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«L’Élysée n’a rien voulu voir», selon Bernard Kouchner tandis qu’Hubert Védrine salue «l’honnêteté» du rapport «qui écarte toute complicité de la France»

François Mitterrand et «les gens de l’Élysée n’ont rien voulu voir» durant le génocide de 1994 au Rwanda, a affirmé à l’AFP l’ancien ministre Bernard Kouchner, qui salue le rapport Duclert remis vendredi sur la responsabilité française.

Ce rapport «apporte un peu de vérité sur une immense faute politique» française pendant le génocide des Tutsi. «Mais c’est tellement tardif, plus de 26 ans après», regrette l’ancien ministre de la Santé et de l’Action humanitaire sous la présidence de François Mitterrand (1992-1993). Comme il l’avait déjà déclaré à la presse, Bernard Kouchner, qui s’est rendu au Rwanda pendant le génocide, assure avoir «appelé deux fois le président François Mitterrand pour le prévenir»: «il m’a écouté et m’a dit: vous exagérez».

Plus tard, lors d’un échange avec le président Mitterrand, «je lui ai demandé: ‘pourquoi avez-vous protégé le président Juvénal Habyarimana?’ Il m’a répondu: ‘pourquoi voulez-vous que je le protège’, qu’il ne l’avait rencontré que deux fois, qu’il ne le connaissait pas».

Le rapport souligne pourtant leur proximité. «Les gens de l’Élysée», «le général Quesnot» (chef d’état-major particulier), le «général Huchon» (alors colonel et adjoint du général Quesnot) ou «Hubert Védrine», alors secrétaire général de l’Élysée, ont fait preuve d’une «cécité absolue», considère Bernard Kouchner.

«La vérité n’était pas recherchée une seconde», les décideurs français, prisonniers d’une lutte «d’influence» avec leurs concurrents occidentaux, prenaient Paul Kagame pour «un valet des Américains», décrit encore l’ancien humanitaire, à propos du président rwandais et ancien chef de l’ex-rébellion tutsi du FPR. «Savoir ce qu’il se passait, c’était facile».

«L’aveuglement» décrit dans le rapport, est «un bon mot». «Ils (le pouvoir français) avaient tous les moyens de se renseigner sur ce qu’il se passait. Ils ne l’ont pas fait», accuse-t-il.

Hubert Védrine salue «l’honnêteté» du rapport «qui écarte toute complicité de la France»
L’ancien ministre socialiste Hubert Védrine, secrétaire général de l’Élysée au moment du génocide rwandais de 1994, a salué vendredi auprès de l’AFP «l’honnêteté» du rapport, remis à Emmanuel Macron, qui a «écarté toute complicité de la France».

Il déplore toutefois «les critiques très nombreuses et sévères» du rapport, visant notamment l’ancien président socialiste François Mitterrand, qui «ne tiennent aucun compte du fait que la France n’a fait que réagir à partir de 1990 à l’attaque du FPR» tutsi. Hubert Védrine reconnaît toutefois «des erreurs» de la France.

Par exemple, «quand on se retire du Rwanda après les accords d’Arusha (en août 1993, ndlr), ça ne me choque pas que certains disent qu’on aurait dû rester, en tout cas une présence internationale».

Selon le rapport cinglant d’historiens remis vendredi au président, la politique de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, menée par François Mitterrand et son entourage «aveuglés idéologiquement», a été une «faillite» et elle porte des responsabilités «accablantes» dans le génocide des Tutsi.

«Mais le plus important, c’est que le rapport écarte toute complicité de la France», a estimé Hubert Védrine, «compte tenu des accusations qui circulent depuis une quinzaine d’années», dont il a lui-même fréquemment fait l’objet.

Interrogé sur la responsabilité de François Mitterrand et de ses bonnes relations avec le président rwandais de l’époque Juvénal Habyarimana, soulignée par le rapport, Hubert Védrine a affirmé que «c’est une mauvaise explication», une «extrapolation»: «Il connaissait bien les dirigeants africains, pas lui plus qu’un autre» et «beaucoup de pays avaient des relations normales» avec le régime Hutu.

L’ancien ministre des Affaires étrangères a également repoussé l’explication du rapport selon laquelle les informations régulières provenant de militaires et diplomates sur place, faisant état d’un risque de génocide, avaient été ignorées à Paris. «Il n’y avait pas besoin d’avertissements pour savoir qu’il y avait un risque géant. C’était évident dès le début qu’il (allait) y avoir un durcissement atroce».

L’attitude des dirigeants français, qui continuent à livrer des armes au régime jugé «raciste» par le rapport, s’explique selon lui par leur volonté de répondre «aux attaques du FPR, qui massacre beaucoup de cadres Hutu». «Il y a une course de vitesse et la réponse de la France, c’est de faire pression pour arriver à un compromis», qui débouche sur les accords d’Arusha, a-t-il plaidé.

«Il y est notamment question de bâtir la nouvelle armée rwandaise, avec 40% de Tutsi alors qu’ils représentaient 12 à 13% de la population rwandaise», a souligné Hubert Védrine, pour qui «ce n’est pas un comportement d’ami aveugle». Le rapport peut-il amener un apaisement? «On verra bien, souhaitons-le», a glissé Hubert Védrine.

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