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Le Bénin, la démocratie et le millionnaire

Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais réfugié en France, s’interroge sur la présidence de Patrice Talon, à la tête du Bénin depuis 2016.

La plupart des chefs d’État africains accèdent à cette fonction flamboyante sans un sou vaillant. D’autres, souvent diplômés, sont issus des classes sociales les plus démunies. Compréhensible qu’à leur arrivée au pouvoir, ils cherchent à s’enrichir avec un rare cynisme. Tout en se rêvant « califes ». Et, ils y parviennent d’autant plus facilement qu’ils érigent la corruption en système de gouvernement.

On se faisait à l’idée, à tort, que le jour où les gens riches passeraient au pouvoir, on assisterait à la naissance de la démocratie. À la confirmation de nos indépendances creuses. Et à la fin de cet état de pauvreté endémique qui nous accable. Il est vrai que l’expérience, dans ce sens, ne comprend qu’un exemple concret, celui du Malgache Ravalomanana (2002-2009), un millionnaire dans l’agroalimentaire dont le résultat de la gestion reste mitigé. Pour le reste, il s’agit des gouvernants qui se sont enrichis, en faisant main basse sur le trésor public.

Pourtant, des hommes riches irréprochables existent. Des personnes qu’on a vu partir de rien, mais qui, à la force du poignet, sont parvenues à s’asseoir sur des grosses fortunes. Trois d’entre elles sont récemment venues à la politique active, et occupent le sommet de l’État, par les urnes : le Malgache Andry Rajoelina, 45 ans, janvier 2019 ; le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, 66 ans (ancien syndicaliste), février 2018 et le Béninois Patrice Talon, 61 ans, avril 2016.

Des espoirs « talonnés »
La démocratie au Bénin, laquelle, avec quelques autres rares régimes démocratiques a la cote, en Afrique, est aujourd’hui mise à mal par Patrice Talon. Pour autant, l’actuel chef de l’État est un demi-milliardaire. Un homme d’affaires avisé et instruit, qui a fait fortune dans la filière d’intrants agricoles et d’égrenage du coton. Il figure au 15e rang de plus grandes fortunes d’Afrique subsaharienne francophone, avec un patrimoine évalué par la revue Forbes 2015, à plus de 400 millions de dollars.

Or, depuis son arrivée à la tête de l’État, le Bénin s’embrouille dans une dérive autoritaire inquiétante : le président décide seul. Ainsi élabore-t-il des propositions de loi scélérates, rejetées en bloc par le Parlement, à l’origine d’un climat constant de tensions et d’affrontements mortels. Enfin, il concocte une nouvelle charte des partis politiques, qui exclut les formations de l’opposition d’élections législatives, en avril. Sauf deux formations à sa solde. C’est le bouquet ! S’ensuivent protestations et répressions dans le sang… Jusqu’à imposer manu militari interdiction à l’ancien président Boni Yayi (2006-2016) de sortir de chez lui pendant 50 jours.

C’est le triomphe de la dictature, puisqu’en dépit de toutes les désapprobations émises par les instances africaines, le Parlement monocolore de Talon continue de fonctionner. Au vu et au su de tout le monde. Talon a « talonné » les espoirs des Béninois qui ont voté pour lui, en croyant que la toute-puissance de l’argent avait forcément une influence positive sur l’homme. Espoirs douchés également pour toute l’Afrique, médusée, se demandant à quel saint se vouer pour le salut.

Jean Jules Lema Landu avec Ouest France

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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