Je déchire le mensonge d’État maquillé dans des rapports factices de l’armée de la France !
Je pleure la mémoire des victimes du massacre à Thiaroye 44, tirailleurs sénégalais, africains.
Je condamne la complicité du général Dagnan,
Chaque 09 h 30, heure des salves meurtrières de la honte rouge du sang des innocents,
Sur l’esplanade de la honte, où Boisboissel ne vous avez pas dit vouloir vous assassiner avec trois compagnies indigènes, un char américain, deux half-tracks, trois automitrailleuses, deux bataillons d’infanterie, un peloton de sous-officiers et hommes de troupe français.
Circassia, le bateau, sait combien sont descendus de ses flancs, le 21 novembre 1944
En terre africaine,
David Bone, son commandant, sait combien vous étiez à monter à bord le 1er Novembre 1944.
De Gaulle sait combien d’entre vous ont été assassinés par la France.
Pas « morts pour la France » certes, oui mais tués par la France deux fois !
Assassinés, privés de sépultures dignes, jugés posthumes, condamnés, rétrogradés !
Je chante le courage des hommes morts qui se sont levés pour réclamer leur dû !
Je chante le courage des hommes morts froidement assassinés, 1er décembre 1944,
Au Camp de Thiaroye, près de Dakar, par l’armée coloniale et la gendarmerie française.
Je chante et pleure le courage des vaillants soldats africains qui n’ont jamais accepté
L’injustice de la France coloniale.
Je pleure vos corps enfouis dans les fosses communes cachées.
Lieutenant de Vaisseau Max Salomon, Lieutenant-colonel Berre, Capitaine Olivier,
Votre conspiration nocturne du 30 novembre 1944 à 20h, à mon oreille parvenue,
Sera à haute voix dite.
Vois, Me Lamine Guèye, digne avocat des héros trahis,
Je déchire le rapport mensonger du Colonel Carbillet !
Ils vous ont menti, soldats, et vous vous étiez levés ce rude petit matin.
Ils vous ont trahi par la félonie après vous avoir désarmés.
Je pleure et chante et danse les macabres pas de refus
À la mémoire de votre dignité de réclamer votre dû.
Je clame votre courage, intrépides fils d’Afrique, tirailleurs,
Anciens prisonniers africains de la Seconde Guerre mondiale, qui rapatriés,
Ne réclamiez juste que le paiement de vos soldes de captivité dont la France vous a spoliés,
Et le Versement de vos pécules obligatoires et promis depuis des mois.
Je vous chante et danse, par les coutumes, la danse funéraire d’Afrique en renfort
La mélodie de la mémoire de votre courage jamais mort !
Vous vous êtes battu dignité en bandoulière sans effort !
Sans pouvoir savoir pourquoi, vous avez sans nul remords
Embarqué dans une galère qui n’était pas la vôtre encore.
Sur le champ de bataille, votre généalogie vous porta,
Sur le champ de bataille, votre courage vous galvanisa,
Sur le champ de bataille, votre fierté initiatique vous poussa,
Vous ne saviez pas faire autre chose que vous battre dans la dignité.
Je suis triste, oui, victimes de Thiaroye 44
Je ne suis pas abattu par le dol des officiers de France,
Je pense à votre courage, à votre désir de Justice.
Revenant victorieux de la Seconde Guerre mondiale et éthiquement forgés,
Vous avez demandé le droit d’être payé parce que vous aviez les droits
Et la nationalité de tous les guerriers combattants de la France.
Alors à la France non reconnaissante, trahissant le serment de justice,
De fraternité et d’égalité, je rappelle son devoir d’excuse, son devoir
De reconnaissance et de repentir.
La colonisation est un crime contre l’humanité.
Le massacre de Thiaroye est un odieux crime contre l’humanité,
Reconnais-le France !
Je commémore quatre-vingts années dans la tristesse,
Hommes valeureux, je me recueille devant vos mémoires,
Vous victimes du massacre de Thiaroye 44,
Vous froidement empilés dans des fosses communes,
Vous dont la mémoire bafouillée, dans un caricatural procès, est ancrée
Dans chaque esprit humain, noble et digne cœur africain.
Je célèbre quatre-vingts ans de votre massacre commis sur vos dos désarmés,
Les armes à la main on ne vous aurait jamais battu, vous les aurez abattus.
Personne ne peut abattre la dignité d’un homme debout, d’un Africain debout.
Thiaroye 44, je célèbre !
Je célèbre le courage des hommes têtes hautes,
Mais je pleure,
Je pleure la mémoire assassinée couchée là sous ma terre.
80 ans de mal fait à l’Afrique
80 ans les familles essayant de retrouver le corps
80 ans que nous tournons en rond parce que la France ne veut pas expier sa faute.
Afrique debout, Sénégal debout !
Fille et fils d’Afrique debout !
Plus que Frère et plus que Sœur !
Nous serons les boucliers face à l’oubli de votre noble, courageux acte de revendication,
Nous serons les boucliers face à l’oubli de l’ignoble assassin colonial français.
Je prierai sur vos tombes toutes religions confondues,
Je danserai le pas macabre à votre gloire et chanterai le courage des preux que vous fûtes.
Docteur Massamba Guèye, « La bouche de l’Afrique »,
Fondateur de la Maison de l’Oralité et du Patrimoine KËR LEYTI
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