Dakar-Echo

Lettre ouverte à Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République française – Par Djibril Ndiogou Mbaye

Lettre ouverte à Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République française – Par Djibril Ndiogou Mbaye

M. le Président,
Honorez-les !
Honorez-vous !
Honorez la France !

Reconnaissez le massacre de Thiaroye comme tel en rétablissant la vérité inaliénable de ces faits historiques douloureux et injustifiables.

Annoncez par la même occasion une décision de faire entrer au Panthéon les tirailleurs africains, le 1er décembre 2024 au Sénégal.

La Tribune de la commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye est pour vous une occasion exceptionnelle. Un rendez-vous avec la grande histoire des tirailleurs africains dans cette dernière guerre mondiale que vous n’avez connue qu’à travers des livres d’histoire qui n’ont pas dit toute la vérité sur les milliers de tirailleurs africains qui ont sacrifié leur vie pour libérer la France et le monde.

Le Président de la République sénégalaise, M. Diomaye D. Faye, en vous invitant à la commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, vous a grandement ouvert les portes de l’histoire des grands hommes d’État. Ceux qui changent le monde et le destin des hommes, en rendant aux peuples et aux hommes victimes d’injustices leur dignité dont ils ont longtemps été frustrés.

Martin Luther King a fait un rêve que Barack Obama a en partie réalisé. Frédérik De Klerk eut la hauteur de convier Nelson Mandela à des négociations nocturnes qui ont permis de mettre un terme à la longue et affreuse politique de développement séparé entre Noirs et Blancs d’un même pays.

Alors que nous attendons avec impatience la rencontre d’un grand Israélien et d’un grand Palestinien pour mettre un terme à un embrasement inutile et sceller une paix durable entre deux États frères et libres, voilà que ce grand destin vous tend la main. Cela n’arrive que rarement dans l’histoire d’un homme politique. Saisissez-la !!

C’EST LE MOMENT DE RECONNAÎTRE LE MASSACRE DES TIRAILLEURS AFRICAINS À THIAROYE.

Le timing est parfait, c’est maintenant ! Vous n’avez plus aucune excuse !
Les faits sont avérés et confirmés par tous les historiens sérieux et honnêtes . « Les faits sont têtus », ce n’est pas moi qui l’ai dit.

Le 1er décembre 1944, des tirailleurs sénégalais mais aussi des Soudanais (actuels Maliens), des Voltaïques (aujourd’hui Burkinabè), des Ivoiriens tout juste rentrés de France où ils avaient combattu, ont été exécutés sur ordre des autorités françaises, alors qu’ils réclamaient le paiement de leur solde de guerre.

Ces faits ont été récemment confirmés par votre prédécesseur François Hollande qui, dès 2014, les reconnaissait à demi-mot en utilisant le langage « diplomatique » et pudique de « répression sanglante ».
Aujourd’hui, il va plus loin en confirmant, lui qui a eu, comme vous certainement, accès aux archives classées,secret défense : « En fait, oui, c’est un massacre, puisque ce n’est pas simplement une répression comme on en connaît dans des manifestations qui débordent. Là, il s’agit d’un massacre à la mitrailleuse. Les mots doivent être mis là où ils sont nécessaires et là où ils correspondent à une réalité, c’est-à-dire il y a eu un massacre à Thiaroye ».

Le moment est venu ! (Ils sont presque tous morts, nos braves aïeux. Il ne reste plus que leur mémoire à honorer et nos cœurs à apaiser. Faites ce que vos prédécesseurs n’ont pas fait.

Mr Le président, je ne vous apprends rien en vous disant qu’il y a une crise entre la France et une frange de la jeunesse et des nouveaux dirigeants africains.

Vous n’avez plus rien à perdre, car vous n’avez plus de grands enjeux devant vous, à part sortir en beauté. Justement, cette célébration en terre africaine est un tapis rouge déroulé sur le chemin de la grandeur. Ne marchez pas à côté. Je ne pense pas que le peuple français soit contre.

Faites de ce voyage une entreprise de charme au succès quasi garanti envers les nouvelles autorités du Sénégal et de l’Afrique qui cachent encore leur amour pour la France. Mais tendez aussi la main à la jeunesse africaine qui avance en regardant dans le rétroviseur de l’histoire. Elle n’a pas fait le deuil de l’esclavage et de la colonisation.

Cette jeunesse, sénégalaise et africaine, grand expert-comptable de notre histoire commune, ne saurait passer cette terrible créance au compte de pertes et profits. Cet épisode regrettable, inscrit dans le passif de nos relations, nous le vivons comme un omni-niant crachat dans notre chair, notre dignité et sur la mémoire de nos aïeux tirailleurs. Tirailleurs aux sacrifices longtemps méprisés. Leurs faits d’armes n’ont pas rempli les livres d’histoire et leur mémoire n’a pas été chantée par les poètes français, car les poètes chantaient les fleurs artificielles des nuits de Montparnasse, ils chantaient la nonchalance des chalands sur les canaux de moire et de simarre.

Ils chantaient le désespoir distingué des poètes tuberculeux.

Car les poètes chantaient les rêves des clochards sous l’élégance des ponts blancs.
Car les poètes chantaient les héros, et {leur} rire n’était pas sérieux, {leur} peau noire pas classique ». L.S. Senghor.

Dans tous les cas, ce massacre sera un jour reconnu par un Président français. Soyez ce grand président le 1er décembre 2024 en les réhabilitant TOUS.

M. le Président, la seconde demande que je vous ferais sera de profiter de cette occasion pour annoncer la « panthéonisation » du tirailleur africain. Ce terme pouvant englober tous les tirailleurs africains. Une marque de reconnaissance, comme la France l’a récemment accordée à Missak Manouchian et ses camarades d’origine arménienne, pour leurs actions de résistance.

Aujourd’hui, nous savons que les grands hommes d’État, qui ont marqué l’histoire de l’humanité, l’ont été par leur courage de reconnaître et de défendre la vérité des faits contemporains ou historiques.

Le Président de la République sénégalaise vient de vous tendre un stylo en or et la page encore blanche du livre d’histoire que liront les générations actuelles et à venir, pour que vous puissiez y inscrire, vous-même, votre propre histoire politique.

Je ne suis pas un mémorialiste, mais il y a la moindre des choses que la gratitude, le savoir-vivre ou la politesse, des vertus certes humaines, mais que les États empruntent souvent pour s’élever au-dessus de leur ego et humilier la condescendance.

Honorez-vous, honorez la France. Vous êtes le mieux placé pour redorer le blason de ce grand pays-ami et redonner une nouvelle impulsion à la relation France-Afrique.

Djibril Ndiogou Mbaye

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