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Les bizarreries dans le rapport de l’Inspection Générale d’Etat

S’il a permis d’étayer que l’octroi des blocs de Cayar et Saint-Louis offshore profond à Petro-Tim est entaché d’irrégularités depuis le début, le rapport de l’Inspection générale d’Etat laisse subsister plusieurs zones d’ombre dans ce dossier qui n’en finit pas de défrayer la chronique.

L’examen du “rapport’’ de l’Ige relatif à l’affaire PetroTim, soulève plusieurs points noirs dans le dossier. Comment se fait-il que le contrat ait été signé par l’ancien ministre Karim Wade, alors même que les projets de convention et de décret ne lui ont pas été présentés par Petrosen, le maitre d’œuvre ?

En effet, selon des sources ayant été en contact avec le rapport, il ressort du document que monsieur Ibrahima Mbodj (ancien Dg de la Petrosen), interpellé sur la date du 17 janvier 2012 “figurant sur le contrat comme date de signature’’, a soutenu avoir soumis le contrat au contreseing du ministre courant mars 2012. “Ce qui peut être confirmé par le directeur de la Promotion et le conseiller juridique de Petrosen qui ont eu à rédiger le projet de convention et le projet de décret de présentation ainsi que le rapport de présentation dudit décret’’, s’est-il défendu devant les inspecteurs.

Ces derniers ont attesté, dit-on, que “la date du 17 janvier 2012 figurant sur le contrat, comme l’ont soutenu le directeur et le conseiller juridique, est antérieure à leur saisine et à la rédaction du projet de décret portant approbation de la convention ainsi que le rapport de présentation dudit décret.’’ Autre bizarrerie dans le dossier. L’ancien directeur, à en croire les enquêteurs, a écrit à Tullow, le 19 janvier, pour lui demander le paiement d’un bonus de signature d’un montant de 1,5 million de dollars pour chacun des deux blocs en question. Le hic, c’est que si l’on en croit le rapport, lesdits blocs avaient déjà été attribués à PetroTim.

N’est-ce pas là une tentative d’escroquerie ou d’extorsion de fonds ? Seule une enquête judiciaire indépendante pourra édifier l’opinion. En tout cas, cette requête a bel et bien été mentionnée par Tullow dans sa saisine des autorités. Tout commence le 3 octobre 2011, selon les faits tels que relatés par l’Inspection générale de l’Etat. Wong Joon Kwang écrit une lettre au ministre en charge des Hydrocarbures pour manifester son intérêt pour les blocs de Saint-Louis et de Cayar offshore profond.

Par lettre datant du 10 octobre, l’ancien ministre Karim Wade transmet au directeur de Petrosen, Ibrahima Mbodj, une copie de la manifestation d’intérêt. Dans la lettre, il l’instruit de prendre contact avec les représentants de la compagnie, “afin d’étudier plus en détails leurs propositions et discuter des modalités de délivrance éventuelle des permis’’. Conformément à ces instructions, l’ancien Dg certifie aux enquêteurs avoir informé M. Kwang à se présenter au siège de Petrosen à Dakar pour des discussions formelles. C’était le 14 octobre. Monsieur Kwang a-t-il finalement effectué le déplacement sur Dakar ? A-t-il finalement pu rencontrer les autorités compétentes ? Comment en est-on arrivé à la signature ? Les conclusions des enquêteurs, dit-on, restent évasives. L’on se borne à signaler la date de signature du contrat au mois de janvier 2012. Ce qui est sûr, selon les confidences faites à l’Ige, c’est qu’il n’y a pas eu de négociations.

Le directeur (Ibrahima Mbodj), selon les inspecteurs, dit avoir reçu des “instructions fermes et précises’’ de Karim Wade “dans le sens de présenter à Petro-Tim, dans les meilleurs délais, une proposition de contrats’’ relatifs aux blocs de Cayar et de Saint-Louis. A son tour, a informé M. Mbodj, comme pour se dédouaner, il a instruit le directeur de la Promotion et le conseiller juridique de lui proposer un projet de contrat. Ledit projet a été présenté à Petro-Tim qui l’a accepté. Selon lui (Mbodj), il n’y a donc pas eu de négociations entre Petro-Tim et la commission d’évaluation. “Car les instructions du ministre ont consisté à lui présenter un contrat signé. Elles n’ont pas consisté à entamer des négociations’’.

Petro-Tim immatriculée aux îles Caïmans, deux jours après la signature du contrat

Aussi, constatent les enquêteurs, le contrat a été signé le 17 janvier. Et c’est là qu’intervient une autre bizarrerie. En effet, s’il a fallu simplement trois mois pour “négocier’’ et attribuer le contrat à Petro-Tim, il en a fallu autant à Kwang juste pour écrire une lettre de remerciement à Petrosen.

Par lettre datant du 16 avril, M. Kwang exprime à M. Mbodj sa satisfaction d’avoir conclu avec Petrosen un contrat relatif aux blocs et promis de mettre rapidement en place les procédures et équipements nécessaires ainsi que le personnel requis. Le hasard aura voulu que c’est durant ce même mois qu’Aliou Sall a été recruté en tant que consultant par Petro-Tim. Et jusque-là, on ne parle nullement de Franck Timis dans le dossier. Mais plutôt de Petro-Tim comme étant une filiale de Petro Asia.

Cette dernière, présentée comme la mère n’existe pas, selon les révélations de Baba Aidara à l’époque. Dans le rapport de l’Ige, dit-on, il est toutefois indiqué l’existence de Petro Asian Energy Holding Limited dénommée Petro Asian. Celle-ci, soulignent les inspecteurs, n’a pas de filiale du nom de Petro-Tim.

Mais le plus cocasse, dans cette affaire, est que cette dernière a été immatriculée aux îles Caïmans le 19 janvier 2012. Soit deux jours après la signature du contrat, “sans vérifications des capacités techniques et financières’’. Ainsi, “la mention dans le rapport de présentation du décret portant approbation de la convention que Petro-Tim est une filiale de Petro Asia n’est pas justifiée. Elle est mensongère. Petro Asia, s’il s’agit de Petro Asian Energy Holding Limited dénommée Petro Asian, n’a pas de filiale du nom de Petro-Tim’’, informe-t-on. A ce stade, selon nos interlocuteurs, les enquêteurs ont relevé, que “l’avis conforme du ministre en charge des Finances, requis par la loi, n’a pas non plus été pris’’.

Des conclusions du rapport

En conséquence de tout ce qui précède, dit-on, ils avaient conclu que la demande de Petro-Tim, à défaut de la faire compléter, aurait dû être déclarée irrecevable. Après avoir soulevé plusieurs griefs faits au contrat de Petro-Tim, l’Inspection générale d’Etat a demandé expressément au président Macky Sall d’annuler le permis octroyé à Petro-Tim, “en raison des irrégularités qui entachent la validité des conventions qui en sont le substrat’’.

Mieux, poursuit-on, le rapport a mis en exergue que : “La soumission précipitée de la même convention signée à nouveau par Petro-Tim, accompagnée d’un projet de décret portant approbation de ladite convention, alors que celle-ci avait déjà été contresignée par son prédécesseur et approuvée le 17 janvier 2012 par le président de la République d’alors, est surprenante, improductive et risquée.’’ Or, selon les enquêteurs, la présente enquête a été ordonnée par le président sur saisine du même ministre qui n’a même pas attendu les résultats de l’enquête.

Elle est improductive parce qu’elle ne donne lieu à aucun versement de fonds ou gains immédiats pour l’Etat justifiant une telle précipitation. “Du côté de l’Etat, il n’y avait aucune urgence à précipiter une nouvelle signature suivie d’approbation se superposant à la signature et à l’approbation effectuées le 17 janvier 2012 par Karim Wade et le président Abdoulaye Wade’’, dit-on. La question que l’on peut, dès lors, se poser est de savoir s’il existe une convention autre que celle signée le 17 janvier 2012 ? En tout cas, dans cette affaire, tout semble si nébuleux. Et comme pour étayer davantage les soupçons des uns et des autres, le site de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives est inaccessible, depuis le début de cette affaire. Une coïncidence troublante pour ceux qui ont l’habitude de visiter le site de l’Itie.

Violation de la règlementation

Selon les inspecteurs, dit-on, l’octroi à Petro-Tim des permis de recherche et de partage d’hydrocarbures relatifs aux blocs de St- Louis et de Cayar constitue une violation de la règlementation sur plusieurs points. D’abord, informent-ils, les conditions de recevabilité de la demande n’ont pas été respectées. Il en est de même de l’obligation d’entamer des négociations avant toute attribution, de l’absence de saisine de la commission d’évaluation des offres, de l’absence de l’avis conforme du ministre des Finances.

Par ailleurs, le rapport, poursuivent nos interlocuteurs, reproche également au directeur de Petrosen la non prise de garantie de bonne exécution, après conclusion de la convention. A Karim Wade, il est principalement reproché d’avoir permis le versement de pénalités dues à l’Etat dans les comptes de Petrosen. Pour cette raison, les inspecteurs avaient demandé l’ouverture d’une information judiciaire à son encontre.

Mor AMAR

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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