La mise sur pied de la coalition Yewwi Askan Wi répond à une doctrine apparue, dès l’ouverture démocratique de 1981 et qui s’est accentuée à la veille de la première alternance de 2000, qui consiste à former de larges coalitions électorales.
Cette démarche unitaire découle d’un déséquilibre institutionnel accordant des pouvoirs exorbitants au président de la république, lui permettant de se tailler une Constitution sur mesure et de pervertir le processus électoral, au profit de sa chapelle politique.
En effet, dans un contexte de clientélisme et de corruption, duquel les acteurs politiques peinent à se dépêtrer depuis plus de 60 ans, le parti au pouvoir, disposant de l’appareil d’État et des finances publiques, part avec une longueur d’avance.
Ce fait indéniable est renforcé par la facilité dont dispose le Chef de l’État, leader du parti présidentiel, à promouvoir n’importe quel quidam docile et opportuniste aux fonctions de président de collectivité territoriale ou de député, à cause du mode de scrutin majoritaire à un tour (le fameux raw gaddu) en vigueur dans les élections locales et législatives.
Usant des prérogatives de Chef de Parti-État, le chef de l’Exécutif dispose d’un pouvoir de vie ou de mort (politiques) sur les politiciens de son camp et peut débaucher ses adversaires politiques (transhumance), d’autant plus facilement, qu’ils étaient membres de la majorité sortante et avaient déjà goûté aux fruits interdits de l’enrichissement illicite.
Il arrive cependant à cette machine bien huilée, qui a permis aux différents présidents, qui se sont succédé au pouvoir depuis 1960, de se maintenir indûment ou plus que de raison au pouvoir, d’être grippée, comme ce fut le cas en 2000 et en 2012.
Les patriotes et démocrates sincères de notre pays disposent maintenant de suffisamment de recul pour affirmer que nos deux alternances, fruits d’authentiques mouvements populaires, comportaient toujours une part de querelles crypto-personnelles au sommet du Parti-État.
Les divergences au sein de la classe politique ne reposaient, en réalité sur aucune base programmatique ou idéologique et les deux alternances ont fini par être instrumentalisées par les présidents élus pour leurs propres intérêts politiciens, voire claniques et familiaux.
C’est pour toutes ces raisons que le peuple sénégalais se doit d’être particulièrement vigilant, car notre pays, qui présente tous les symptômes d’une Nation en voie de déliquescence ne survivrait pas au dévoiement d’une troisième alternance.
Néanmoins, la mise sur pied de la coalition Yewwi Askan Wi constitue une étape importante pour tous ceux qui veulent en finir avec le régime honni de Macky Sall.
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, il était utopique de penser pouvoir regrouper sous un même drapeau la totalité des partis de l’Opposition, ayant des parcours, des idéologies et des motivations différentes.
En dehors du changement de paradigme introduit par la découverte de gisements importants de ressources minières (pétrole, gaz, zircon, fer …), certains partis se réclamant de l’Opposition militent plus ou moins ouvertement pour la restauration de processus dynastiques interrompus.
Pour en revenir à la Charte de la coalition, elle semble privilégier les questions électorales et démocratiques sur celles économiques et sociales. Elle constitue, certes, une plateforme minimale censée aider à l’approfondissement de la démocratie dans notre pays, mais elle gagnerait à être complétée par un programme plus précis, mettant le focus sur certains points.
Parce que cette coalition entend se maintenir jusqu’aux prochaines élections présidentielles, elle doit clairement se prononcer et ce, avant même les élections locales, sur ses intentions, concernant :
• Les ruptures qu’elle compte initier dans la gestion des collectivités territoriales qu’elle va remporter,
• La suppression de l’hyper-présidentialisme
• Les changements à initier au sein des pouvoirs législatifs et judiciaire,
• L’instauration de nouveaux modes de scrutin pour les élections législatives et locales,
• Les innovations à apporter à la gestion de nos nouvelles ressources minières,
• La problématique de la préférence nationale, de la souveraineté monétaire et la question de nos rapports avec l’ancienne puissance coloniale
• Les orientations futures de l’économie nationale et de nos rapports avec les institutions financières internationales
• Les réformes profondes dans les secteurs de l’Éducation, de la Santé et autres services sociaux de base….
En bref, il s’agit pour cette coalition, à laquelle nous accordons une présomption de bonne foi, de réactualiser les conclusions des Assises nationales et de se positionner, sans équivoque, sur les recommandations de la CNRI et notamment sur leur projet de constitution.
Ce que les deux premières alternances ont montré, c’est que l’alternative politique pour laquelle Yewwi Askan Wi entend œuvrer, ne sera possible, que si on crée les conditions d’une véritable implication des masses populaires dans le jeu politique.
Cela, seul, pourra attester de la volonté de Yewwi Askan Wi, de se « déchaîner » c’est à dire d’œuvrer pour un changement véritable et de faire trembler la maffia politico-affairiste dénommée Benno Bokh Yakaar, qui a confisqué les espoirs populaires.
NIOXOR TINE
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