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Pourquoi les migrants traversent la Méditerranée centrale, la route la plus dangereuse au monde

Avec un décès pour dix-huit tentatives de traversée, la voie de la Méditerranée centrale est la plus mortelle au monde. Pourtant, elle continue d’être empruntée par des milliers de migrants.

D’où viennent ces migrants ?
Selon Médecins sans frontières (MSF), qui a compilé les derniers chiffres de l’Office international des migrations (IOM) et du haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (UNHCR), il y aurait plus de 650 000 migrants actuellement en Libye.

Niger, Égypte, Tchad, Soudan et Nigeria représentent, à eux seuls, les deux tiers d’une population qui compte aussi quelques Asiatiques, notamment du Bangladesh. Familles, hommes et femmes seuls et mineurs non accompagnés… Quelques-uns ont pu trouver un peu de sécurité en Libye et ne sont pas forcément candidats au voyage vers l’Europe. Tant que la guerre ne les met pas en péril.

Pourquoi cette traversée est-elle si dangereuse ?
Quelle que soit la voie choisie, Turquie-Grèce, Maroc-Espagne ou Libye-Italie, la traversée de la Méditerranée sur une embarcation surchargée et inadaptée est extrêmement risquée. « On a vu la mort », rapportent la plupart des survivants. Mais, en Méditerranée centrale, la situation est compliquée par la désorganisation du sauvetage en mer.

« Depuis la fin de l’opération italienne Mare Nostrum, en 2014, le taux de décès et de disparitions est passé de 2 % à plus de 5 % », explique Suha Diab, chargée des affaires humanitaires pour MSF à bord de l’Ocean Viking. Certes le transfert de la responsabilité du contrôle et du sauvetage à la Libye en 2017-2018 a permis de réduire les départs.

Mais la montée en compétences du centre de coordination libyen du secours en mer (JLMRCC) et de la garde côtière se fait attendre. Et pour cause, dans un pays en guerre, le service est souvent paralysé par les pannes d’électricité, les attaques de milices ennemies, sans parler des difficultés de communication avec les autres opérateurs du sauvetage : l’Italie, Malte et les ONG.

Et pourtant le trafic continue…
« Justement parce que c’est un trafic », insiste la jeune Canadienne d’origine palestinienne. Lorsqu’ils sont regroupés dans le nord du Niger, certains migrants qui veulent aller en Algérie sont embarqués de force vers la Libye. « On a vu aussi des Bangladais qui croyaient partir pour l’Arabie saoudite ou le Qatar et se sont retrouvés à Tripoli », témoigne Aloys Vimard, coordinateur de l’équipe MSF à bord du navire affrété par SOS Méditerranée.

Le trafic profite aux combattants libyens. « D’après les témoignages que nous recueillons, le prix d’un embarquement varie entre 500 et 6 000 € en fonction du pays d’origine des migrants », reprend Suha Diab. Des millions d’euros qui peuvent financer, au moins en partie, les différentes milices en conflit dans l’ouest du pays.

Comment évolue la situation humanitaire ?
Depuis 2018, le nombre de migrants en détention est passé de plus de 2 000 à près de 4 200 dans les prisons officielles. « Il s’agit en général de personnes interceptées en mer par les garde-côtes. » Mais il existe aussi des camps où les trafiquants « stockent leur marchandise » avant expédition.

Parfois, ces centres se retrouvent sur une ligne de front et sont bombardés. Comme la semaine dernière, la prison d’Abou Salim à Tripoli, ou au mois de juillet celle de Tajoura. « Pour éviter cela, le Gouvernement d’entente nationale (GNA) libère depuis peu les migrants des centres menacés. Mais ceux-ci redeviennent alors la proie des trafiquants. »

Pour la plupart, concluent les spécialistes de MSF, il n’y a alors plus qu’une seule porte de sortie : la mer…

« La baisse du nombre de départs n’est pas un succès »
Suha Diab est chargée des affaires humanitaires à bord de l’Ocean Viking. Elle nous livre son témoignage sur la situation des migrants qui tentent de traverser entre la Libye et l’Italie..

De moins en moins de migrants tentent de traverser entre la Libye et l’Italie. Qu’en pensez-vous ?

Pour moi, ce n’est pas un succès. Au lieu de traverser la Méditerranée, les migrants se concentrent en Libye, une nation en guerre. Seuls quelques-uns (840 cette année) ont bénéficié d’une réinstallation d’urgence dans un pays tiers. Des dizaines de milliers d’autres restent soit dans des centres de détention, soit à la merci des trafiquants. Et toujours sous la menace des obus.

Que demande votre organisation, Médecins sans frontières ?

Nous demandons que les pays européens cessent tout soutien politique ou matériel à la Libye où les migrants sont retenus en violation des conventions internationales. Nous demandons que les dispositifs de sauvetage soient renforcés par des moyens navals européens. Et nous demandons que cessent les actions punitives à l’encontre des organisations non gouvernementales qui arment des navires de sauvetage.

Etiez-vous préparée à ce que vous avez découvert à bord et en mer ?

Lorsque j’ai embarqué pour la première fois sur l’Aquarius – le précédent navire de SOS Méditerranée, NDLR, ça a été un choc. Je me suis trouvée en contact physique direct avec le sujet sur lequel je faisais mes recherches depuis près de sept ans. C’est une chose d’étudier la théorie des politiques migratoires et humanitaires. C’en est une autre de sortir les gens de l’eau. Quand on a fait ça, il devient très difficile de retourner dans un bureau.

Pourquoi les migrants traversent la Méditerranée centrale, la route la plus dangereuse au monde

Stéphane GALLOIS avec Ouest France

Digital Manager - Chef de projet chez Alixcom Dakar | E-mail: saliou@dakar-echo.com | +221 77 962 92 15

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