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Sanctions contre le Mali: les chefs d’Etat de la CEDEAO pris au piège des autorités de la transition

En réalité, la question de l’agenda électoral est le moindre des soucis des chefs d’Etat de la CEDEAO qui ont joué le rôle de bras armé de la France contre le Mali du colonel Assimi Goïta, lequel a osé défier la France d’Emmanuel Macron.

D’abord en se tournant vers la Russie comme premier partenaire pour la sécurisation du Mali et ensuite en remettant en cause le système monétaire, notamment en refusant de faire transiter ses transactions financières internationales par le Trésor français comme l’exige le système de garantie du Franc Cfa par la France. C’est là la principale raison des sanctions financières injustifiées prises contre le Mali.

Le président Macky Sall, lors du Forum sur la paix et la sécurité dans le Sahel tenu à Dakar il y a deux ans de cela, s’interrogeait ainsi : « En considérant toutes les forces internationales présentes au Mali et si on y ajoute l’effectif de l’Armée malienne, c’est impensable que des centaines de gens qui se réclament djihadistes ou je ne sais quoi encore puisque leur tenir tête. C’est qu’il y a problème et ce problème il faut le résoudre ! ».

Eh bien, ce problème, identifié par les autorités maliennes de transition, c’est la France. Le colonel Assimi Goïta, qui était sur le théâtre des opérations au nord et au centre du Mali, est mieux placé que quiconque pour comprendre le jeu trouble de la France au Mali.

Kidal, sous la protection française, est devenue une enclave contrôlée par les chefs rebelles des mouvements touareg et les manœuvres sur le terrain avec soupçons de connivence ne pouvaient échapper à l’alors chef des forces spéciales du Mali, notamment le colonel Assimi Goïta.

Retenez que même l’opération Serval en 2013 avait deux objectifs. D’abord et urgemment couper l’avancée des forces de la centrale terroriste vers Bamako après avoir fait sauter le verrou de Kona à une cinquantaine de km de Mopti, mais ensuite remettre en selle la rébellion touarègue qui était effacée sur le terrain par les groupes terroristes avec lesquels le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) avait fait alliance pour prendre les 2/3 du territoire malien.

En effet, l’espace occupé en ce temps-là était composée de trois régions : Kidal, Gao et Tombouctou. Si le Mnla avait été mis en avant pour la conquête de ces régions, il a été ensuite laissé en rade comme une âme errante, les trois grands groupes narco-djihadistes s’étant partagé le terrain conquis : Ansar Dîne de Iyad Ag Ghali avait ses quartiers à Kidal, Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) était à Tombouctou et le Mouvement pour l’Unicité et le Djihad (Mujao) occupait Gao.

Les responsables du Mnla ne pouvaient que fuir et se replier dans des pays voisins dont principalement en Mauritanie où certains vivaient dans des villas cossues quelques mois avant l’invasion du Mali, mais le gros de la troupe se cachait en France, comme une base arrière à partir de laquelle les grands théoriciens de ce mouvement indépendantiste lançaient des messages hostiles au Mali, sans jamais être inquiétés par le gouvernement français qui leur offrait d’ailleurs ses plateaux de télévision.

Pire, sur le terrain, au Mali, les forces francaises ont constitué un cordon sécuritaire au- tour de la région de Kidal devenue inaccessible à l’Armée malienne. Les forces onusiennes qui y campaient devaient se résoudre à subir régulièrement des provocations dont des tirs de roquettes, sans pouvoir réagir. Or, c’est connu, il n’est pire affront pour un militaire que d’essuyer des tirs sans pouvoir riposter. Et pourtant, c’est le quotidien des casques bleus de la Minusma.

C’est parce que la France a pesé de tout son poids aux Nations unies afin de tailler à la Minusma une mission de quasi tourisme pour laisser l’initiative du terrain aux forces Serval devenues forces Barkhane. Un faisceau de frustrations envers les forces françaises et les forces onusiennes a poussé le Mali à chercher une autre voie : dynamiser la coopération avec la Russie dont les accords existaient depuis les années 1960.

Il suffisait tout simplement de réchauffer le plat pour le déguster. D’où l’appel lancé à la Russie dont la venue est accélérée par les relations privilégiées du groupe russophone actuellement aux affaires à Bamako. Un groupe dont les figures de proue sont le ministre de la Défense et des Anciens combattants, le colonel Sadio Camara, et le Premier ministre Choguel Maïga connu pour ses positions anti- françaises, en tant qu’héritier politique du général Moussa Traoré, ancien président de la République.

La Russie, qui n’attendait que cela, a rappliqué illico presto et la France, qui voyait la situation lui échapper, a commencé à ameuter l’Occident en parlant de « mercenaires russes de la force Wagner ». En réalité, ce sont des militaires russes appelés sur la base des accords de coopération liant les deux pays, qui sont présents au Mali.

La France, voyant d’un très mauvais œil l’intrusion de la Russie dans son pré carré, met la pression sur ses alliés de la sous- région en tête desquels le président ivoirien Alassane Ouattara qui s’acharne particulièrement sur le Mali.

Il faut noter qu’un chef d’Etat comme Macky Sall, dont le pays a tout à perdre dans un embargo contre le Mali, ne doit fouler aux pieds les intérêts de son pays pour faire du suivisme inopérant voire contre-productif. Le président Sall doit réagir pendant qu’il est temps pour se mettre hors de ces sanctions qui étouffent le Sénégal au plan économique, ne serait-ce que si l’on considère le manque à gagner pour le Port autonome de Dakar.

A l’heure actuelle, les Maliens, qui s’étaient engagés dans une dynamique de diversification de leurs ports d’approvisionnement suite aux différentes menaces et tentatives d’embargo de la CEDEAO, peuvent facilement faire passer leur fret par la Guinée, la Mauritanie et l’Algérie. Et si l’habitude s’installe, le Port de Dakar pourra- t-il récupérer les parts de marché perdues durant cet embargo ? Rien n’est moins sûr.

En ce qui concerne la campagne d’intoxication orchestrée par la France sur une éventuelle venue de Wagner au Mali, les chefs d’Etat de la CEDEAO sont tombés dans le piège et de la France et de la junte au pouvoir au Mali. En effet, le fond du problème entre Paris et Bamako et dont l’arrivée des soldats russes n’est quasiment que le dernier épisode en date, c’est le fait que Bamako refuse désormais de déposer ses devises dans le compte d’opérations du Trésor français en vue de ses opérations financières internationales.

Depuis l’installation du gouvernement de Choguel Maïga, le Mali a fait appel à la Russie en exécution d’un ancien accord de coopération militaire pour non seulement équiper l’armée malienne, mais aussi bénéficier de l’encadrement et de l’assistance militaires de la Russie.

Naturellement, la France, qui a l’habitude de bloquer l’achat d’armes hors Zone euro dans pareils cas, a été contournée par le Mali qui désormais refuse de faire passer ses devises issues de l’exportation au Trésor français et dispose ainsi de suffisamment de devises pour acheter directement des armes avec la Russie via des banques commerciales.

Les contrats d’achat d’équipements militaires sont assortis de clauses de présence d’experts russes pour la formation des soldats maliens et tout autre besoin du service après-vente.

C’est pourquoi les prétendues sanctions brandies par le club des chefs d’Etat de la CEDEAO auxquelles on a associé de façon autoritaire et illégale des mesures de l’UEMOA, n’ont pas ébranlé outre mesure les Autorités de la Transition au Mali qui s’y attendaient et avaient préparé plan de ripostes avec tous les scénarios possibles, y compris la sortie définitive du Mali de la CEDEAO, en plus de la sortie du Mali de la zone FCFA pour battre sa propre monnaie, au cas où la France tenterait de l’asphyxier financièrement avec la complicité des autorités monétaires de l’UEMOA.

Pour dire que les Autorités maliennes n’écartent aucun scénario pour se soustraire du joug français.

Rappelons que l’acharnement sur le Mali sous la pression de la France est allée jusqu’au projet d’une éventuelle intervention armée pour déloger la junte au pouvoir. Là également, des dispositions sont prises côté malien, où on ironise ainsi : « Le Mali n’est pas la petite Gambie »  

Mohamed Ousmane Keita

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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