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Les centres d’étrangers en situation irrégulière se vident en France

Le risque sanitaire dans les centres de rétention administrative et la fermeture des frontières font que les sans-papiers quittent ces établissements. Pas assez vite, selon des avocats.

L’épidémie de coronavirus a des conséquences sur la situation dans les centres de rétention administrative (CRA). Ces centres, destinés à accueillir des étrangers en situation irrégulière dans l’attente de leur expulsion vers leur pays d’origine, sont en train de se vider. Vendredi, il ne restait plus que 339 personnes retenues sur une capacité globale de 1900 places, un chiffre qui a encore baissé depuis.

Certains centres sont complètement vides comme à Nice (Alpes-Maritimes) ou à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques). D’autres sont inhabituellement sous-occupés. Ainsi, ce lundi matin, il n’y avait plus que 29 retenus au centre du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), le plus grand de France (240 places). Du jamais-vu.

Pour autant, compte tenu de l’aggravation de l’épidémie, plusieurs voix — comme celle du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) — s’élèvent pour réclamer une fermeture temporaire de tous les CRA du pays. C’est également le sens du référé-liberté déposé ce lundi par un collectif d’associations (dont la Cimade ou le Conseil national des barreaux) devant le Conseil d’Etat, sur le modèle de celui déposé la semaine dernière par un collectif de soignants pour réclamer — sans succès — un confinement total de la population. Ce référé sera examiné ce jeudi.

Aucune consigne globale du ministère de l’Intérieur
«La situation sanitaire dans les centres est très problématique. Officiellement, aucun cas de contamination n’est recensé mais il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, dénonce maître Patrick Berdugo, un des avocats à l’origine de cette action. En continuant à placer des personnes en rétention, on aggrave le risque de contamination. Même si elles ne restent que 48 heures avant d’être remises en liberté, elles auront eu le temps d’être trempées dans le bouillon…»

Le placement en rétention initial et sa demande de prolongation relèvent du préfet. Or, le ministère de l’Intérieur n’a délivré aucune consigne globale. «Certaines préfectures ont libéré d’elles-mêmes, reconnaît maître Ruben Garcia, un avocat spécialisé en droit des étrangers. Elles sont parties du principe que l’éloignement dans le pays d’origine n’était plus possible. Il n’y a par exemple plus de liaison aérienne avec le Maroc, donc il n’y a plus de raison de retenir un ressortissant marocain.»

Cette politique n’a rien de systématique. «Les préfets, avec discernement et humanité, apprécieront les situations au cas par cas», a indiqué la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, au nom du gouvernement, en rejetant un amendement déposé au Sénat le 19 mars demandant la suspension temporaire des placements. C’est donc au niveau de la justice que le mouvement s’est opéré. Un juge des libertés et de la détention (JLD) est systématiquement saisi pour statuer sur les demandes de prolongation formulées par les préfectures. Les retenus peuvent également saisir le juge à tout moment, comme leurs avocats l’ont massivement fait ces derniers jours.

Un raidissement ces derniers jours
«Les JLD de Paris, compétents pour statuer sur le CRA de Vincennes, et ceux de Meaux, compétents pour celui du Mesnil-Amelot, ont remis en liberté à tout-va la semaine dernière», observe maître Ruben Garcia. Parfois, le juge argue de l’impossibilité de la mise à exécution de la mesure : «Des pays, de plus en plus nombreux chaque jour, ferment leurs frontières, rendant les perspectives d’éloignement tout à fait incertaines dans un délai raisonnable», argumente un JLD de Meaux (Seine-et-Marne) pour ordonner la remise en liberté d’un ressortissant tunisien le 19 mars.

Certains magistrats ont également tenu compte des pays tiers : «En permettant la reconduite de l’intéressé dans son pays d’origine, il risquerait de provoquer involontairement un risque de propagation de la pandémie dans sa patrie et mettre en danger ses ressortissants», écrit un JLD de Meaux le 18 mars, tout en n’oubliant pas de parler de la situation au CRA du Mesnil-Amelot : «Les conditions de rétention et la promiscuité régnant dans le centre apparaissent de nature à favoriser la propagation du virus et à mettre ainsi en danger tant les retenus eux-mêmes que les personnels en charge de leur garde». La Cour d’appel de Paris a également remis en liberté quasiment tous les retenus dont elle a eu à s’occuper la semaine dernière.

La Cimade réclame «la fermeture des centres»
Mais la donne serait-elle en train de changer ? C’est le sentiment de maître Garcia, qui constate depuis ce week-end un raidissement. Vendredi, un JLD de Meaux a par exemple considéré que «la situation de promiscuité qui pouvait exister il y a encore quelques jours n’est plus d’actualité, compte tenu du nombre de libérations et qu’il est dès lors possible de respecter des mesures barrière pour éviter la propagation de la maladie». Il a donc rejeté la demande de mise en liberté d’un Sénégalais.

«Ce n’est pas forcément dit comme tel, mais on constate que les seuls nouveaux retenus le sont pour des motifs d’ordre public. Comme il n’y a plus d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière, ce sont en réalité des sortants de prison», observe maître Ruben Garcia. «Cette situation est extrêmement grave, dénonce David Rohi, de la Cimade. Ce n’est parce qu’un étranger a eu affaire à la justice à un moment donné de son parcours qu’il doit être mis en situation d’être contaminé ou de propager le virus. C’est pourquoi nous réclamons de manière urgente la fermeture des centres. C’est un problème politique et humain.»

Timothée Boutry

Digital Manager - Chef de projet chez Alixcom Dakar | E-mail: saliou@dakar-echo.com | +221 77 962 92 15

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