Quatre personnes ont été interpellées à l’issue d’une opération de police visant plusieurs sites d’une entreprise belge de BTP, dans le cadre d’une enquête pour corruption d’agent public étranger et abus de biens sociaux.
Des soupçons de corruption autour de la construction d’un hôtel dans la capitale tchadienne N’Djamena ont mené mercredi à des perquisitions en Belgique et en France, dans une enquête ciblant des cadres et dirigeants d’une entreprise belge de BTP, a indiqué à l’AFP une source proche de l’enquête.
Il y a eu six perquisitions en Belgique et quatre en France ciblant la même entreprise, CFE, propriété du groupe belge coté Ackermans & van Haaren (AvH), et plusieurs de ses dirigeants à leurs domiciles privés.
À l’issue des raids policiers en Belgique, quatre personnes ont été interpellées pour être auditionnées, dont le président du conseil d’administration d’AvH Luc Bertrand, a précisé cette même source, confirmant une information du média français Mediapart et des journaux belges Le Soir et De Standaard.
Le juge bruxellois qui pilote l’enquête devra ensuite décider d’une éventuelle inculpation voire d’une incarcération, a souligné le parquet fédéral belge.
Une personne auditionnée en France
En France, au moins une personne est auditionnée: il s’agit de Michel Marstal, qui avait signalé la situation à la justice, d’après une source proche du dossier. Il a aussi été perquisitionné. «Mon client est extrêmement surpris par cette perquisition. Il n’a rien à se reprocher, et c’est lui qui a signalé les faits de sa propre initiative aux justices française et belge», a réagi auprès de l’AFP son avocat Me Fabrice Delinde.
L’avocat a également assuré que son client avait alerté, dès 2019, la direction de CFE, du groupe AVH, puis en 2020 le ministre tchadien des Finances Tahir Nguilin, sans qu’«aucun» n’ait donné suite. Son signalement à la justice a abouti à l’ouverture d’une enquête préliminaire par le Parquet national financier français (PNF) en mai dernier, ainsi qu’aux investigations menées côté belge.
Ces investigations portent «sur des soupçons de (faits de) corruption susceptibles d’avoir été commis par la société CFE et certains de ses représentants belges et français en relation avec la construction du Grand Hôtel à N’Djamena, au Tchad, et la récupération de la créance découlant de celle-ci, qui serait encore due par le Tchad à CFE», selon les autorités françaises et belges.
Précisément, l’enquête a été ouverte pour corruption d’agent public étranger, complicité de trafic d’influence actif, faux et usage, abus de biens sociaux, blanchiment en bande organisée, recel et association de malfaiteurs, selon une source judiciaire à Paris.
Une facture jamais payée
La construction de ce méga-hôtel – géré par la chaîne Radisson Blu – avait été décidée sous la présidence d’Idriss Déby Itno, président du Tchad pendant plus de 30 ans, tué en 2021 par des rebelles au cours d’une opération militaire. L’établissement a été inauguré en 2017, mais l’intégralité de la facture n’a jamais été payée.
Le Tchad devrait encore plusieurs dizaines de millions d’euros à CFE, selon plusieurs médias. Dans son communiqué, le parquet fédéral belge n’a pas précisé les montants financiers.
En Belgique, les perquisitions ont été effectuées dans les communes bruxelloises d’Auderghem – où CFE a son siège -, Ixelles et Woluwe-Saint-Pierre (deux) ainsi qu’à Lasne et Hoeilaart, dans le Brabant, dans le centre du pays. En France, elles ont visé les domiciles de quatre personnes en région parisienne, dans l’Eure (nord-ouest) et dans la Vienne (centre-ouest), d’après la source judiciaire.
D’après Mediapart, les enquêteurs des deux pays devraient aussi s’intéresser «à l’usage des quelque 12 millions d’euros retirés en liquide du compte de CFE logé dans la filiale tchadienne de la Société générale (une filiale revendue par la banque française début 2024)». Selon une seconde source proche du dossier à l’AFP, la Société Générale n’était pas visée mercredi par les perquisitions.
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