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Une tension dangereuse et imprévisible

L’arrestation d’un opposant, mercredi 3 mars, a déclenché de violentes manifestations au Sénégal. Une violence à haut risque sur fond de situation économique très dégradée.

De nombreux jeunes et étudiants ont participé, depuis mercredi 3 mars, aux manifestations dans les rues des villes du Sénégal après l’arrestation d’un opposant au pouvoir.

L’arrestation, mercredi 3 mars, d’Ousmane Sonko, opposant au président du Sénégal Macky Sall, pour répondre d’accusations de viols qu’il conteste, a été le déclencheur de manifestations qui avaient déjà fait au moins cinq morts, dimanche 7 mars. Leur violence dans tout le pays, jamais vue depuis les années 1980 selon certains observateurs, a surpris.

« Cette arrestation a semble-t-il été la goutte qui a fait déborder le vase, souligne Caroline Roussy, responsable du département Afrique/s à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Elle a cristallisé toutes les tensions cumulées à la suite de plusieurs arrestations d’activistes politiques dans les semaines et années passées, les restrictions à la liberté d’expression, les soupçons de corruption, le tout alors que la situation socio-économique s’est aggravée du fait de la pandémie. »

Pour la chercheuse, cependant, il ne faut pas surévaluer le poids politique réel, à ce jour, d’Ousmane Sonko. « C’est surtout le seul à n’avoir pas rejoint la coalition gouvernementale autour du président Macky Sall, dont je rappelle qu’il a été réélu dès le premier tour en 2019. » Sonko était alors arrivé en troisième position.

« Un ras-le-bol doublé d’une envie de démocratie »
Le prochain scrutin présidentiel est prévu en 2024 et Macky Sall effectue son deuxième et, normalement, dernier mandat. Il est arrivé au pouvoir en 2012, alors soutenu par des mouvements citoyens comme « Y’en a marre », qui militaient pour l’alternance et contre un troisième mandat d’Abdoulaye Wade. « Or, ces dernières semaines, avant Ousmane Sonko, ce sont justement des activistes de « Y’en a marre » qui ont été arrêtés. Macky Sall a peut-être oublié que c’était grâce à cette jeunesse qu’il est arrivé au pouvoir, souligne Caroline Roussy. C’est une énorme erreur stratégique : il n’a pas vu que la colère était en train de monter dans le pays. »

Parmi les symboles cibles des manifestants, des organes de presse proches du pouvoir mais aussi plusieurs entreprises – Auchan, Total ou Eiffage – représentants des intérêts français. « On sent bien que cette relation France-Sénégal reste extrêmement ambivalente, reconnaît la chercheuse.

Mais sur les réseaux sociaux on voit aussi des Sénégalais affligés par la perte de certaines stations-service. Ou bien ils ressortent des magasins avec des sacs de riz et les symboles du pouvoir sénégalais n’ont pas été épargnés (mise à sac du Soleil, RFM…). Pour moi c’est, avant tout, un ras-le-bol doublé d’une profonde envie de démocratie, sur fond de crise économique. »

« Il est possible que le pouvoir ait pensé que, comme Ousmane Sonko est originaire de Casamance, son arrestation ne mobiliserait pas tout le pays. Mais les gens sont sortis partout dans la rue parce que leur colère déborde la seule personne de Sonko »​, souligne la chercheuse. Une stratégie du pouvoir à double tranchant : « Quand les opposants vont en prison, au Sénégal comme dans les pays voisins, ils en ressortent fréquemment « starisés » »​, rappelle-t-elle.

Une semaine à risque
La semaine qui s’ouvre s’annonce très risquée. Les autorités ont annoncé la suspension de l’école dans tout le pays pour « protéger les élèves, les enseignants et l’administration scolaire ».

Le Mouvement de défense de la démocratie (M2D) a appelé à trois jours de nouvelles manifestations à partir de lundi 8 mars. Ousmane Sonko, dont ils réclament la libération ainsi que celle d’autres opposants, sera de nouveau présenté à un juge. Le médiateur de la République Alioune Badara Cissé a, lui, pressé le Président de sortir de son silence pour s’adresser aux jeunes. L’Onu et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont appelé au calme.

Digital Manager - Chef de projet chez Alixcom Dakar | E-mail: saliou@dakar-echo.com | +221 77 962 92 15

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