu attribuer, à tort ou à raison, autant d’influence médiatique ou de puissance dévastatrice que la multinationale britannique d’information Bbc dont le chiffre d’affaires vacille entre 4.000 et5.000 milliards cfa/an. Plus que le budget du Sénégal estimé à 4.000 milliards CFA difficilement mobilisables !

Depuis son lancement en 1922, la British Broadcasting Corporation (Bbc), la radio/télévision d’Etat britannique est devenue un véritable Etat dans un Etat pour ne pas dire dans l’Empire.

Car la place centrale qu’elle occupe dans le monde a fait de la Bbc un géant de l’information qui défie et contrarie les logiques médiatiques des Etat- Nations de par son fort taux de pénétration et d’interpénétration.

D’ailleurs, il arrive des moments de grandes actualités internationales où les autorités politiques américaines (Washington) s’appuient même sur la Bbc pour se faire entendre ou respecter à travers plusieurs langues dans le monde. C’est à cette machine à destruction planétaire nommée Bbc que le frère d’Etat (Aliou Sall) s’apprête à se frotter pour pomper et nettoyer la marée noire qui pollue notre atmosphère politique. Devinez le vainqueur ?

Pape Ndiaye

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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