Les décès par suicide ont diminué au cours des trente dernières années, mais restent une cause importante de mortalité évitable, en particulier chez les jeunes.
746.000 morts en 2021, dont 519.000 hommes et 227.000 femmes : le suicide reste « une importante cause de mortalité évitable » avec un décès toutes les 43 secondes dans le monde, estime une équipe de chercheurs internationaux dans l’analyse la plus complète à ce jour de la mortalité par suicide dans le monde, publiée mercredi dans la revue Lancet Public Health.
Les auteurs ont étudié les données recueillies dans le cadre du Global Burden of Diseases pour 204 pays et territoires entre 1990 et 2021. Détaillant la façon dont l’âge, le sexe et la proportion de survivants ont évolué en fonction des régions du monde, ils identifient « les populations les plus exposées au risque de suicide » pour « mieux informer les décideurs, stimuler la discussion et susciter l’innovation autour d’efforts ciblés de prévention du suicide », expliquent-ils dans leur publication.
Le nombre de décès par suicide a drastiquement diminué en trente ans, passant de près de 15 à 9 morts pour 100 000 habitants entre 1990 et 2021. Soit une baisse de près de 40 %. Et la pandémie de Covid, si elle a fait des ravages sur la santé mentale, ne semble pas avoir augmenté le taux de suicide, passant de 9,2 à 9 morts pour 100 000 habitants de 2019 à 2021. Il est cependant un peu tôt pour en juger véritablement, mettent en garde les auteurs, qui alertent sur les « nombreux challenges » posés par le Covid long et les difficultés sociales accentuées par les mesures sanitaires prises pour limiter la pandémie.
Ces progrès « encourageants » ne sont « pas universels », précisent toutefois les auteurs. Ainsi, les pays d’Amérique latine et du Nord voient le taux de suicide augmenter, parfois dans des proportions alarmantes : l’Amérique centrale affiche la plus forte hausse avec +39 %.
En Amérique du Nord, la hausse n’est « que » de 7 %, mais elle est de 23 % chez les femmes aux États-Unis.
C’est cependant en Europe de l’Est et en Afrique subsaharienne que le taux de suicide demeure le plus important. Au total dans le monde, c’est la 21ᵉ cause de mortalité, soit davantage que le HIV.
Moins de mortalité chez les femmes
Les hommes continuent à davantage mourir par suicide que les femmes et la baisse est moins rapide pour eux (12,8 pour 100 000 en 2021, soit -33,5 % depuis 1990, contre 5,4 pour 100.000 soit -50,3 %). En revanche, le recours aux soins médicaux après une tentative de suicide est plus important chez elles : 14,47 pour 100 000 habitants en 2021, versus 4,27 chez les hommes.
« Les hommes ont tendance à choisir des méthodes de suicide plus violentes et plus mortelles, comme les armes à feu, tandis que les femmes sont plus susceptibles de choisir des moyens comme l’empoisonnement et l’overdose, qui ont un taux de survie plus élevé », explique dans un communiqué Emily Rosenblad, deuxième auteur de l’étude et responsable de projet à l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) de l’école de médecine de l’Université de Washington, à Seattle.
L’âge moyen des personnes décédées par suicide a augmenté, notent également les auteurs : il est passé de 43 ans en 1990 à 47 ans en 2021 pour les hommes, et de 41,9 à 46,9 ans pour les femmes. Cela pourrait montrer l’efficacité des « efforts axés sur la prévention du suicide chez les jeunes, tels que l’accès à des services de dépistage essentiels ou le développement de programmes de santé mentale »; mais le suicide reste une cause importante de mortalité évitable chez les enfants et jeunes adultes quel que soit le niveau de revenu du pays concerné, insistent les auteurs.
Ils soulignent aussi le vieillissement général de la population et le fait que « des facteurs tels que l’isolement, l’absence de soutien social ou familial, une sécurité sociale et des régimes de retraite inadéquats, les maladies chroniques, une assurance insuffisante, et l’absence de ressources en santé mentale pour les adultes d’âge moyen et les plus âgés sont des facteurs de risque critiques contribuant au suicide », estiment-ils.
Les objectifs de développement durable de l’Organisation mondiale de la Santé ont fixé un objectif global de réduction d’un tiers des décès par suicide d’ici à 2030, rappellent les auteurs. Or, « malgré l’amélioration globale du taux de mortalité (…), certains groupes démographiques affichent des taux de suicide en hausse, révélant des lieux et des groupes d’âge spécifiques qui ont besoin d’urgence d’un soutien et de stratégies d’intervention renforcées en matière de santé publique ».
Le suicide est un phénomène complexe, qui mêle « troubles mentaux, consommation de substances, traumatismes ou violences, facteurs sociaux et culturels, facilité d’accès à des moyens létaux, pauvreté et privations », et qu’il est selon eux « essentiel de quantifier (…) pour pouvoir agir de manière appropriée et opportune ».
La semaine dernière le suicide de l’étudiant Matar Diagne survenu à l’université de Saint-Louis avait semé la consternation dans le milieu universitaire et au-delà en révélant le mal-être des étudiants sénégalais.
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