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Le vent du changement en Afrique de l’Ouest francophone : c’est maintenant ou jamais ! Par Emmanuel Desfourneaux

Dans quelques jours, deux élections présidentielles, dans 2 pays meurtris par des guerres politico-civiles, décideront de l’avenir de cette région. C’est certain que l’issue de ces deux élections en Guinée et Côte d’Ivoire servira de test à des générations.

Les arguments juridiques ne manquent pas de sel. L’un justifie la création d’une nouvelle République avec l’instauration en 2016 d’un Vice-président ivoirien perdu entre les postes de Président et de Premier ministre (c’est une nouveauté bien étrange en cours comme au Mali avec la Charte de la transition) et l’autre parle d’une ancienne loi fondamentale transitoire (il a attendu plus de 10 ans pour s’en rendre compte notre cher Alpha Condé !).

Les deux présidents se renient : Alpha Condé fait exactement ce qu’il a reproché jadis à Lansana Conté et Alassane Ouattara me laisse perplexe sur ses intentions depuis longtemps, en capitalisant sur la mort de son ami premier ministre (ce fait n’était-il pas prévisible?).

Ces révisions constitutionnelles sont maquillées dans une kyrielle de mesures dont beaucoup sont démocratiques. C’est le cas de la Guinée avec une constitution promulguée en avril accompagnée de mesures progressistes comme l’abolition de la peine de mort. Cela me rappelle aussi le référendum de 2016 au Sénégal où l’opposant Abdoul Mbaye assimilait certains dispositifs à des avancées démocratiques. Mais voilà le nœud du problème, dans tous les cas de figure, c’est le maintien au pouvoir !

C’est la fragilité des démocraties africaines francophones : celle de refuser les règles du jeu de l’alternance. La différence par rapport aux années 90, c’est que les présidents sont devenus des orfèvres de la Constitution « démocratique » ; ils en connaissent les moindres failles, et n’hésitent pas à asseoir leur pouvoir par des maquillages apparemment démocratiques. Le parrainage est en soi démocratique !

Au Sénégal, on parle de tailleurs de la constitution ; pour ma part, je serai plus direct dans mon propos : escrocs constitutionnels. Je me souviens d’un fait divers en France ; un sexagénaire qui avait volait un code pénal pour mieux connaître ses droits. C’est précisément ce qui se passe avec les présidents -escrocs des constitutions, ils s’arrangent avec les lois fondamentales pour durer au pouvoir.

Ils font preuve d’une grande ingéniosité. Depuis quelques années, ils utilisent la lutte contre la corruption pour freiner les ambitions de leurs adversaires. C’est vrai en Côte d’Ivoire avec Guillaume Soro, au Bénin avec Sébastien Ajavon ou encore au Sénégal avec les 2 K. Cela ne signifie pas que ces personnalités soient irréprochables à tout point de vue. Mais à titre d’exemple la corruption a-t-elle disparu au Sénégal sous l’ère de Macky Sall ?

Lors d’une de mes invitations à Doha, Karim Wade m’interpellait sur l’absence de manifestations décisives à son endroit pour faire pression sur Macky Sall (lorsqu’il était encore en prison). Le peuple se lève difficilement pour des motifs de corruption ; c’est donc bien joué de la part des gouvernants, c’est un argument imparable. De surcroît, j’avais décrit le syndrome de Dakar où les sénégalais, en contrepartie de la promesse du développement, devaient restreindre leurs libertés publiques, comme celle de manifester.

Aujourd’hui, les sociétés civiles bougent ; Le M5 au Mali, le M23 au Sénégal ou encore le FNDC en Guinée ont marqué un tournant dans la vie politique de leurs pays respectifs. Seulement les forces anciennes résistent encore ! Sans doute sommes-nous dans une période historique de transition où tout peut basculer.

En Guinée et en Côte d’Ivoire, le peuple a le choix : continuer de façon fataliste ou imprimer un changement décisif. En écoutant la chanson « Wind of change » (Le vent du changement), je me suis rappelé que notre génération ne croyait pas au changement dans les pays de l’Europe de l’Est.

Dans les cours d’histoire, il arrivait que nous abordions avant 1989 le caractère indéboulonnable du bloc communiste et de son rideau de fer. Et pourtant l’impensable est arrivé. Après il reste à savoir si ce bouleversement a totalement porté ses fruits. C’est une autre question qui pourrait être illustrée par la qualité de l’alternance. Les opposants en Guinée et en Côte d’Ivoire incarnent-ils le vent du changement ? La question pourrait être aussi prolongée au cas du Sénégal.

Quant à la France, elle a un seul choix, celui d’être aux côtés des Peuples, et surtout d’être le garant des droits de l’homme. C’est à cette seule condition qu’elle redeviendra crédible dans cette partie du monde.

Emmanuel Desfourneaux

Digital Manager - Chef de projet chez Alixcom Dakar | E-mail: saliou@dakar-echo.com | +221 77 962 92 15

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