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L’opposition turque vit son printemps après les municipales

L’opposition turque vit son printemps lundi, au lendemain d’élections municipales qui ont vu la défaite au parti du président Recep Tayyip Erdogan et consacré la victoire du parti laïque CHP à la tête des principales villes du pays dont Istanbul, son joyau.

« Vous savez ce que l’on ressent lorsque le soleil se lève ? Et bien c’est comme si un deuxième soleil s’était levé! Nous sommes si contents », s’enthousiasme Murat Akgun, 46 ans, un commerçant du centre-ville interrogé par l’AFP.

Les résultats, qui doivent encore être proclamés par la Commission électorale, placent le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) comme principale force du pays: le parti sort largement vainqueur du scrutin jusque dans des provinces d’Anatolie tenues de longue date par le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) de M. Erdogan.

Il emporte 35 des 81 capitales provinciales contre 24 à l’AKP, 10 au parti pro-kurde DEM et deux aux islamistes du Yeniden Refah, auteurs d’une percée qui a contribué à la débâcle de l’AKP.

Istanbul, Ankara, Izmir, Adana, Antalya… le CHP, qui avait été sonné par la défaite de son candidat à la présidentielle de mai 2023, a fait carton plein. Il s’impose même à Bursa, grosse ville industrielle du nord-ouest perçue comme un fief conservateur, ainsi que dans des provinces d’Anatolie considérées comme acquises au pouvoir.

Un « message » des Turcs
Les observateurs relèvent qu’il s’agit de la pire débâcle électorale du président Erdogan depuis l’arrivée au pouvoir de son parti en 2002.

Même les quotidiens pro-gouvernementaux Hürriyet et Yeni Safak titraient lundi sur le « message » que les Turcs, confrontés à une sévère crise économique, ont voulu adresser au pouvoir.

Dès dimanche soir le chef de l’Etat en a d’ailleurs pris acte: reconnaissant un « tournant » il a promis de « respecter la décision de la nation » et invité son camp à « l’autocritique ».

Pour la plupart des commentateurs, la déroute de l’AKP s’explique largement par la crise économique dans laquelle s’englue le pays et qui n’avait pourtant pas pesé en 2023 lors de la réélection de M. Erdogan.

L’éditorialiste d’Hürriyet Abdulkadir Selvi, réputé proche du pouvoir, reconnaît qu’un « vent nouveau souffle » sur la Turquie « qui ne peut s’expliquer que par l’économie ».

« Erdogan doit partir, vraiment partir: les prix explosent pour tout.. J’ai deux enfants, que puis-je leur offrir? Regardez le prix du pain », s’exclame Zulfiye Durtek Durmaz, une femme au foyer de 28 ans qui ajoute: « Erdogan s’est montré sans pitié pour son peuple en taxant tout, tout, tout. Il a 70 ans, place aux jeunes ».

Réélu en mai 2023, M. Erdogan fait face selon le quotidien Hürriyet à « une nouvelle équation politique ».

Il a vu notamment son parti islamo-conservateur bousculé sur sa droite par l’irruption d’un petit parti islamiste: hostile aux LGBT+, aux féministes, aux taux d’intérêt (assimilés à l’usure, interdite par l’islam) le Yeniden Refah a ravi deux provinces et rogne des votes à l’AKP, s’imposant comme la troisième force du pays.

L’inflation au centre
Selon des analystes, le parti a gagné de nombreux suffrages en plaçant l’inflation – 67% sur un an – au centre de sa campagne et en dénonçant sans relâche la poursuite des relations commerciales entre la Turquie et Israël malgré la guerre à Gaza.

Or le ministre des Finances nommé en juin dernier, Mehmet Simsek, qui a entrepris un vaste resserrement monétaire en augmentant progressivement les taux d’intérêt (portés de 8,5% à 50% depuis juin), a promis lundi de continuer de tout faire pour « ramener durablement l’inflation à un chiffre ».

Champion de l’opposition depuis sa victoire à Istanbul en 2019, le populaire et charismatique maire CHP Ekrem Imamoglu, semble désormais promis à un destin national.

A Ankara, Mansur Yavas, réélu triomphalement dans la capitale avec 30 points d’avance sur son rival AKP, sort lui aussi en héros de l’élection.

Mais pour l’heure, Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2003 comme Premier ministre puis comme président (depuis 2014) reste chef de l’Etat jusqu’en 2028.

Il avait affirmé début mars que ces élections « seraient les dernières » organisées sous son autorité, laissant entrevoir une possible retraite politique à la fin de son mandat.

D’ici là, même avec une parti affaibli, il entend continuer de gouverner et a appelé à « ne pas gaspiller le temps de la nation » ces quatre prochaines années.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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