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Le president tunisien Kais Saied s’arroge le pouvoir exécutif, Ennahdha condamne un «coup d’Etat contre la révolution»

Kais Saied a annoncé qu’il gelait les activités du Parlement, et démettait de ses fonctions le chef du gouvernement Hichem Mechichi.

Le président tunisien Kais Saied, engagé depuis des mois dans un bras de fer avec le principal parti parlementaire Ennahdha, a gelé les travaux du Parlement et pris en main le pouvoir exécutif, après une journée de manifestations en pleine crise sanitaire dimanche. Ce coup de théâtre ébranle la jeune démocratie tunisienne, qui fonctionne depuis l’adoption en 2014 d’une Constitution de compromis selon un système parlementaire mixte, dans lequel le président a comme prérogatives la diplomatie et la sécurité.

« Selon la Constitution, j’ai pris des décisions que nécessite la situation afin de sauver la Tunisie, l’Etat et le peuple tunisien », a déclaré M. Saied à l’issue d’une réunion d’urgence au Palais de Carthage avec des responsables des forces de sécurité. « Nous traversons des moments très délicats dans l’histoire de la Tunisie », a-t-il ajouté. Il a annoncé qu’il gelait les activités du Parlement, et démettait de ses fonctions le chef du gouvernement Hichem Mechichi.

« Le président se chargera du pouvoir exécutif avec l’aide d’un gouvernement dont le président sera désigné par le chef de l’Etat », a-t-il ajouté. Des klaxons ont retenti dans les rues de Tunis peu après cette annonce.

Le principal parti au pouvoir en Tunisie, la formation islamiste Ennahdha, a condamné dimanche soir un « coup d’Etat contre la révolution », après la décision du président Kais Saied de geler les travaux du Parlement et de s’octroyer les pouvoirs exécutifs. « Ce qu’a fait Kais Saied est un coup d’Etat contre la révolution et contre la Constitution, et les partisans de Ennahdha ainsi que le peuple tunisien défendront la révolution », a estimé Ennahdha dans un communiqué publié sur sa page Facebook.

En signe de protestation, le président du Parlement tunisien, Rached Ghannouchi, a observé un sit-in devant la chambre après avoir été empêché d’y accéder par des forces militaires.

En même temps, quelques centaines de partisans du président tunisien Saied rassemblés devant le Parlement ont lancé des slogans hostiles au parti d’inspiration islamiste Ennahdha, principal parti parlementaire dirigé par Rached Ghannouchi. Les deux camps ont échangé des jets de pierres et de bouteilles.

Manifestations dans le pays
L’annonce du président tunisien Saied fait suite à des manifestations dans de nombreuses villes du pays dimanche, en dépit d’un important déploiement policier pour limiter les déplacements. Les milliers de protestataires ont notamment réclamé la « dissolution du Parlement ». « La Constitution ne permet pas la dissolution du Parlement mais elle permet le gel de ses activités », a déclaré M. Saied, s’appuyant sur l’article 80 qui permet ce type de mesure en cas de « péril imminent ».

Le président a annoncé qu’il se chargeait du pouvoir exécutif, avec « l’aide du gouvernement » qui sera dirigé par un nouveau chef qu’il désignera. Il a en outre annoncé lever l’immunité parlementaire des députés.

L’opinion publique tunisienne est exaspérée par les conflits entre partis au Parlement, et par le bras de fer entre le chef du Parlement Rached Ghannouchi – aussi chef de file d’Ennahdha – et le président Saïed, qui paralyse les pouvoirs publics.

Une crise sanitaire sans précédent
Elle dénonce aussi le manque d’anticipation du gouvernement face à la crise sanitaire, laissant la Tunisie à court d’oxygène. Avec ses près de 18 000 morts pour 12 millions d’habitants, le pays a l’un des pires taux de mortalité au monde dans cette pandémie. Plusieurs milliers de Tunisiens ont manifesté dimanche contre leurs dirigeants, notamment contre la formation islamiste Ennahdha. Ils ont crié des slogans hostiles à cette formation et au Premier ministre qu’elle soutient, Hichem Mechichi, scandant « le peuple veut la dissolution du Parlement ». « Changement de régime », était-il également inscrit sur des pancartes.

Des locaux et symboles d’Ennahdha ont été pris pour cible. Des appels à manifester le 25 juillet, jour de la fête de la République, circulaient depuis plusieurs jours sur Facebook, émanant de groupes non identifiés.

Ils réclamaient entre autres un changement de Constitution et une période transitoire laissant une large place à l’armée, tout en maintenant le président Saïed à la tête de l’Etat.

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