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COVID-19 : le salut peut-il venir des communautés ? Par Nioxor Tine

Il a fallu attendre la saturation des hôpitaux, l’augmentation du nombre de cas graves, toutes pathologies confondues et la hausse de la mortalité de la COVID-19 pour se rendre à l’évidence. Une logique exclusivement technique, coercitive et verticale ne peut venir à bout de cette pandémie. Au contraire, c’est l’approche communautaire, prenant en compte les fortes implications socio-anthropologiques inhérentes à ce type d’affections, qui devrait être de mise.

EFFETS COLLATÉRAUX D’UNE GESTION TROP MEDICALISÉE
Nous voyons apparaître, depuis peu, dans le cadre de la pandémie, des tendances inquiétantes se manifestant par une stigmatisation exacerbée (déni de la maladie, refus d’installation de CTE dans certaines localités, opposition à l’inhumation de morts du COVID-19).

Ces phénomènes, qui avaient pu être observés, il y a quelques années, durant l’épidémie de la maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest traduisent un état de panique, mais surtout un manque de solidarité et d’empathie au sein des communautés. Cela augure mal de la cohabitation avec la COVID-19, à laquelle les communautés sont appelées.

Ces dysfonctionnements sont à mettre sur le compte d’un déficit de proactivité, visible depuis le retard observé lors de la fermeture des frontières nationales, donnant l’impression que nos autorités sont en train de courir derrière le coronavirus au lieu de le devancer.

Depuis lors, on a pu observer une gestion de la pandémie caractérisée par une médicalisation outrancière allant de pair avec l’implication insuffisante des spécialistes des sciences sociales et des communautés.

Il y a, de plus, un hospitalo-centrisme, une communication principalement orientée vers le « grand public » et un confinement princier pour les cas-contacts dans des hôtels.

Au bout du compte, la stratégie centralisée, élitiste et dispendieuse a montré ses limites, n’ayant pas pu résister à l’avancée inexorable de la pandémie et à la pénurie imminente de lits d’hôpitaux.

PILOTAGE À VUE PAR MANQUE DE DONNÉES PROBANTES
C’est donc contraints et forcés, n’ayant plus ni lits hospitaliers ni chambres d’hôtels, que nos autorités sanitaires semblent redécouvrir les vertus de la responsabilisation communautaire avec la prise en charge domiciliaire et les plateformes communautaires. Nous considérons, malgré tout, ces décisions comme des pas dans la bonne direction, même si elles interviennent tardivement.

En outre, il est toujours difficile de lire les statistiques de la pandémie, qui semblent indiquer un hiatus entre un taux de positivité stable (autour de 10%) et l’augmentation accélérée de la mortalité en réanimation (30 décès entre le 2 et le 28 mai). Comment, dans ces conditions, mesurer l’impact des mesures d’assouplissement annoncées par le Chef de l’État, le 11 mai dernier et celui de la prochaine rentrée des classes d’examen ?

Par ailleurs, certains signes inquiétants semblent étayer l’argument d’une épidémie silencieuse.

Il s’agit, en premier lieu de ces cas dits communautaires sans lien épidémiologique clair. Il y a aussi cette stigmatisation cruelle qui dissuade plus d’un citoyen à se signaler ou à « dénoncer » ses contacts. Que dire de ces morts inexpliquées, à domicile ou sur le chemin vers les structures de soins ? Tout cela plaide en faveur d’une politique de dépistage plus massive et plus intelligente, permettant de fournir un tableau de bord pour une gestion scientifique basée sur des données factuelles et probantes.

POUR UNE PRISE EN CHARGE COMMUNAUTAIRE INTÉGRÉE
Le postulat de base de la prise en charge communautaire est celui d’une cohabitation forcée avec un virus mortel. Cela signifie que tous les gestes barrières comme le port du masque, le lavage des mains, la toux dans son coude ou un mouchoir, la distanciation physique… doivent devenir, pour longtemps encore, des actes réflexes pour tous les citoyens.

La mise en œuvre de ces mesures de protection devrait également permettre de poursuivre la vie socio-économique, sans courir de risques sanitaires inconsidérés.

A la lumière de la lutte contre les différentes endémies auxquelles nos populations continuent de payer un lourd tribut, il est possible de dégager quelques idées forces.

Le test de dépistage est un outil incontournable, un préalable à toute prise en charge digne de ce nom de la COVID-19. Certains cas peuvent être gérés au niveau décentralisé voire communautaire.

Les cas-contacts doivent faire l’objet de supervision communautaire (relais, badjenou gox), autant que possible à domicile, ou dans des espaces aménagés à cet effet. La prise en charge des cas positifs asymptomatiques est un peu plus délicate, d’où la nécessaire implication de prestataires de soins.

À partir du moment où le tableau clinique du patient révèle une association avec des comorbidités, la référence doit impérativement se faire vers l’échelon supérieur de la pyramide sanitaire.

En l’absence d’informations fiables des autorités sanitaires sur l’évolution possible de la maladie, le bon sens commande d’impliquer les communautés dans la lutte contre la pandémie. Cela permettra non seulement d’assurer un meilleur contrôle des cas simples au niveau périphérique mais aussi d’éviter l’engorgement des structures hospitalières pouvant porter préjudice à la continuité des soins tertiaires pour tous les patients (COVID et non-COVID).

NIOXOR TINE

Digital Manager - Chef de projet chez Alixcom Dakar | E-mail: saliou@dakar-echo.com | +221 77 962 92 15

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