Diaspora

Pour la députée Sira Sylla, Il faut faire baisser les frais de transfert d’argent de la France vers l’Afrique

Pour la députée LREM Sira Sylla, les frais payés par les expatriés africains lorsqu’ils envoient de l’argent au pays sont trop élevés. Une solution : la bi-bancarisation.

Le sujet était déjà d’actualité avant la crise du Covid-19, il s’impose avec encore plus d’urgence depuis. L’Afrique, relativement épargnée pour l’instant par la crise sanitaire, est en revanche touchée de plein fouet par les conséquences économiques du confinement mondial. Au Sénégal, par exemple, 65 % des très petites entreprises (TPE) sont menacées de faillite à brève échéance. C’est la conséquence du ralentissement économique mondial, aggravé par le tarissement des transferts d’argent des diasporas africaines vers leurs pays d’origine.

« Selon la Banque mondiale, cette baisse du montant des transferts serait de plus de 20 % ce qui est dramatique non seulement pour les familles restées au pays, mais aussi plus largement pour le développement des pays du Sud qui est en partie alimenté par ces transferts », explique Sira Sylla, député LREM de Seine-Maritime.

Les montants ne sont pas marginaux : au niveau mondial les transferts des diasporas africaines s’élevaient en 2019 à près de 76 milliards d’euros, soit plus de la moitié de l’aide publique au développement à destination de l’Afrique. Pour certains pays africains, ces transferts peuvent représenter jusqu’au 30 % de leur richesse nationale.

Des frais très lourds
Les transferts d’argent depuis la France vers l’Afrique pèsent eux pour 44 milliards d’euros. Or non seulement ceux-ci sont en baisse du fait de la diminution des revenus des travailleurs africains en France mais ils font aussi l’objet, bien avant la crise, de frais très lourds qui enrichissent les deux principaux organismes pratiquant ces transferts d’argent, Western Union et MoneyGram. « Ces frais se montent à 9 ou 10 % des sommes transférées vers les pays d’Afrique de l’Ouest, très loin des 3 % qui sont l’objectif souhaité par le FMI au titre du développement durable, précise Sira Sylla. Si on n’agit pas sur ces transferts, on ne va pas y arriver. »

Pour tenter d’améliorer la situation, la députée macroniste d’origine sénégalaise, appuyée par une trentaine de députés issus de différents groupes, a introduit des amendements au projet de loi rectificatif actuellement en discussion à l’Assemblée. Ces derniers n’ayant pas été retenus, elle déposera aussi une proposition de loi.

Objectif : tenter d’obtenir une défiscalisation partielle et temporaire sur le montant des taxes de transfert et « booster » la bi-bancarisation qui permet à un expatrié d’avoir un compte dans son pays d’origine et un autre dans son pays d’accueil afin d’effectuer des opérations bancaires d’un côté ou de l’autre en ne payant que de faibles frais de transfert.

La bi-bancarisation favoriserait les échanges
Si la défiscalisation, qui reviendrait finalement à faire payer aux contribuables français une partie des taxes, a peu de chance de passer le barrage de Bercy, en revanche la bi-bancarisation est une piste prometteuse. « Si on veut agir efficacement pour faire baisser ces frais de transfert il n’y a pas cinquante solutions, assure Alain Gauvin, avocat en droit bancaire et financier et associé au cabinet ASAFO & CO. Il faut que les banques africaines puissent commercialiser en France leurs services sans être pénalisées. 

Une étape a été franchie en 2014 avec le vote d’une première loi autorisant la commercialisation de services bancaires étrangers en France. Mais il semble qu’elle ait fait l’objet d’une interprétation restrictive. Résultat, seules deux banques marocaines ont obtenu le feu vert de l’APCR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) et d’autres, non autorisées, contournent parfois le dispositif en allant jusqu’à se mettre dans l’illégalité.

Favoriser, par un assouplissement de la loi de 2014, l’essor de la bi-bancarisation n’aurait pourtant que des avantages selon les spécialistes. Cela permettrait de développer le montant global des transferts et donc le financement du développement. Cela procurerait aussi une meilleure traçabilité des transferts pour mieux lutter contre les trafics.

« Un tel texte pourrait être voté par tous les bords politiques, plaide Alain Gauvin. Ce dispositif de bi-bancarisation ne coûte rien et surtout c’est un facteur fondamental pour cimenter le partenariat entre l’Europe et l’Afrique. » A défaut d’être voté cet été, le texte pourrait être introduit dans la loi sur le développement qui a été reportée au début de l’année prochaine.

Philippe Martinat

Digital Manager - Chef de projet chez Alixcom Dakar | E-mail: saliou@dakar-echo.com | +221 77 962 92 15

Articles Similaires

1 sur 105

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *