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Un rapport parlementaire décrit la place prépondérante de la Chine en matière d’influence dans le monde universitaire français.

Un rapport parlementaire publié mardi décrit la place prépondérante de la Chine en matière d’influence dans le monde universitaire français.

Des chercheurs sous pression, une autocensure croissante, des institutions sous dépendance financière: le monde universitaire et académique français est soumis à de multiples ingérences, Chine en tête, selon un rapport parlementaire publié mardi. Les tensions géopolitiques mondiales ne sont plus à démontrer, mais les travaux de la mission d’information du Sénat décrivent combien elles touchent aussi un secteur traditionnellement ouvert et libre, celui de l’université et de la recherche.

Le rapport, présidé par Etienne Blanc (LR, droite), décrit la «place prépondérante, mais non exclusive, de la Chine en matière d’influence».

D’autres pays, comme la Russie, la Turquie et certains États du golfe Persique, sont également concernés. «Mais aucun ne peut se targuer des moyens et de l’ampleur de la stratégie de la Chine, qui joue sur de multiples tableaux et ne dissimule plus sa volonté d’occuper une position centrale dans les relations internationales», ajoute-t-il.

Plusieurs pays occidentaux se sont déjà inquiétés publiquement de la stratégie d’influence chinoise dans leurs universités. «Il est important que les pays concernés se coordonnent», a estimé le rapporteur, André Gattolin, se réjouissant en particulier de «l’intérêt» de la Commission européenne sur le sujet. «Arrêtons la cécité», a-t-il ajouté, dénonçant des «écosystèmes d’influence» au niveau local ou régional qui échappent à la vigilance de l’État.

Le document sénatorial de 240 pages décrit des «tentatives d’influence» qui ne se limitent «plus aux questions d’intelligence économique, mais s’étendent aux libertés académiques et à l’intégrité scientifique». La mission se penche sur un double processus.

D’une part, «le façonnage de l’image ou de la réputation d’un État, ou la promotion d’un «narratif» officiel, par l’instrumentalisation des sciences humaines et sociales». D’autre part «l’intrusion et la captation de données scientifiques sensibles afin d’obtenir un avantage stratégique, économique ou militaire». «La Chine apparaît à ce jour comme l’État le plus en mesure de conduire une stratégie d’influence globale et systémique», ajoutent les auteurs.

Dilemme
Parmi ses outils figurent en particulier les Instituts Confucius (IC), présents partout dans le monde. Comme leurs équivalents français, allemands ou espagnols, ils entendent faire rayonner la culture chinoise. Mais leurs contempteurs les accusent d’être des instruments de propagande, de menacer la liberté académique de leurs partenaires, voire d’abriter des espions. Le rapport considère à cet égard que le «seuil de vigilance» du monde académique français est inadapté aux nouvelles menaces et affaibli par un manque global de moyens.

Il recommande notamment «d’élever le sujet des interférences étrangères au rang de priorité politique» et regrette qu’il soit «désormais devenu banal de parler des «fermes à trolls» russes ou de cyberattaques venant de la Russie et de la Chine».

Les auteurs insistent sur le dilemme auquel est confrontée l’université, par nature ouverte intellectuellement, mais qui doit désormais adopter une vigilance constante, notamment à l’égard de ses étudiants étrangers. Le rapport préconise, entre autres, une stratégie à l’échelle de l’Union européenne, la réalisation d’un audit sur la sécurité des systèmes informatiques des universités, ainsi que la création d’un «régime de transparence sur l’origine des financements extra-européens des projets».

Le sujet a fait l’objet d’une étude de l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM), dont les auteurs ont été auditionnés. «Pékin assume de plus en plus d’infiltrer et de contraindre», écrivent-ils. «Le Parti-État semble désormais estimer que, comme l’écrivait Machiavel dans «Le Prince», «il est plus sûr d’être craint que d’être aimé».

Pékin fait feu de tout bois, jusqu’à faire surveiller et intimider étudiants chinois, mais aussi enseignants et administrateurs «pour faire modifier le contenu des cours, le matériel pédagogique ou la programmation d’événements», constatent les chercheurs de l’IRSEM, Paul Charon et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer.

«Le Parti-État utilise également les universités pour acquérir des connaissances et des technologies, par des moyens légaux ou illégaux et dissimulés comme le vol et l’espionnage». Dans un «contexte de fusion civilo-militaire», cette ingérence contribue à permettre à Pékin «de construire des armes de destruction massive ou développer des technologies de surveillance», insistent-ils.

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