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Au pèlerinage du grand Magal de Touba, recueillement, hospitalité et générosité

– Des centaines de milliers de fidèles ont répondu à l’appel du fondateur du mouridisme Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), à s’unir à lui pour témoigner sa reconnaissance à Dieu.

Grande affluence à Touba, capitale du mouridisme au Sénégal, à l’occasion du pèlerinage du grand Magal célébré chaque année le 18ème jour du mois de Safar (2ème mois du calendrier lunaire).

Des quatre coins du pays et même au-delà, les pèlerins avaient commencé depuis samedi à rallier la capitale du mouridisme pour célébrer le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké (1853-1927), fondateur du mouridisme, confrérie la plus influente du pays.

« Quant aux bienfaits que Dieu m’a accordés, ma seule et souveraine gratitude ne les couvre plus. Par conséquent, j’invite toute personne que mon bonheur personnel réjouirait à s’unir à moi dans la reconnaissance à Dieu, chaque fois que l’anniversaire de mon départ en exil le trouve sur terre », a indiqué Serigne Ahma Diouf, membre de la confrérie, pour expliquer le sens de ce rendez-vous religieux.

« Faire des récitals de coran ou de Khassaides (poèmes écrits par Cheikh Bamba) et adresser des prières au prophète Mohamed (Psl). A défaut, se mettre au service des pèlerins. Tels sont les actes agréés pour célébrer le Magal », a aussi relevé Serigne Khadim Diop, disqualifiant tout autre acte en ce jour de reconnaissance.

Par centaines de milliers, les disciples mourides ont répondu à l’appel en guise de reconnaissance et pour célébrer l’islam en cette 128 édition du Magal.

« J’ai répondu à l’appel ; ce que je fais d’ailleurs depuis 32 ans de manière ininterrompue. Nous le traduisons en acte en venant dans la ville sainte de Touba. C’est une victoire de l’islam parce que Serigne Touba (autre nom de Cheikh Bamba) a travaillé pour le triomphe de l’islam », a insisté Abdoulaye Sarr, rencontré à sa sortie de la grande mosquée de Touba.

Grande mosquée, centre d’attraction
Cette mosquée, vers laquelle convergent toutes les rues de la ville, donnant à Touba une architecture particulière, est le principal centre d’attraction du Magal.

La mosquée de Touba qui couvre une superficie de 8790 m2 et dispose de sept minarets dont le plus haut trône sur 82 mètres de haut. Le lieu de culte dont les murs, les poteaux et le plancher sont recouverts de marbre bleu et d’albâtre peut accueillir plus de 5000 fidèles, compte non tenu de l’esplanade.

C’est aussi en son sein que se trouvent les mausolées du fondateur du mouridisme et de ses fils qui se sont succédés au khalifat de la confrérie.

Ce sont ainsi de longues files de fidèles qui se forment pour espérer se recueillir sur les tombes de ces guides religieux érigées en véritables mausolées conçues avec de précieux matériaux.

Vêtue d’un boubou de couleur bleue et le foulard lui tombant presque au visage, Marie Ndaw a pu se recueillir sur la tombe de Serigne Saliou Mbacké (dernier fils de Serigne Touba à être khalife).

« Contente d’avoir sacrifié à cet exercice. J’ai prié pour le saint homme mais aussi pour la paix pour notre pays et pour tout le monde », a affirmé la quinquagénaire, rapportant avoir passé plus de cinq tours d’horloge dans la file.

« Ça a été éprouvant mais cela en valait la peine parce que Serigne Saliou est tout pour moi », a poursuivi la dame venue de Bambilor (département de Rufisque).

Cheikh Konaté qui vient de la Gambie a, lui aussi, passé des heures avant d’entrer dans le mausolée de Serigne Fallou Mbacké (2ème Khalife de confrérie).

« C’est un soulagement pour moi. Qu’importe la durée je ne serais jamais rentré sans sacrifier à cette tradition. Je ne l’ai pas connu de son vivant mais je retiens de lui un pacificateur et un grand érudit grâce aux témoignages que j’ai reçus sur son histoire », a soutenu Konaté en shirt noir avec une photo de Serigne Fallou sur la poitrine.

En ce lieu où les files d’hommes et de femmes sont séparés sous la supervision de l’organisation Muhhadimatul Khidma en charge de l’organisation, des groupes de chanteurs religieux rivalisent d’ardeur dans les éloges à Cheikh Bamba.

Les déclamations de panégyriques en hommage au Cheikh fusent de partout dans la cour dans des airs parfaitement maîtrisés au grand bonheur de fidèles enchantés par le spectacle.

« Ce sont des poèmes écrits par Bamba qu’ils sont en train de chanter. Celui en cours c’est Futzi que Serigne Touba a écrit en hommage à Mariama, la mère du prophète Issa », a expliqué Bocar Sène, se délectant des sonorités par des claquements de doigts.

Le Berndel, facette importante de la célébration
Au-delà de la dévotion religieuse, le Magal c’est aussi un bon accueil et la préparation de dégustations en quantité et en qualité.

« Du pigeon au chameau en passant par le mouton, la chèvre ou le bœuf. Recommandation est donnée à tout fidèle qui en dispose de ne pas lésiner sur les moyens pour restaurer les pèlerins », a noté Djiby Sène, un des préposés à la cuisine au domicile d’un guide religieux.

« Le mouride est une personne qui prend en compte les recommandations donc on ne peut pas parler de Magal sans évoquer le berndel (servir des plats copieux) », a poursuivi Sène, assurant que plus de deux cent personnes s’activent dans la cuisine qu’il dirige.

« C’est très difficile pour les guides religieux d’assurer la restauration pour les nombreux disciples qui viennent. C’est pourquoi les dahiras (regroupements de fidèles) qui viennent participent selon leurs moyens. Nous avons pour notre part acheté deux bœufs et remis une enveloppe de 500 mille francs à notre guide en appui », a témoigné Doudou Guèye, responsable d’un dahira venu de Dakar.

Touba est, en effet, la 2ème ville la plus peuplée du Sénégal après Dakar avec ses 1,5 million d’habitants. L’afflux de centaines de milliers de pèlerins fait de cette importante facette du Magal un défi énorme.

« Où que tu ailles dans la ville, tu ne verras jamais des gens demander après de la nourriture. Elle est disponible partout ; aussi bien dans les maisons, dans les mosquées que dans les rues », a relevé Ngor Ndour, un habitué du Magal pour marquer l’importance que les mourides donnent à cette prescription.

Dimension politique
L’événement revêt aussi une dimension politique matérialisé par le ballet de personnalités politiques qui viennent rencontrer Serigne Mountakha Mbacké (actuel khalife et petit- fils de Cheikh Bamba).

Le président Macky Sall s’y est rendu mardi pour recueillir des prières auprès du guide. Exercice auquel ont sacrifié la majorité des leaders de l’opposition et de personnalités du monde des affaires.

Dans cette perspective, la cérémonie de clôture se tient vendredi sous la présidence du khalife qui va délivrer son message en présence du ministre de l’Intérieur et d’autres membres du gouvernement et des institutions de la République ainsi que de diplomates étrangers et de représentants de la société civile.

Des tables rondes et conférences ont aussi cours durant le Magal décrété jour férié depuis déjà plus d’une décennie.

Figure soufie née en 1953, Cheikh Ahmadou Bamaba Mbacké connu encore sous le nom de Serigne Touba a vécu sept ans en exil au Gabon et en Mauritanie à cause du pouvoir colonial français.

Cette épreuve passée, Cheikh Bamba qui s’était érigé en résistant pacifique à la domination coloniale a été placé en résidence surveillée pendant plusieurs autres années à Diourbel (centre du Sénégal).

Fondateur par la suite de la ville de Touba en 1887, il meurt en 1927. Ses fils ont perpétué son œuvre par le khalifat. Depuis quelques années c’est l’ère des petits fils au khalifat de la puissante confrérie mouride.

Alioune Ndiaye

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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