Faits divers

La confession sur PV des deux « transporteurs » des munitions saisies à Pire

Ce 26 octobre 2019, vers 2 heures du matin, lorsqu’il aperçoit les gendarmes à un point d’ancrage sur la route nationale 2, à hauteur de Pire, le sang de Maky Taal Ndiaye ne fait qu’un tour. Il sait, pour y avoir jeté un coup d’œil, ce qui se trouve dans la malle arrière de sa voiture de type Mercedes, immatriculée DK 3352. Il faut absolument garder son sang-froid dans ces genres de situation et espérer «passer » le barrage. Mais, quand les pandores, demandent à Maky Taal Ndiaye de se mettre sur le côté et, mieux, d’ouvrir le coffre du véhicule, le « transporteur », sait que les carottes étaient cuites. Les deux autres passagers du véhicule, eux, ne se doutent de rien.

Un premier sac dans un…sac ou comment un banal contrôle a viré à une affaire de sécurité nationale.

Dans les quelques secondes qui vont suivre, un «banal » contrôle sur la route allait virer à une affaire de sécurité nationale. En ouvrant la malle arrière, l’attention des gendarmes est attirée par un sac en nylon à l’intérieur duquel se trouvait un…sac à dos de couleur sombre. Quand ils ouvrent le sac, les gendarmes tombent sur des munitions de guerre de 7,62 m/m sur bande. Dans le silence de la nuit, la tension monte d’un coup : les pandores, en tant que militaires, savent que ces munitions d’Ak-47 sont capables d’atteindre une cible sur une distance de 1300 mètres. Pourtant ils n’étaient pas au bout de leur surprise. Ils découvrent deux autres sacs soigneusement dissimulés dans le creux de la malle arrière, normalement réservé à la roue de secours. 17 autres bandes seront retrouvées dans le sac. Un vrai arsenal de guerre. «De quoi équiper deux contingents», glisse cet ancien officier des renseignements.

Deux autres sacs à la place de la roue de secours.

Maky Taal Ndiaye savait exactement ce qui allait se passer en ce moment. Sans surprise, il est systématiquement placé en garde à vue alors que les deux autres passagers du véhicule sont acheminés à la brigade pour nécessité d’enquête.

«Un inconnu est venu à Bountou Pikine… ».

Interrogé, Maky Taal Ndiaye joue la carte du mensonge : il déclare aux enquêteurs qu’un inconnu est venu le 25 octobre 2019 à hauteur du croisement de «Bountou Pikine » où il était stationné pour lui demander de transporter de la marchandise de Dakar à Rosso. Une version qui ne tient pas la route. Mais, la nuit, porte conseil.

«J’ai décidé de dire la vérité »…

Après plusieurs heures dans la chambre de sûreté, Maky Taal Ndiaye informe les gendarmes qu’il a décidé de dire toute la vérité, et rien que la vérité. Chauffeur de profession, il a l’habitude, dit-il, de prendre des clients sur l’axe Rosso-Thiès ou Rosso-Dakar. Ainsi, ce 24 octobre, il a quitté Rosso pour déposer des clients à Thiès avant de faire demi-tour pour passer la nuit, chez lui, à Ndorma (Mboro). D’après toujours ses aveux en garde à vue, le lendemain, il a quitté Ndorma pour rallier Dakar. Dans l’après-midi, confesse-t-il, il a reçu un appel d’Ameth Ndiaye qui lui a confié avoir, sur, Dakar des bagages à transporter à Rosso. Maky Taal Ndiaye ne se pose même pas de question : Ameth Ndiaye est le père de son épouse à qui il voue un grand respect. N’empêche, il prend quand même le soin de demander au « doyen », père de neuf ans, la nature des bagages à transporter. Ce dernier lui rétorque qu’il s’agit de ferrailles. Maky Taal Ndiaye récupère «la ferraille », déposée par une connaissance de son beau-père, chez lui, et prend la route.

«C’est à Rufisque que j’ai su qu’il ne s’agissait pas de ferraille… ».

Pourtant lorsqu’il s’arrête à Rufisque, pour mettre de l’ordre dans la malle arrière après avoir pris deux clients pour Ngaye Mekhé et Thiès, Maky Taal Ndiaye n’hésite pas ouvrir les sacs. Lorsqu’il tombe sur les munitions, il appelle, en panique, son beau-père qui lui assure qu’elles ne sont plus utilisées par l’armée et qu’elles serviraient à faire de la ferraille. N’empêche, Maky Taal Ndiaye prend le soin de dire à son beau-père qu’il sera responsable de tout ce qui lui arrivera. Il ne savait pas que, quelques heures plus tard, il allait se faire serrer à Pire…

«J’ai reçu un appel de Moustapha, une connaissance mauritanienne… ».

Ameth Ndiaye est immédiatement localisé et cueilli. «Dans la matinée du jeudi 24 octobre 2019 j’ai reçu un appel Whatsapp d’un ami du nom de Moustapha, un maure mauritanien établi à Nouakchott. Moustapha m’a dit qu’il avait des bagages à Dakar qui devaient être acheminés à Rosso et il voulait que je l’aide. J’ai dit à Moustapha que Maky était à Dakar et que normalement il devrait pouvoir transporter les bagages jusqu’à Rosso. Moustapha m’avait dit aussi que c’est Bécaye qui est en possession des bagages et que c’est lui qui allait amener les bagages jusq’au domicile de Maky. J’ai appelé Maky pour l’informer et en cours de route il s’est fait arrêter », lâche-t-il non sans préciser : «J’ai appelé Bécaye qui m’a dit que les bagages étaient de la féraille et c’est ce que j’ai dit à Macky ».

«C’est Bécaye qui a déposé les sacs de minutions chez Maky… ».

Bécaye sera identifié au nom d’Abdou Bécaye Sankharé alias Békhaye Sankharé, soldat en service au camp Lemmonier. Quid du fameux Moustapha ? «J’ai fait sa connaissance il y a de cela quelques années maintenant. Je suis chauffeur à Rosso et comme la plupart des sujets mauritaniens se soignent au Sénégal entre Thiès et Dakar, j’ai accompagné un jour Moustapha, son oncle qui devait se soigner et deux autres femmes pour les amener dans une clinique à Dakar. Depuis lors nous avons gardé le contact. Je ne sais pas dans quel domaine il évolue en Mauritanie mais je pense qu’il doit être commerçant ».

«J’ai su que Bécaye était un militaire quand il était venu récupérer, en tenue, 50.000 Fcfa que m’avait remis, pour lui, Moustapha… ».

Et Bécaye ? «Je l’ai connu par l’intermédiaire de Moustapha et je l’ai vu à deux reprises. Moustapha m’avait remis des draps et des habits à remettre à Bécaye il y a environ huit mois. J’ai amené les bagages à Dakar, et arrivé à La Poste de la Médina, il est venu récupérer les bagages. La deuxième fois, c’est un inconnu arabe qui est venu me remettre, de la part de Moustapha, 50.000 Fcfa destinés à Bécaye. C’est quand je lui ai remis l’argent à Dakar que j’ai su qu’il était militaire : il était tenue ».

« Moustapha m’avait dit que quelqu’un viendrait récupérer les sacs à Rosso… ».

Ameth Ndiaye fera une dernière confidence aux enquêteurs : si les bagages étaient bien arrivés à Rosso, Moustapha lui a indiqué que quelqu’un viendrait les récupérer pour les amener en Mauritanie. Mais qui est Moustapha ? Les services sénégalais, qui ont fait de cette affaire une priorité, disposent de son identité complète révèle Libération qui a publié ces confessions détonantes dans son édition de ce lundi.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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