Deux juges d’instruction sont chargés d’élucider les circonstances de ce décès, survenu le 17 août dernier alors que ce père de famille était détenu par erreur.
« Mon chien me manque » : ce sont les derniers mots écrits par Assane Gueye à la fin d’une lettre manuscrite de deux pages, retrouvée sur lui après son décès, survenu le 17 août dernier, à la prison de Meaux-Chauconin (Seine-et-Marne).
Prison dans laquelle il n’aurait pas dû être incarcéré. Dans ce texte difficile à déchiffrer, récupéré par ses proches voilà deux semaines, cet habitant de Noisiel (Seine-et-Marne) tentait d’expliquer qu’il était innocent. Qu’il n’avait pas agressé la femme qui l’accusait d’attouchements sexuels et de violences.
La veille, ce père de famille de 51 ans avait été condamné par le tribunal correctionnel de Meaux pour séquestration, agression sexuelle par une personne en état d’ivresse manifeste et violences aggravées. Une fois la peine de trois ans de prison avec sursis probatoire prononcée par les juges, le prévenu avait été ramené au centre pénitentiaire pour sa levée d’écrou. Il aurait dû ressortir de la prison dans la soirée du vendredi 16 août, rentrer chez lui et retrouver son chien qu’il aimait tant.
Assane Gueye,51 ans, aurait du être libéré après sa condamnation à du sursis probatoire. Resté illégalement en détention, il s’est énervé. 2 matons l’ont maintenu au sol pendant 20 min. Il est mort asphyxié.
Cette affaire est exemplaire.https://t.co/jsfR2yYuJ3— Henri BRAUN (@Braunavocat) September 20, 2024
La famille dénonce un manque de communication
Mais il n’a pas été libéré. Et ce, à cause d’une erreur manuscrite sur la fiche pénale rédigée par le procureur d’audience, indiquant un maintien en détention.
Assane Gueye n’aura pas l’occasion de faire appel du jugement, puisqu’il a trouvé la mort au sein du quartier réservé aux arrivants, dans des circonstances que deux juges d’instruction du tribunal judiciaire de Bobigny (Seine-Saint-Denis) vont devoir éclaircir.
L’affaire a en effet été dépaysée par la procureure générale près la cour d’appel de Paris. Elle a ainsi saisi le parquet de Bobigny, qui a ouvert une information judiciaire contre X du chef d’homicide involontaire.
Le mercredi 4 septembre, le procureur de Meaux Jean-Baptiste Bladier a reçu plusieurs membres de la famille d’Assane Gueye. Certains sont venus de très loin pour tenter d’obtenir des réponses. L’entrevue a laissé un goût amer à sa nièce Sarah, « choquée » par certaines déclarations. La jeune femme, jamais agressive, n’accepte pas que le magistrat ait suggéré que son oncle n’ait pas eu « conscience » de son incarcération illégale.
Même ressenti chez Naomi, sa sœur, qui se dit « frustrée par cet entretien », reflet d’un « manque de communication » selon elle : « Nous avons attendu deux semaines pour avoir les résultats de l’autopsie de notre oncle, alors que le procureur les avait depuis ces deux semaines. » Et Naomi de préciser : « Je suis contente que l’affaire soit dépaysée. »
Ce qui est au cœur des interrogations de la famille, c’est la dernière journée passée par Assane Gueye derrière les barreaux. Il aurait, semble-t-il, tenu des propos incohérents. « Le procureur nous a expliqué qu’il était agité et qu’il avait ouvert le robinet pour inonder sa cellule. Des surveillants l’ont sorti. Il était menotté, il a été plaqué au mur puis au sol », précise Sarah.
L’aide des images de vidéosurveillance
Selon les images de vidéosurveillance du couloir, deux surveillants se sont succédé pour maintenir Assane Gueye, avec un genou sur ses jambes et un autre dans le dos. Une scène qui aurait duré une vingtaine de minutes, jusqu’à ce que les agents constatent que le détenu ne bougeait plus. Les manœuvres de réanimation vont s’avérer vaines.
Selon les premiers éléments de l’autopsie, le décès du quinquagénaire résulte d’une « défaillance cardio-respiratoire dans un contexte de contention avec asphyxie posturale survenant sur un terrain de coronaropathie évoluée ». Aucune trace d’alcool ou de stupéfiant n’a été retrouvée dans son sang. Les résultats des examens anatomopathologiques (étude des tissus) sont attendus.
Toute la question est de savoir si Assane Gueye est décédé à cause de l’intervention des surveillants pénitentiaires ou si son état de santé participe à l’explication du drame. Le quinquagénaire souffrait d’un diabète et d’une pancréatite. Avait-il reçu le traitement par insuline qui lui était indispensable, au cours de sa détention provisoire ?
Un justiciable, maintenu en détention «à la suite d’une erreur» d’un substitut est décédé samedi au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin, a confirmé lundi le procureur de Meaux : on attend, si possible, une réaction du ministre démissionnaire de la justice … pic.twitter.com/ZJIQjAF9Cq
— Gilbert Collard (@GilbertCollard) August 19, 2024
Soit entre sa garde à vue et sa comparution devant le tribunal correctionnel. A-t-il reçu son traitement — qu’il prenait quotidiennement au cours des 24 heures précédant son décès ?
Les juges d’instruction de Bobigny vont tenter de comprendre pourquoi Assane Gueye était aussi agité dans sa cellule. Et ce, alors que lors de son procès, le père de famille s’était montré calme et respectueux envers les juges, tout en contestant avoir agressé la femme qui portait des accusations contre lui.
Avec Guénaèle Calant
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