AnalysePoint de vue

Les premières vérités du procès Diack avant le verdict ! Par Emmanuel Desfourneaux

1) Avec l’affaire Diack, le juge instructeur, Renaud Van Ruymbeke, vient de clôturer sa carrière consacrée aux enquêtes politico-judiciaires. Il a été le premier à perquisitionner le siège d’un parti politique au pouvoir. En France, il était redouté par tous les politiques.

Dans une interview, il définit sa carrière judiciaire en ces termes : « le seul critère qui m’ait guidé, c’est l’égalité de tous les citoyens, politiques ou pas, devant la loi ».

En conséquence, Renaud Van Ruymbeke fait montre d’une impartialité à toute épreuve !

1ère vérité : certains ont essayé de surfer sur l’émotion mondiale de la mort de George Floyd, pour laisser entendre que la justice française, dans cette affaire en particulier, serait raciste. Au vu du profil du juge de l’instructeur, c’est peine perdue; cet argument est irrecevable. La justice française était compétente (accord entre la France et Monaco où siège la Fédération internationale d’athlétisme). J’ajouterai que deux russes ont été également poursuivis.

Les cas de Sepp Blatter et de Michel Platini ont été opposés par certains internautes pour renforcer le caractère raciste de la justice française dans l’affaire Diack. Cette comparaison renvoie surtout à un phénomène généralisé de politisation du sport, avec l’entrée de la Russie et du Qatar dans le concert mondial sportif pour arracher l’organisation d’évènements somptueux chez eux.

Par contre, c’est faux de dire que la justice helvétique a fermé les yeux sur les agissements illégaux des deux anciens hommes forts de la FIFA : non seulement ils ont été suspendus (Michel Platini a vu son rêve de diriger la FIFA s’effondrer); dernièrement la FIFA a aussi porté plainte contre eux pour récupérer une somme litigieuse. Il y a un an Michel Platini avait été placé en garde à vue à Paris dans le cadre de l’enquête pour corruption sur l’attribution de la Coupe du monde au Qatar en 2022. La justice poursuit son petit bonhomme de chemin !

2) La présence de l’avocat de Lamine Diack, Me William Bourdon, nous apprend d’autres vérités dans ce procès qui s’est ouvert lundi à Paris. Tout d’abord, l’hypocrisie de cet avocat qui devient l’ami des grands puissants africains.

Il était récemment attablé aux côtés de Guillaume Soro, reconnu coupable à Abidjan de «recel de détournement de deniers publics» et «blanchiment de capitaux». Etait en cause l’acquisition jugée frauduleuse d’une somptueuse villa alors qu’il était 1er ministre. Soit dit en passant, Me Bourdon est aussi l’avocat de Platini !

C’est ce même avocat, fort de son ONG Sherpa qui traque les présidents et fils de présidents corrompus, qui était avocat de l’Etat du Sénégal lors du procès de Karim Wade devant le léviathan judiciaire, la CREI. Il s’était surtout fait remarquer au tout début du procès par des comparaisons symboliques et odacieuses sur les « criminels de sang et d’argent », choquant l’ancienne Première Dame Viviane Wade.

2ème vérité : après une enquête de plus de 4 ans, à la tête de laquelle un juge instructeur incorruptible, pour un affaire impliquant son père et son fils avec des preuves accablantes (flux financiers contrairement à l’affaire de Karim Wade), comment cet avocat se trouve-t-il mêlé dans ce « dossier monstre » (expression de Franceinfo) ?

L’Etat sénégalais, assez silencieux jusqu’alors, n’intervient-il pas par cet intermédiaire de paille ? A la fois pour garantir une défense à son compatriote mais surtout pour s’assurer que le procès ne déborde pas vers Dakar, et vers l’implication de l’opposition en 2012. Cela ferait du beau monde ! Il s’impose de rappeler qu’aucune commission rogatoire Internationale n’a été autorisée à Dakar, en particulier pour fouiller les comptes de Papa Massata Diack.

3) Enfin, le traitement médiatique de l’affaire Diack au Sénégal n’est pas à la hauteur des secrets qu’elle renferme : immixtion de la Russie de Poutine dans une élection au Sénégal (preuve d’un courriel), dopage, extorsion et corruption des instances de l’athlétisme.

Comment expliquer cette autre vérité ? Le Covid-19 ? Non pas vraiment ! Depuis un mois, les affaires politico-financières éclatent au Sénégal. Est-ce l’expression d’une forme de patriotisme ? Peut-être ! Certainement aussi une affection pour un homme vieux.

3ème vérité : Si c’est le cas il y a une différence mystérieuse entre la colère sénégalaise montante face à la corruption politique et l’affaire Diack. Les journaux d’investigation sont aussi aux abonnés absents au moins pour donner un éclairage sénégalais. Dommage !

« La Loi ne pardonne pas, elle n’est que Justice ; Dieu pardonne, il est amour » (Henri-Frédéric Amiel). Je suis certain qu’après le verdict, il faudra pardonner et souhaiter le retour de Lamine Diack à Dakar. Et ce dès le lendemain du procès. C’est tout le mal que je souhaite personnellement au patriarche.

Mais si le procès à Paris ne révèle pas tous les secrets de cette affaire hors-norme, il faudra poursuivre l’enquête au Sénégal pour que justice se fasse.

Emmanuel Desfourneaux

Digital Manager - Chef de projet chez Alixcom Dakar | E-mail: saliou@dakar-echo.com | +221 77 962 92 15

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