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Un « racisme » peut en cacher d’autres …

– L’édition 2023 de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, célébrée ce mardi 21 mars, coïncide avec le 75e anniversaire de la déclaration des droits de l’homme.

Si l’apartheid est théoriquement terminé depuis le début des années 90 en Afrique du Sud, les pratiques discriminatoires entre hommes semblent résister à travers le monde, malgré les efforts de la communauté internationale et des ONG défendant les droits humains, tendant à mettre fin au « racisme » basé sur la couleur, l’ethnie ou toute autre appartenance.

C’est du moins ce que laissent constater certains incidents, voire même les scandales, qui éclatent de temps à autre, ça et là à travers la planète, laissant de grandes séquelles et prouvant que ce mal est encore persistant.

L’on se rappellera, sans doute, toujours, de George Floyd tué en mai 2020 par des policiers à Minneapolis alors qu’l était à terre, du scandale révélé par CNN, fin 2017, sur la traite d’êtres humains en Libye (1), alors qu’ils étaient de passage pour rejoindre la rive nord de la Méditerranée, des propos racistes lancés à un député de couleur par son collègue à l’hémicycle français, un certain 4 novembre 2022, ou encore, tout récemment, la crise des Subsahariens en Tunisie suite à des propos jugés « racistes »…

La liste est bien évidemment n’est pas exhaustive puisque le phénomène, bien que combattu au niveau politico-juridique, a tendance à perdurer, nourri par d’autres disparités encore plus complexes.

L’édition 2023 de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, célébrée ce mardi 21 mars, coïncide avec le 75e anniversaire de la déclaration des droits de l’homme.

Et si la communauté internationale a saisi l’occasion pour lancer un appel à « tous les Etats à combattre le racisme en s’engageant à prendre des actions urgentes et spécifiques »(2), la réalité du terrain marque des incertitudes, au vu d’incidents tels que susmentionnés, laissant interroger sur la perception, le discours et les pratiques discriminatoires à l’époque qui est la nôtre.

A confronter cet appel de Volker Türk, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, à la réalité du terrain, le nombre de victimes en rapport avec ce dossier, les bavures commises par certaines autorités à l’égard d’hommes de couleur, ou encore l’émergence d’un discours violent, choquant et déplacé, tout cela laisse penser que la tendance est plutôt le contraire de ce qu’ambitionne la Communauté internationale en termes d’apaisement, de vivre ensemble et de cohésion.

Une onde de choc
Les événements survenus en Tunisie à partir du 21 février dernier ont particulièrement marqué les esprits, non seulement en Tunisie, mais aussi en Afrique et même au-delà.

Notons au passage que les migrants irréguliers, notamment en provenance d’Afrique subsaharienne sont souvent fragiles, sans papiers et peut-être même sans qualifications, ce qui les expose à toutes sortes d’exploitation.

Dans leur périple en direction de l’Europe, ces gens-là fuient la précarité, la pauvreté et, dans certains cas, la violence dans leurs pays d’origine et s’apprêtent à faire tous les sacrifices, au dépend de leurs vies parfois, pour rejoindre ce qu’ils perçoivent comme étant le paradis…

Ils procèdent par étape et travaillent n’importe quoi pour collecter les sommes nécessaires à payer aux passeurs, certains finissent par céder au milieu de la route, d’autres échouent au fond de la mer.

Avant les propos de Kais Saïed du 21 février 2023, des migrants subsahariens étaient facilement observables à Tunis et dans d’autres villes tunisiennes. Ils travaillaient dans les chantiers, certaines femmes faisaient le ménage dans les foyers, d’autres sont employés (non déclarés) dans le commerce ou autres activités physiques, etc., jusqu’à ce que le « mal » soit fait et les réactions tombent en cascade.

En effet, qualifier ces pauvres gens de « hordes de migrants clandestins originaires d’Afrique subsaharienne » et dont l’objectif était de « changer la composition démographique de la Tunisie », a provoqué une onde de choc, inattendue de la part d’un pays qui était pionnier à abolir l’esclavage depuis 1846 et qui avait développé une image positive d’hospitalité, de tolérance et du vivre ensemble.

Des ponts aériens ont été alors mis en place pour rapatrier les Subsahariens qui le souhaitent dans leurs pays d’origine, des campagnes de boycott de produits tunisiens ont été menées sur les réseaux sociaux un peu partout en Afrique et des condamnations ont été rapidement exprimées par les organisations africaines et la société civile.

« Les propos du président tunisien ont fait beaucoup de mal. Personnellement, j’ai été très choquée parce que c’est un homme que je connais un peu, que j’ai rencontré à plusieurs reprises », commentait, incrédule, Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie, OIF, dans une interview télévisée (3).

Elle, qui avait vécu dans ce pays et n’a pas hésité à affirmer que ce n’était pas la Tunisie qu’elle connaissait.

Les mesures prises par la suite et les discours d’apaisement n’ont pas pu essuyer le malaise provoqué par le Président.

Les origines du mal
La discrimination associée à la migration ne date pas, au fait, du 21 février 2023, car bien qu’intolérable, elle relève d’un phénomène encore plus large et encore plus étalé dans le temps et dans l’espace.

Les flux migratoires à travers le monde sont expliqués par les experts par l’évolution démographique, disparate entre les pays du nord et ceux du sud, mais très remarquable en Afrique, le décalage de développement entre pays riches et pays pauvres et la prolifération, pas uniquement en Afrique, de réseaux criminels transfrontaliers pour lesquels tout est marchandise même les êtres humains.

Dans un rapport de la Banque mondiale, en date du 22 octobre 2015, il a été mentionné que « la population africaine augmente rapidement, et d’ici 2060, la région comptera environ 2,8 milliards d’habitants» (4), contre 1,4 milliard actuellement.

C’est une « aubaine », au vu du potentiel et des richesses naturelles dont regorge le continent, mais c’est aussi un défi majeur pour les pays du nord en l’absence d’un développement digne et favorisant la stabilisation des populations.

Quoi qu’il en soit, des lois ont été adoptées et des mesures ont été prises pour se protéger des flux migratoires. Rien que ce 20 mars 2023, Josep Borrell, Vice-président de la Commission européenne, a averti qu’un effondrement de la Tunisie se traduirait par de nouveaux flux migratoires et que « nous voulons éviter cette situation »…

Pour se protéger de ces flux migratoires, des « frontières lointaines » ont été même définies et des pressions ont été exercées sur les pays servant de passage aux migrants, comme la Tunisie, de multiplier les efforts pour lutter contre ce « phénomène ».

Dans leur discours officiel, des pays d’accueil comme la France sont plutôt pour une migration sélective et qualifiée, en fonction des besoins du marché de l’emploi. En dehors de ce cadre, c’est bien évidemment l’expulsion.

L’on se rappellera, à juste titre, de la galère de l’Ocean Viking qui n’a pu accoster dans un port italien, avec des centaines de migrants secourus en mer, provoquant une crise diplomatique inédite entre la France et l’Italie en 2018-2019, Paris accusant Rome de ne pas respecter les conventions européennes et l’Italie accusant la France d’appauvrir les populations africaines et refusant de subir les conséquences de sa politique en Afrique.

Cette même Italie, en connaissance de cause, soutient aujourd’hui la Tunisie (5) dans la lutte contre la crise migratoire mais aussi à surmonter sa crise socio-économique en défendant son dossier devant le Fonds monétaire international (FMI) ou de pays bailleurs comme les Emirats arabes unis.

Mais la question demeure intacte, est-ce la solution appropriée à la migration ? Est-ce suffisant pour éliminer la discrimination ?

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Notes :

(1) https://information.tv5monde.com/afrique/libye-des-migrants-africains-vendus-comme-esclaves-par-des-trafiquants-203789

(2) https://www.un.org/fr/observances/end-racism-day

(3) https://twitter.com/i/status/1635330640517242903

(4) https://www.banquemondiale.org/fr/region/afr/publication/africas-demographic-transition

(5) https://www.aa.com.tr/fr/monde/antonio-tajani-litalie-sefforce-de-convaincre-le-fmi-daider-la-tunisie-%C3%A0-%C3%A9viter-linstabilit%C3%A9/2850285

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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