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Mort de Pelé, le plus grand footballeur de tous les temps

Edson Arantes do Nascimento, connu universellement nous le nom de Pelé, est décédé à l’âge de 82 ans. Il est considéré comme le plus grand footballeur de tous les temps, peut-être aussi le plus grand champion de l’histoire du sport.

Le Roi est mort, vive le Roi. « Au Brésil, on ne l’a jamais en effet appelé Pelé mais, « O Rei » le Roi. Ça résume tout, non ? », nous confiait en juin 2020 son ancien partenaire et ami Paulo César champion du monde avec lui en 1970.

Edson Arantes do Nascimento dit Pelé est mort à l’âge de 82 ans des suites d’un cancer du colon, a annoncé ce jeudi sa famille. « Nous t’aimons à l’infini, repose en paix », a écrit sur Instagram l’une de ses filles, Kely Nascimento, depuis l’hôpital Albert-Einstein de Sao Paulo où il avait été admis il y a un mois.

Question de génération sans doute mais le Brésilien restera sans doute le plus grand footballeur de tous les temps devant Cruijff, Platini, Maradona, Zidane, Messi ou Ronaldo.

Il est aussi pour d’autres et souvent les mêmes, le plus grand champion de toute l’histoire du sport devant Ali, Jordan, Lewis, Federer, Nadal, Messi et tous les autres. Oui, Pelé était le Roi des rois. « Beaucoup de gens se rendront sûrement compte de sa véritable dimension quand il s’en ira », disait le spécialiste de la Seleção sur la télé brésilienne Alexandre Lozetti alors que le triple champion du monde était au plus mal. Maintenant, on sait.

« J’ai détesté m’appeler Pelé »
Pour comprendre, il faut remonter plus d’un demi-siècle en arrière. En juin 1970, au lendemain de la finale de la Coupe du monde conclue par la victoire du Brésil sur l’Italie (4-1), sacrant pour la troisième fois le prodige auriverde, un grand journal britannique, le Sunday Times, interroge à sa une : « Comment épelez-vous Pelé ? » La réponse barre la page d’un immense : « G-O-D » autrement dit : DIEU.

Depuis 1970 et son triomphe mexicain, Cruyff, Platini, Maradona, Zidane, Ronaldo, Cristiano Ronaldo, Lionel Messi et Mbappé sont venus à leur tour écrire l’histoire du sport le plus populaire de la planète. Le football est une religion avec ses idoles et ses saints mais il reste monothéiste. Son Dieu unique s’appelle Edson Arantes do Nascimento mieux connu sous le nom de Pelé.

« Quand j’étais môme, j’ai détesté m’appeler Pelé, un nom donné par mes copains, a-t-il raconté. Mon vrai prénom, c’est Edson Arantes en hommage à l’inventeur Thomas Edison. Je ne sais pas pourquoi j’ai hérité de Pelé. C’est le nom d’une rivière sacrée en Amazonie mais cela veut aussi dire stupide en turc ! »

Né à « Trois Cœurs » pour gagner… trois Coupes du monde
C’est pourtant bien avec ces quatre lettres scintillantes que le génie est entré dans la légende. Lui, l’enfant né à Três Corações (Trois cœurs) en 1940, possédait trois étoiles sur sa poitrine quand tant de grands footballeurs rêvent déjà d’en décrocher une seule. Il est l’unique joueur à avoir gagné trois Coupes du monde, en 1958, 1962 et 1970 : « Je corrige, reprend d’emblée Paulo César. Mon ami Pelé est cinq fois champion du monde : il a gagné trois Coupes du monde et deux Championnats du monde des clubs avec Santos. C’est fabuleux. FA-BU-LEUX ! »

Pelé a aussi marqué 1281 buts dans sa carrière selon un décompte officiel de la Fifa – sa bio Instagram fait état de 1283 buts –, un record là aussi. De l’Italien Giuseppe Meazza à Ronaldo le Brésilien, vingt champions ont gagné deux Coupes du monde (4 Italiens, 15 Brésiliens, 1 Argentin). Quelques Français n’en sont pas passés loin. Mais un seul a réussi le triplé et il n’est pas près d’être rejoint. À Mexico en 1970, où Maradona brillera aussi 16 ans plus tard, Pelé grimpe définitivement sur le trône du sport où le champion des champions de tous les temps règne toujours. « Ce qui faisait de Pelé le numéro 1, c’est son CV : il était unique », souligne l’ancien international Alain Giresse.

Au Mexique, Pelé est au sommet de son art : flamboyant, magnifique, invincible, magique, spectaculaire, décisif. Prodigieux, tout simplement ! « Il était mon idole. Je suis devenu son partenaire et on l’admirait. Nous avions une équipe incroyable avec des noms magiques mais Pelé était encore au-dessus de tous », confie Paulo César. La première Coupe du monde en mondiovision et en couleur, réputée la plus belle de l’histoire, sacre le plus grand et fait entrer ce jeu dans une autre dimension.

L’inventeur du football ou presque
Car Pelé était ce qu’Elvis Presley est au rock. Sans le King, il n’y aurait pas eu les Beatles, les Stones, Springsteen et les autres. Sans « O Rei », il n’y aurait jamais eu Maradona, Zidane ou Messi. Le Brésilien donnait l’impression d’avoir inventé le football.

« J’ai suivi pour l’AFP toute la préparation et le Mondial du Brésil en 1970, racontait Charles Biétry, l’ancien patron des sports de Canal +, au Parisien, il y a quelques mois. En match comme à l’entraînement, je l’ai vu faire des choses incroyables. Oui, le mot qui lui va le mieux, c’est inventer. Il créait des gestes insensés qu’on ne connaissait pas. Beaucoup donnaient l’impression d’avoir travaillé des années pour réussir certains mouvements. Lui les faisait encore mieux que les autres avec une facilité naturelle déconcertante. Même s’il travaillait beaucoup et ne trichait jamais, ça s’appelle un don. Quelqu’un veillait sur lui pour qu’il réussisse des choses uniques.»

Son génie émerveillait la planète mais agaçait ses adversaires. A une époque où les artistes n’étaient pas protégés, Pelé a été l’attaquant le plus fracassé de l’histoire. Il s’en est sorti par miracle même si, une fois, une côte cassée durant un match a perforé un rein qu’il a fallu lui retirer. « Pelé était simple avec une bonne volonté, un grand cœur, une grande intelligence. Humainement, il était un régal. Il était déjà mon idole, notre idole à tous. Tout le Brésil le vénérait. On avait tant d’admiration et de respect pour lui. Pouvait-on faire autrement ? On ne parle pas de Lionel Messi, Maradona ou Cristiano Ronaldo. On parle de Pelé, on parle du Roi ! » admirait jusqu’au bout Paulo Cesar.

Un athlète hors norme
Le Roi a-t-il eu la chance d’être dans les meilleures équipes du monde au bon moment pour briller ? Non, c’est l’inverse. L’équipe de Santos et la sélection du Brésil ont eu la chance d’avoir Pelé, un athlète physiquement et techniquement hors-norme, bien au-dessus de tous les autres.

Lui qui a commencé à jouer au foot dans la rue avec une chaussette roulée en boule en guise de ballon était plus qu’un joueur : « Pelé fut un athlète d’une valeur musculaire prodigieuse, bien proportionné avec son 1,70 m et ses 74 kg. Sa souplesse d’articulation, de la colonne vertébrale, des genoux et des chevilles lui permettait de réaliser des balancements du buste trompeurs, des changements rapides d’appuis. Sa détente verticale dépassait tout ce qu’on pouvait imaginer.

A ses qualités physiques, s’adjoignit une adresse que l’école de la rue et des favelas ne fit que cultiver et enrichir », écrivait la plume du football de l’Équipe, Jean-Philippe Rethacker en 1981. Pelé savait tout faire et il le faisait mieux que les autres. Au jeu périlleux de la comparaison des époques, rares sont ceux qui lui ressemblent : Johan Cruyff, Diego Maradona et Lionel Messi sont de ceux-là.

Tant d’exploits et si peu d’images du « Dieu noir »
Pelé est un mythe, un objet de vénération. Comme à Lima au Pérou, des stades dans le monde ont encore au XXIe siècle, une plaque à leur entrée qui indique : « Ici a joué Pelé ». On sait qu’il existe et, pourtant, à part les Brésiliens, peu l’ont vu jouer.

« Cette rareté construit aussi son mythe là où aujourd’hui un Messi banalise l’exceptionnel sur tous les écrans presque toutes les semaines », concède Alain Giresse. Pelé n’est venu qu’une fois en France avec la Seleção en 1963 et le « Dieu noir », comme le surnommait la presse, avait marqué trois buts contre les Bleus (2-3).

A cette époque, le foot ne passe pas à la télé. La plupart des images qui existent de lui sont moches et en noir et blanc. Ses mouvements fabuleux sont flous, filmés de loin et difficiles à apprécier. En outre, le meilleur joueur de tous les temps n’a jamais porté le maillot d’un grand club européen, restant fidèle à Santos puis, plus tard, allant prêcher la bonne parole du soccer aux Etats-Unis, au Cosmos de New York.

Il n’a donc jamais remporté le Ballon d’or réservé en ce temps-là aux Européens et pourtant… « Pourtant, il nous fait toujours rêver. Pelé, c’est un rêve, un mythe, et s’il avait joué à notre époque, avec les réseaux sociaux, ce qui se passerait autour de lui serait complètement fou. Il vaudrait 400 millions d’euros », glisse Charles Biétry.

Proche des gens sur tous les continents…
A l’inverse des frasques d’un Maradona, Pelé n’avait pas d’ennemis. Tout le monde l’aimait car il n’a jamais pris de position dérangeante, parfois même pas assez notamment en ce qui concerne le racisme dans son pays. Ephémère ministre des Sports brésilien dans les années 1990, il s’est gardé de prendre des positions critiquables, n’ayant qu’un combat dans sa vie : le développement universel du football.

« Pelé est une personne profondément gentille qui a gardé son sourire d’enfant émerveillé », soutient Charles Biétry. On peut certes lui en vouloir de quelques rapprochements avec des grandes marques internationales pour arrondir ses fins de mois mais qui ne l’a pas fait ? « Pelé a un grand cœur, une grande intelligence, une immense générosité. Il est tout simplement une belle personne. Je ne l’ai jamais vu se comporter en star. Il ne l’a jamais été, il n’a jamais été inabordable, il est resté proche des gens partout dans le monde. Le public sentait qu’il est resté simple. J’étais si fier d’être son ami », avoue Paulo César.

… et star parmi les stars
En 1997, quand il débarque à Paris pour un match, on demande à Michael Jordan s’il connaît Ronaldo, la star mondiale du moment. Il répond : « Ronaldo ? Non. Mais je connais Pelé. » Toutes les plus grandes personnalités de la politique, du show-biz, des médias et autres ont souhaité rencontrer Pelé quand il en était encore physiquement capable. « Qu’on aime ou pas le foot, tous les habitants de la terre ont entendu au moins une fois le nom de Pelé. Peu de gens dans l’histoire de l’humanité ont été aussi universels et connus de leur vivant. A ce niveau-là, il est plus qu’un homme », concède Alain Giresse.

« Je suis plus connu que Jésus » plaisantait le Brésilien. L’approcher, lui demander un autographe ou poser avec lui en photo était une quête, un rêve de fan absolu. « En 1998 pendant la Coupe du monde, soutient Paulo César, j’étais au stade de France avec Beckenbauer, Cruyff et même Mick Jagger, que des stars. Les gens les ont salués mais, quand Pelé est entré, j’ai senti de la dévotion pour lui. C’était incroyable. »

Tapez son nom sur Internet et vous le voyez poser avec Bob Kennedy, la reine Elizabeth, Mohamed Ali, Bill Clinton, Barack Obama, Andy Warhol, Sylvester Stallone avec qui il a joué au cinéma, Steven Spielberg qui fut son voisin de palier à New York et tant d’autres. Pelé a posé avec tous ceux qui ont fait l’histoire du monde ces soixante dernières années. Sur les photos, le plus flatté des deux de poser avec une star n’était pas toujours le footballeur.

A ce jour, un seul joueur peut, avec beaucoup de chances, égaler le record de trois Coupes du monde du maestro brésilien : Kylian Mbappé. Le Français avance sur les mêmes bases : il a gagné sa première étoile à peu près au même âge que lui. Les deux se ressemblent et s’admirent : « Le rencontrer, c’est une fierté sans nom », s’est ému le Parisien lors de leur entrevue au printemps 2019. Les deux génies s’étaient également échangé quelques messages sur Twitter pendant la Coupe du monde 2018. Le Français l’a soutenu publiquement ces dernières semaines dans son combat contre la maladie. Pelé voyait un de ses successeurs dans l’attaquant du PSG.

« Je ne suis qu’un homme normal, avec ses défauts »
Messi, Cristiano Ronaldo et les joueurs du monde entier ont eu et auront toujours Pelé pour modèle. D’une façon ou d’une autre, il est reste LA référence, ne serait-ce que pour battre ses records. Sa disparition n’y change rien. Tout le monde lui cherche aussi un successeur depuis 50 ans, celui qui peut lui ravir le titre de « meilleur joueur de tous les temps ». Même si Messi, selon les propos de la légende elle-même, est celui qui s’en rapproche le plus, personne ne l’a trouvé : « Pelé n’a pas de successeur et il n’en aura jamais. Il était Pelé, un être tellement à part », conclut Charles Biétry.

Et Pelé, affaiblit ces dernières années par des problèmes de santé, un cancer des intestins, des soucis cardiaques, et des douleurs à la hanche, qu’en disait-il lui même de tous ces honneurs ? « Cela me fait toujours autant plaisir d’être apprécié, même après toutes ces années. Je remercie Dieu tous les jours pour cela. Mais, au fond, je ne suis qu’un homme normal, avec ses défauts. Je fais de mon mieux pour rester un exemple. »

L’humilité est une qualité. Pelé avait celle-là avec toutes les autres.

Par Éric Michel

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