Des Hongkongais s’apprêtaient jeudi à marquer le 31ème anniversaire de la répression de Tiananmen en se recueillant un peu partout dans la ville du fait de l’interdiction de la traditionnelle veillée dans un parc du centre, sur fond de fortes tensions quant à l’influence de Pékin.
Voilà 30 ans qu’une veillée attire immanquablement des foules dans l’ex-colonie britannique en souvenir de la sanglante intervention de l’armée chinoise dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, aux alentours de la célèbre place du coeur de Pékin.
La répression avait fait entre plusieurs centaines et plus d’un millier de morts. Elle avait mis fin à sept semaines de manifestations d’étudiants et d’ouvriers qui dénonçaient la corruption et réclamaient la démocratie.
Le sujet est tabou en Chine. Jeudi matin à Pékin, un photographe de l’AFP a été stoppé par la police, qui l’a obligé à effacer la plupart de ses clichés, alors qu’il circulait près de Tiananmen.
La Chine veut enterrer Tian An Men à Hong Kong
Pour la 1ere fois en trente ans, les commémorations du massacre de Tian An Men à Pékin sont interdites. La Chine entend effacer cet événement sanglant de la mémoire collective hongkongaise. #TiananmenMassacre https://t.co/4CxZxwXIci pic.twitter.com/CIYKy059Yf— Dorian Malovic (@dorianmalovic) June 4, 2020
Dans ce contexte, Hong Kong est le seul endroit du pays où l’événement est commémoré chaque année, ce qui illustre les libertés uniques dont jouit le territoire autonome, revenu dans le giron chinois en 1997.
Répression politique
Mais pour la première fois en trois décennies, la veillée n’a pas été autorisée cette année par la police. Celle-ci a invoqué les risques liés au Covid-19, les rassemblements de plus de huit personnes restant interdits. Des barrières ont été installées autour du Parc Victoria, lieu traditionnel de la veillée.
En échange, les organisateurs ont appelé les habitants à allumer des bougies à 20H00 locales (12H00 GMT) là où ils se trouvent.
« Je ne crois pas que ce soit à cause de la pandémie. C’est de la répression politique », a déclaré à l’AFP Wong, un homme de 53 ans qui a refusé de donner son identité complète, après s’être agenouillé près du Parc en hommage.
« J’ai bien peur que cette veillée n’ait plus jamais lieu. »
Ces veillées attirent généralement des foules à Hong Kong, notamment les années où l’inquiétude quant à l’attitude de Pékin est particulièrement vive.
#BREAKING #HongKong 🇭🇰 adopte la loi pour criminaliser l’insulte à l’hymne national chinois
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L’an passé, la veillée du 30e anniversaire s’était ainsi déjà déroulée dans un contexte politique tendu: l’exécutif hongkongais pro-Pékin tentait d’imposer l’autorisation des extraditions vers la Chine continentale.
Une semaine plus tard allaient débuter sept mois de manifestations quasi-quotidiennes dans la métropole financière.
En réponse à ce mouvement, Pékin a annoncé fin mai son intention d’imposer à Hong Kong une loi sur la sécurité nationale, qui prévoit de punir les activités séparatistes, « terroristes », la subversion, et les ingérences étrangères dans le territoire.
HKFP_Live: Hongkongers are defying a police ban and marking the #Tiananmen Massacre in Victoria Park. Vid: @hka1989.
Full coverage: https://t.co/uY1GSZiKKO https://t.co/7WDYCK0J7T
— Hong Kong Free Press HKFP (@HongKongFP) June 4, 2020
Bougies blanches
Beaucoup de Hongkongais, et nombre de capitales occidentales, redoutent que cette réforme ne soit le prélude à une vague de répression politique et ne signe la fin de la semi-autonomie théoriquement garantie jusqu’en 2047.
Plusieurs conglomérats très impliqués en Chine continentale viennent cependant de dire leur soutien à ce texte controversé, parmi lesquels HSBC, Standard Chartered ou Jardine Matheson
Mais une enquête réalisée cette semaine par la Chambre américaine de commerce laissait entendre que 83% des Hongkongais étaient modérément ou très préoccupés par la loi, et la moitié se disaient pessimistes quant à l’avenir de la ville.
Autre sujet de tension, un projet de loi plébiscité par Pékin et actuellement en débat au Conseil législatif (LegCo, le Parlement hongkongais), qui prévoit de criminaliser l’outrage à l’hymne national chinois.
Les élus sont censés voter jeudi après-midi, mais la session a été interrompue après l’expulsion d’un député de l’opposition qui avait jeté au sol un mélange fétide d’engrais liquide, pour marquer l’anniversaire de Tiananmen.
Privés de veillée, les Hongkongais devraient néanmoins trouver d’autres moyens de dire leur colère à Pékin.
« Des bougies blanches devraient être distribuées dans environ 100 à 200 points de Hong Kong », a déclaré à l’AFP Chiu Yan-loy, élu de district et membre de l’association « Alliance de Hong Kong » — organisatrice traditionnelle de la veillée.
Les troubles politiques
En Chine continentale, aucune commémoration publique n’est possible: les médias restent muets, les censeurs effacent toute mention sur internet et la police surveille de près les dissidents avant la date fatidique du 4 juin.
Des veillées sont en revanche prévues à Taïwan et au sein de la diaspora chinoise dans plusieurs pays occidentaux.
Les Etats-Unis ont salué comme chaque année la mémoire des victimes.
Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a ainsi tweeté une photo de lui avec quatre figures du mouvement de Tiananmen.
Interrogé sur la répression, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a répété mercredi que le pouvoir chinois était « déjà parvenu à une conclusion claire sur les troubles politiques survenus à la fin des années 1980 ».
« Les grandes réalisations de la Chine nouvelle au cours des 70 dernières années ont pleinement démontré que la voie de développement choisie par la Chine est tout à fait correcte », a indiqué Zhao Lijian.
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