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Les eurodéputés adoptent une loi encadrant l’Intelligence Artificielle

Dans un vote historique, les députés du Parlement européen ont adopté, mercredi 13 mars, la première loi au niveau mondial sur l’intelligence artificielle (IA), visant à encadrer cette technologie qui va devenir de plus en plus présente dans le quotidien des Européens. Le texte veut garantir sa fiabilité, mais aussi et surtout sa sécurité et le respect des droits fondamentaux, sans pour autant freiner l’innovation. Cette loi pourrait servir d’exemple mondial.

Son adoption ne faisait aucun doute, car les députés européens étaient unanimes sur le fait qu’il fallait légiférer dans un domaine qui va prendre une place considérable dans les années à venir, rapporte notre envoyé spécial à Strasbourg, Romain Lemaresquier. Le texte a d’ailleurs recueilli 523 votes pour, 46 contre, et 49 députés se sont abstenus.

Ce projet de loi avait été présenté par la Commission européenne en avril 2021. L’apparition fin 2022 de ChatGPT de la start-up californienne OpenAI, capable de rédiger des dissertations, poèmes ou traductions en quelques secondes, lui a donné une nouvelle dimension. Ce système a révélé l’énorme potentiel de l’IA mais aussi ses risques. La diffusion de fausses photos ou vidéos, plus vraies que nature, a ainsi alerté sur le danger de manipulation de l’opinion.

La seule question qui divisait, était le risque que cette loi ne soit un frein à l’innovation, dans secteur où l’Europe semble un peu à la traîne. Mais un compromis a été trouvé, comme le détaille la députée européenne Sylvie Guillaume :

« Je crois qu’il y a eu à un moment donné un choix qui devait être fait pour aboutir à cette régulation, explique cette membre du groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates. Soit on était extrêmement précis sur la régulation et vraiment on irait dans tous les détails, mais en même temps la technologie évolue tellement vite qu’on risque d’être en retard sur la technologie elle-même, donc être un peu vain dans ce processus. Ou bien, on serait effectivement dans un processus de réglementations précis, mais large, et on peut agir tout de suite. Et je crois qu’il fallait donner ce signe d’être les premiers à réagir en la matière, au plan européen, et donner un peu le la pour la suite et pour le reste du monde. »

Seulement « le commencement »
Avec ce texte, « nous avons réussi à trouver un équilibre très fin entre l’intérêt d’innover et l’intérêt de protéger », a ajouté le co-rapporteur Dragos Tudorache (Renew, centristes et libéraux).

Toutefois, cette législation « n’est que le commencement », a-t-il relevé, soulignant que l’intelligence artificielle continue d’évoluer rapidement. « Nous devrons être très attentifs à cette évolution de la technologie à l’avenir et être prêts à répondre aux nouveaux défis qui pourraient en découler », a prévenu M. Tudorache.

Désormais adopté, ce texte pourrait faire des émules, comme l’explique Sylvie Guillaume. Car les règles édictées dans cette loi – les interdictions et les garanties que doivent apporter les développeurs d’intelligence artificielle – n’existent nulle part ailleurs à l’heure actuelle. Et ces règles sont indispensables pour la sécurité des citoyens, le respect de leurs droits et pour éviter des dérives dans l’emploi de ce nouvel outil, expliquent les législateurs.

Transparence pour l’usage général, restriction pour les secteurs à « haut risque », interdiction de la surveillance de masse
La législation prévoit une approche à deux niveaux. Les modèles d’IA à « usage général » devront respecter des obligations de transparence ainsi que les règles européennes en matière de droit d’auteur.

Quant aux systèmes considérés comme à « haut risque » – utilisés par exemple dans les infrastructures critiques, l’éducation, les ressources humaines, le maintien de l’ordre -, ils seront soumis à des exigences plus strictes. Ils devront par exemple prévoir la mise en place d’une analyse d’impact obligatoire sur les droits fondamentaux.

Les images, textes ou vidéos générés artificiellement (deep fakes) devront être clairement identifiés comme tels.

Le texte interdit aussi les systèmes de notation citoyenne ou de surveillance de masse utilisés en Chine, ou encore l’identification biométrique à distance des personnes dans les lieux publics. Sur ce dernier point, les États ont toutefois obtenu des exemptions pour certaines missions des forces de l’ordre comme la prévention d’une menace terroriste ou la recherche ciblée de victimes.

La législation européenne sera dotée de moyens de surveillance et de sanctions avec la création d’un office européen de l’IA, au sein de la Commission européenne. Il pourra infliger des amendes allant de 7,5 à 35 millions d’euros, en fonction de l’infraction et de la taille de l’entreprise.

« Nous réglementons le moins possible, mais autant que nécessaire », a écrit sur X le commissaire européen Thierry Breton.

Selon les entreprises, un encadrement ralentira le développement
Mais le secteur se montre critique. Pour Boniface de Champris, responsable Europe du Computer and Communications Industry Association (CCIA), qui représente des entreprises du secteur, « bon nombre des nouvelles règles en matière d’intelligence artificielle restent floues à nos yeux et pourraient entraver le développement, ainsi que leur déploiement ».

De leur côté, l’Observatoire des multinationales (France), Corporate Europe Observatory (Belgique) et LobbyControl (Allemagne) redoutent que les lobbys affaiblissent la mise en œuvre des règles entourant l’IA : «

De nombreux détails de la loi sur l’IA restent ouverts et doivent être clarifiés (…), par exemple en ce qui concerne les normes, les seuils ou les obligations de transparence. La composition du conseil consultatif de la nouvelle agence européenne pour l’IA reste également floue », ont-ils averti dans un communiqué commun.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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