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BABACAR, un 26 juillet de toutes les surprises – Par Ibrahima Bakhoum

Il y a un an, le successivement journaliste, chroniqueur environnemental, analyste politique, éditorialiste engagé, manager général dans le privé et président d’une institution de la République quittait cette terre

Et de deux. La semaine dernière encore, tu as manqué aux tiens, récidivant comme il y a déjà douze mois, lorsqu’après avoir assuré l’essentiel, tu as tiré le rideau sur ton immense et riche parcours. Tu t’es éclipsé, sans attendre ces moments de grandes retrouvailles familiales autour du mouton de Tabaski. On était à moins d’une semaine de la fête.

Le 27 juillet 2020 aura été le jour de trop de douleur, pour cette foule de toutes les couleurs, qui t’a accompagné à Touba où tu reposes désormais au cimetière de Baqya. Voulusses-tu partir discrètement, que ton nom faisait déjà le tour des médias ici et ailleurs dans la nuit du 26, à l’annonce de la nouvelle, que ton cœur venait de renoncer à l’exercice qui donnait encore espoir que tu pouvais retourner à la maison.

Là-bas Madame Touré et les enfants Ndèye Fatou, Astou, Mariama, Cheikh et Abderrahmane Babacar espéraient encore une bonne nouvelle, qui ne vint hélas jamais. Derrière toi, la surprise des uns se noyait dans l’acceptation des autres que, quand arrive le décret divin, il cesse d’y avoir place pour autre chose que les prières selon ceux qui choisissent de s‘en remettre au Maître des Mondes.

En face, les pleurs, les conjectures autour des circonstances de l’ultime voyage, le souvenir de périodes, moments et brefs instants d’échanges désormais gravés dans les mémoires et les souvenirs, parfois dans les cœurs et les couvertures de presse mais désormais numérisées pour l’histoire du Journalisme, au Sénégal et en Afrique.

Pendant un an depuis ce départ pour l’éternité, j’ai personnellement continué à te parler, trouvant consolation dans la croyance que oui, le confrère et co-aventurier professionnel entendait tout, observait de loin. Encore sur terre, je vais pour le temps qu’il me sera encore donné de le faire, y garder les pieds et cesser de te parler, de te tutoyer. Tu entres dans l’Histoire, par la plus grande des portes. Je vais désormais raconter Babacar TOURE. Parler à la troisième personne. Parler de toi.

Un grand monsieur, altruiste…
Il y a un an, le successivement journaliste, chroniqueur environnemental, analyste politique, éditorialiste engagé, manager général dans le privé et président d’une institution de la République quittait cette terre de chez nous pour son voyage sans retour. Derrière lui, épouse et enfants, frères et sœurs, confrères et consoeurs, confidents et collaborateurs, admirateurs et précédemment contempteurs embouchaient la même trompette : un grand monsieur s’en est allé. C’était cela BT, comme les initiales de la très célèbre signature, Mbaye pour les intimes.

En parler comme d’un maître du Journalisme collerait bien au professionnel des médias, qu’il a été. Mettre l’accent sur son côté social obligerait à ouvrir des pages et des pages d’une vie toute entière consacrée aux combats pour la justice, la dignité de ceux que le système a parfois contraints au silence et à l’absence, quand d’autres doivent prendre des décisions qui les engagent. Ce serait ouvrir de difficiles souvenirs pour ces milliers de Sénégalais qui directement et/ou indirectement, ont trouvé les moyens de se tirer de situations dont ils avaient commencé à désespérer des chances de sorties.

Généreusement, Babacar Touré a partagé savoirs et avoirs, combattu pour les causes nationales et africaines, consacré son énergie à innover et toujours repousser les frontières du possible. Il avait le sens de la répartie, illustration d’une culture générale nourrie de la sève universaliste ayant pris de l’Amérique où il fit des études de Sociologie, de la Chine dont il se remplit des idées dans les cellules clandestines maoïstes, des us et coutumes du Sénégal dont il fréquenta les grandes familles religieuses dans un incontesté esprit syncrétiste, de l’Afrique qu’il parcourut souvent avec un épais carnet d’adresses et de la France dont il avait une remarquable maîtrise de la langue outre une solide compréhension des modes de vie.

… Généreux et innovateur
Dans le journalisme, on retiendra de Babacar Touré, l’inspirateur de ce qu’une bande de copains et alors jeunes confrères ont fini par transformer en Groupe multimédia. Lui survivent Sud quotidien, Sud FM et l’Institut Supérieur des Sciences de l’information et de la Communication (ISSIC) comme concrétisation de son rêve de renforcement de la démocratie, du pluralisme, de la Liberté d’expression et d’opinion dans l’espace ouest-africain avec des clins d’oeil appuyés au reste du continent. ‘’Faisons les amis, en sorte que ceux qui nous lisent et approuvent aujourd’hui ne nous surprennent pas, si demain ils doivent se mettre en face voire nous combattent, parce que pas d’accord avec nos écrits.

Assurons-nous que ce sont eux qui auront eu une autre perception du réel et d’autres projets et ambitions’’ pendant que Sud restera ferré aux valeurs de l’Ethique et de la Déontologie qui fondent la profession. Voilà le crédo resté inchangé, que Babacar Touré ressassait tout le temps qu’il était collé à la Rédaction de Sud, du Magazine (1986- 89) à l’Hebdo (1989-1993) et au Quotidien.

Depuis très bientôt trois décennies et au rythme des arrivées et départs, des équipes de jeunes et légèrement moins jeunes journalistes poursuivent la mission de vigie de la démocratie, ainsi que l’avaient rêvé et concrétisé les pionniers. Bien écrire, écrire libéré et responsable, vérifier, toujours vérifier en amont de tout article, voilà le viatique qui a préservé Sud du naufrage, malgré des épisodes de menaces et manœuvres contre ses produits et leurs animateurs.

La Maison de la Presse Babacar Touré est une belle réponse à l’ambition de Babacar pour la Liberté de la presse. Cet homme nous a fait ses adieux, il y a un an, jour pour jour ce 26 juillet. Me revient encore la gymnastique sémantique du Dirpub de Sud Quotidien cherchant les mots pour m’annoncer la nouvelle.

Ce soir-là, j’avais prévu par nécessités professionnelles, de travailler jusque très tard. Avec la nouvelle que, difficilement Vieux Savané venait de me donner, je dus veiller pour écrire et répondre à dizaine d’appels d’amis et journalistes surpris et incrédules à la limite. Tous rendaient à BT ce que lui avait cultivé : un formidable esprit confraternel, toujours adossé aux principes moraux qui donnent sa force au Journalisme comme moyen de préservation de la démocratie

Ibrahima BAKHOUM

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