Culture

Roselyne Bachelot et le parlement français acceptent de rendre un sabre au Sénégal et des statues au Bénin

La restitution des trésors conservés au Quai Branly et de l’arme appartenant au Musée de l’Armée à leur pays d’origine a été approuvée à 48 voix sur 50 par les parlementaires. Une «volonté de renouvellement et d’approfondissement du partenariat entre la France et le continent africain», selon la ministre de la Culture.

Le sabre va revenir au Sénégal, les statues au Bénin. Le Parlement a donné jeudi le feu vert à la restitution de pièces historiques à ces deux pays africains, un geste pour aider à tourner la page sombre du pillage culturel sous la colonisation.

Ces restitutions ont été approuvées par un vote définitif de l’Assemblé nationale quasi unanime (48 voix pour, aucune contre, deux abstentions), qui les entérine au nom du Parlement.

Le Sénat dominé avait refusé son accord. Elles répondent à une volonté de «renouvellement et d’approfondissement du partenariat entre la France et le continent africain» sur le plan culturel, souhaité par le président Emmanuel Macron en novembre 2017 à Ouagadougou, a déclaré la ministre de la Culture Roselyne Bachelot.

Le transfert au Bénin porte sur 26 pièces du «Trésor de Béhanzin» provenant du pillage du palais d’Abomey en 1892. Elles sont aujourd’hui au musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris.

Le Sénégal doit récupérer la pleine propriété d’un sabre et son fourreau attribués à El Hadj Omar Tall, grande figure militaire et religieuse ouest-africaine du XIXe siècle. Détenu par le Musée de l’Armée à Paris, ce sabre est exposé à Dakar dans le cadre d’un prêt de longue durée.

Il s’agit d’accompagner une jeunesse africaine en quête légitime de son identité patrimoniale.

Yannick Kerlogot, le rapporteur au Palais Bourbon
Le texte déroge ponctuellement au caractère inaliénable des collections des musées nationaux français, parmi les plus riches du monde en œuvres et objets de toutes époques et tous horizons. Il s’agit «d’accompagner une jeunesse africaine en quête légitime de son identité patrimoniale», a souligné le rapporteur au Palais Bourbon, Yannick Kerlogot (LREM), qui a évoqué «l’attente et l’engouement des populations concernées».

L’adoption s’annonçait comme une formalité, avec des votes unanimes en première lecture à l’Assemblée nationale comme au Sénat, sur fond de large consensus sur la nécessité d’envoyer un signal culturel positif à l’Afrique. Mais un «couac» est venu de la discrète annonce de la remise début novembre à Madagascar d’une couronne qui surmontait le dais de Ranavalona III, souveraine malgache du XIXe siècle.

En peine procédure parlementaire sur les restitutions au Bénin et au Sénégal, ce retour dans un autre pays a ravivé les craintes de dépouillement à répétition des collections françaises. Et relancé les accusations contre la diplomatie culturelle d’Emmanuel Macron jugée monarchique.

La Grèce et l’Egypte réclament aussi leurs trésors
«Cette annonce, nouvelle illustration du fait du prince, est venue jeter le trouble : alors que nous discutons de restitutions limitées, sur une liste bien définie, voilà que l’on nous en annonce de nouvelles», s’est indignée la députée Emmanuelle Anthoine (LR).

Roselyne Bachelot a dû souligner qu’il ne s’agissait à ce stade que d’un «prêt» à Madagascar, pas d’une restitution en bonne et due forme. Mais la date de ce retour, en plein débat parlementaire, était «malheureuse», a-t-elle admis. Elle a aussi réfuté l’argument «simplement polémique» de «fait du prince», en rappelant que les demandes initiales de restitution émanaient des pays concernés.

Les restitutions d’œuvres font de longue date l’objet de débats passionnés et complexes dans le monde, mêlant arguments historiques, sentiments nationalistes, protection des œuvres, diplomatie culturelle, etc. La Grèce réclame ainsi en vain le retour des frises du Parthénon exposées au British Museum, et l’Égypte d’innombrables trésors pharaoniques qui font la réputation de bien des musées occidentaux. Quelque 240 objets africains du musée du Quai Branly, suspectés d’avoir été pillés, font aujourd’hui l’objet de recherches approfondies pour déterminer l’origine de leur acquisition, a indiqué M. Kerlogot lors des débats.

Des professionnels du marché privé de l’art se sont également émus de voir ces restitutions affecter ce secteur. Les débats se sont aussi envenimés autour de la volonté du Sénat d’introduire dans la loi la création d’un «conseil national de réflexion», qui serait chargé de se pencher sur de futures restitutions et ne pas les laisser au pouvoir régalien.

Un projet retoqué par le gouvernement et l’Assemblée, car jugé «redondant» avec les procédures d’examen qui entourent déjà toute restitution. Un tel conseil risquerait de rigidifier le concept de restitution plutôt que d’aider à trouver des solutions au cas par cas, selon ses adversaires.

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