Afrique de l'OuestMali

Pyromane, la CEDEAO joue au pompier !

Violation des textes qui ne prévoient pas de fermeture de frontières dans le Traité de la CEDEAO ; mesures disproportionnées par rapport aux motifs invoqués, voire criminelles contre un pan du peuple CEDEAO…

Dans tous les Etats-membres de la CEDEAO, les mots durs ne manquent pas pour fustiger les sanctions décidées par les chefs d’Etat de cette organisation régionale contre le Mali.

Un peu partout dans les Etats-membres de l’Afrique de l’Ouest, les critiques fusent, aussi acerbes les unes que les autres, pour fustiger le comportement des chefs d’Etat de la CEDEAO face au Mali. En dehors des milieux politiques, la société civile s’y met pour dénoncer des « mesures injustes à l’encontre du Mali ».

La lézarde qui existait entre les dirigeants des Etats et leurs populations, concernant la vision et le fonctionnement de la CEDEAO, est devenue désormais un fossé dans lequel, forcément, l’un devra enterrer l’autre. A coup sûr, les populations ne seront pas perdantes dans le bras de fer qui se dessine entre gouvernants et gouvernés de l’espace CEDEAO où on est de plus en plus convaincu que les chefs d’Etat et de gouvernement roulent plus pour la défense des intérêts français qu’ils ne se soucient des préoccupations de leurs peuples. CEDEAO.

Ce sentiment, diffus il y a quelques années, est maintenant largement partagé par les citoyens de l’espace communautaire qui ne se retrouvent désormais plus dans cette CEDEAO des chefs d’Etat, laquelle prétend parler et agir en leur nom. Ce sentiment qui s’affirme de jour en jour est le terreau fertile d’une culture de rejet de l’organisation régionale perçue non pas comme un outil d’intégration économique mais comme un instrument d’asservissement.

En ce qui concerne le Mali, dès les premiers jours du coup d’Etat ayant déposé le régime du président Ibrahim Boubacar Keïta, en août 2020, Alassane Dramane Ouattara (ADO) s’est singularisé comme le chef de file d’une aile dure voulant à tout prix « punir le Mali ».

En effet, pendant que des chefs d’Etat comme le président Macky Sall affichaient une réticence quant à l’application d’un embargo pour isoler le Mali, de façon unilatérale et autoritaire, le ministre de l’Economie et des Finances de la Côte d’Ivoire écrivait à la Bceao pour la fermeture de ses guichets au Mali.

Dès le départ, ADO n’a eu qu’un seul objectif : asphyxier le Mali au plan financier. Raison pour laquelle, outre la CEDEAO, il a embarqué l’UEMOA dans sa croisade contre un pays dont le seul tort est d’affirmer sa souveraineté dans la gestion des grands dossiers nationaux dont notamment la question sécuritaire.

Cette attitude de Ouattara et Cie est d’autant plus paradoxale que, à côté du Mali, la Guinée est cajolée, malgré l’outrecuidance du colonel Mamady Gassama qui méprise la CEDEAO. Tout le contraire du colonel Assimi Goïta du Mali resté très ouvert à la concertation, demandant à la Communauté internationale — et principalement à la CEDEAO — de l’accompagner pour la réussite de la Transition.

Tout le monde s’étonne de cette politique de deux poids deux mesures et certains ont pensé que la junte guinéenne est actuellement caressée dans le sens du poil parce qu’elle a encore la mainmise sur le président de la République renversé, le Professeur Alpha Condé.

Le syndicat des chefs d’Etat de la CEDEAO n’ayant de souci principal que la défense des intérêts d’un de ses membres, ne se préoccupe d’abord que du sort du chef de l’Etat guinéen déchu, Alpha Condé. Pour les tenants de cette thèse, les colonels de Bamako auraient dû bénéficier du même traitement s’ils avaient encore sous la main l’ancien président de la République du Mali, le président Ibrahim Boubacar Keïta, pour servir de monnaie d’échange avec la CEDEAO.

Le Sénégal et le cas d’Amadou Toumani Touré (Att)
Une thèse vraisemblable dans la mesure où, suite au coup d’Etat de 2012 au Mali, feu le président Amadou Toumani Touré (ATT) s’était réfugié à la résidence de l’ambassadeur du Sénégal au Mali. Avaient suivi des négociations intenses pour obtenir sa sortie du territoire malien où il était traqué comme du gibier.

La CEDEAO avait même dû accepter la violation de la Constitution malienne en signant avec la junte du capitaine Amadou Haya Sanogo (devenu par la suite général) un accord-cadre garantissant l’amnistie aux putschistes. Une disposition en porte-à-faux avec la Constitution malienne qui précise que « le coup d’Etat est un crime imprescriptible ». Mais dès que le président ATT eut quitté le Mali pour un exil au Sénégal, les négociateurs de la CEDEAO ont donné l’impression d’avoir bouffé du lion.

Ils ont exercé une forte pression sur le gouvernement de Transition pour organiser des élections, même bâclées, au mépris de la situation sécuritaire qui avait pourtant provoqué la chute de feu le général ATT. « Celui qui a été mordu par un serpent aura peur d’une simple corde », dit-on. Ou, si l’on préfère, chat échaudé craint l’eau froide.

Les Autorités de la transition actuellement en cours à Bamako refusent de tomber dans les mêmes travers ayant conduit leur pays vers le chaos. En effet, les chefs d’Etat de la CEDEAO doivent assumer leurs propres fautes et reconnaître que « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

Lorsqu’on forçait le Mali à écourter sa transition en 2013 pour organiser des élections, l’administration était absente d’au moins la moitié du territoire et une région comme Kidal était entièrement sous le contrôle de la rébellion touarègue, avec la bénédiction de la France.

Selon la Constitution malienne, on ne pouvait organiser des élections dans ces conditions, notamment en cas de menace sur l’intégrité territoriale, a fortiori si une partie importante échappait au contrôle de l’Etat. L’on comprend alors la demande de la junte du colonel Assimi Goïta d’obtenir un peu plus de temps pour régler la question sécuritaire avant de penser à l’organisation d’élections qui garantiraient la libre expression du suffrage.

Il ne sert à rien d’organiser des élections qui seront une source de contestation et même, éventuellement, de déstabilisation du pays, comme ce fut le cas avec la réélection trop controversée du président IBK. Le contentieux électoral de la présidentielle aggravé par les protestations violentes qui ont suivi les législatives ont eu raison de son régime. Le groupe des cinq colonels auteurs du coup d’Etat du mois d’août 2020 n’a fait que ramasser un pouvoir qui était déjà dans la rue.

Par la même occasion, ce coup d’Etat, très salué au Mali, a mis fin à une tension sociale interne qui pouvait aboutir à une guerre civile dont le centre du Mali donnait déjà un avant-goût avec les affrontements interethniques entre Peuls contre Dogons, musulmans djihadistes contre chasseurs Dozos, etc..

La Junte soutenue par le peuple
Qu’est-ce que la CEDEAO a fait pour appuyer le Mali dans la résolution de cette crise multiforme ? Rien du tout. Elle est considérée par les populations comme complice de l’aggravation de la situation au Mali, pour avoir validé les résultats controversés des élections pour la réélection d’IBK en 2018. En effet, il y a eu du bourrage d’urnes dans les localités abandonnées par les populations réfugiées dans des pays voisins et aussi dans des coins du nord du pays contrôlés par l’ex-rébellion touarègue.

Des vidéos ont circulé, montrant un maire d’une commune du nord du pays et son adjoint en train de voter pour tous les électeurs inscrits de leur commune dont la plupart se trouvaient dans des camps de réfugiés au Burkina Faso, en Mauritanie et au Niger. C’est comme si, en une journée, tous les réfugiés avaient rallié leurs localités d’origine pour voter en faveur du président IBK avant de repartir le même jour dans leurs camps de réfugiés situés dans les pays voisins.

Les autorités de l’ancien régime se sont servies de l’insécurité pour faire alliance avec des chefs de guerre et truquer les élections. L’argent du contribuable a servi à la corruption électorale pour faire croire à la tenue d’élections dans les zones hors contrôle de l’Etat du Mali. Et pourtant, la CEDEAO a validé ces élections, ses observateurs soutenant sans sourciller que « ces irrégularités ne sont pas de nature à entacher la sincérité du scrutin ». Quelle honte ! Alors que, mises à part ces localités où il n’y a pas eu en réalité de votes, feu Soumaïla Cissé passait largement devant IBK avec plus de 53 % des voix.

Et cette même CEDEAO, rappelons-le, n’a pas empêché la manipulation de la Constitution en vue d’un troisième mandat, comme l’ont fait Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire et Alpha Condé en Guinée ! Et vous voulez que les Maliens fassent confiance à cette CEDEAO-là ?

Des raisons suffisantes pour les autorités de la Transition au Mali de ne pas accepter le diktat de « la bande de chefs d’Etat de la CEDEAO », comme on les appelle dans les rues de Bamako, même si cinq ans de Transition c’est quand même trop parce que cela équivaut finalement à un mandat d’un chef d’Etat élu démocratiquement.

Des voix se sont quand même élevées au Mali pour dire que le dossier du pays a été mal défendu devant la CEDEAO parce que s’il l’était vraiment les chefs d’Etat auraient compris que la situation est exceptionnelle compte tenu de la question sécuritaire et à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Mais là n’est pas le problème parce qu’il n’y a pire sourd que celui qui ne veut rien entendre et pire aveugle que celui qui refuse de voir.

L’hostilité et l’acharnement dont ont fait montre les chefs d’Etat de la CEDEAO a poussé la junte malienne à se radicaliser et se replier sur sa souveraineté, pour ainsi prendre des décisions qui semblent actuellement les meilleures afin de sortir le Mali du gouffre dans lequel il se trouve. L’essentiel, pour Assimi Goïta et consorts, c’est le soutien des Maliens et, de ce point de vue, il y a de quoi se rassurer quant à la mobilisation populaire autour de la junte.

Mohamed Ousmane Keita

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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