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Pourquoi les SUV Peugeot sont la cible préférée des voleurs de voitures en Ile de France ?

Les 3008 et 5008 sont très à la mode chez les malfaiteurs. Le constat est fait par les policiers, les assureurs et même le constructeur. Souvent, les véhicules sont acheminés, via des réseaux structurés, jusqu’en Afrique.

Les SUV de la marque au lion font fureur chez les voleurs. Depuis un an, les 3008 et 5008 disparaissent des rues de la région parisienne avant de voguer vers l’Afrique, d’être maquillées et revendues en France ou d’être découpées en pièces détachées très prisées en Europe de l’Est. Policiers, assureurs et même le constructeur confirment l’intérêt particulier que les malfaiteurs portent à ces modèles.

En 2020, la police et la gendarmerie ont démantelé plusieurs réseaux dans les Yvelines, dans le Val-d’Oise, en Seine-et-Marne, dans le Val-de-Marne et à Paris qui étaient parvenus à s’emparer de vingt à cinquante voitures en plusieurs mois d’activité.

« Le 3008 plaît bien car c’est une voiture française que les malfrats savent voler », révèle la direction d’Argos, qui regroupe les assureurs. Les malfaiteurs disposent des outils électroniques pour les démarrer. Ils possèdent aussi des plaques et du matériel pour les maquiller.

Depuis un an, les plaintes pour vol des propriétaires de 3008 et 5008 s’entassent dans les commissariats et les gendarmeries d’Ile-de-France. Selon le spécialiste Argos, la tendance est indéniable, mais ne peut être chiffrée précisément pour ces modèles. Ainsi en 2019, la région parisienne arrive en tête de peloton pour le nombre de voitures volées. A Paris, 6292 voitures, sans distinction de modèle, ont été dérobées. La Seine-Saint-Denis se hisse à la deuxième marche du podium avec 5010. A la troisième place, on trouve les Hauts-de-Seine avec 4571.

Les témoignages de victimes s’accumulent. Parmi eux, cet habitant des Yvelines qui se souvient : « C’était pendant le premier confinement. J’avais garé mon 3008 dans l’allée devant la maison. Le matin, il avait disparu. » Il finira par recevoir un mail de la police belge l’informant que son véhicule avait été retrouvé sur le port d’Anvers. « Les plaques d’immatriculation avaient été changées mais c’était bien mon 3008 », souligne-t-il.

Brouilleur d’ondes, boîtier électronique de démarrage…
La technique employée par les voleurs est déconcertante de simplicité. Après un repérage, sous la protection d’un brouilleur d’ondes qui déjoue le système de géolocalisation embarqué, ils forcent la portière et branchent un boîtier électronique de démarrage, puis s’emparent du véhicule. Les voitures volées sont maquillées et stockées sur des parkings avant d’être exfiltrées vers l’Afrique de l’Ouest où ces modèles sont très appréciés.

Comme le prouve une longue enquête de la sûreté départementale des Yvelines qui débute à Sartrouville. Le 22 mai dernier, les forces de l’ordre découvrent deux Peugeot 3008 au cœur de la cité des Indes. Ces deux véhicules ont été volés à Noisy-le-Roi et à Bailly quelques jours plus tôt. Les policiers installent une balise sur les voitures pour surveiller leurs déplacements. Cinq jours plus tard, les deux 3008 se déplacent sur l’autoroute A1 en direction du nord de la France. Les enquêteurs repèrent notamment un camion suspect bloqué au péage de Tournai en Belgique. Le bordereau de livraison mentionne un Gambien de 28 ans comme donneur d’ordre. Les SUV partaient vers son pays d’origine via le port d’Anvers.

Au total, les enquêteurs estiment que treize voitures ont été ainsi dérobées et exportées illégalement vers la Gambie. Au mois d’octobre, cinq hommes, âgés de 27 à 37 ans, ont été arrêtés à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), ainsi qu’à Calais et à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), avant d’être mis en examen à Versailles.

A la même époque, les gendarmes de la brigade de recherches de Palaiseau (Essonne) remontent jusqu’aux voleurs de 3008 qui ont sévi sur leur secteur. En six semaines à force de filatures, de surveillances et de balisage, leur enquête les mène jusqu’au port du Havre (Seine-Maritime) où ils parviennent à bloquer deux containers en partance pour l’Afrique du Nord. A l’intérieur, ils trouvent douze 3008. Neuf personnes sont interpellées, toutes originaires du Val-de-Marne, et mises en examen pour les vols de cinquante voitures en bande organisée et association de malfaiteurs. Six d’entre eux ont été placés en détention provisoire et l’enquête se poursuit avec une étude des flux financiers pour déterminer qui sont les commanditaires.

Une clientèle internationale
Autre affaire et même scénario, en septembre, quatre hommes, âgés de 19 ans à 25 ans, ont été mis en examen au palais de justice de Paris pour « vol en bande organisée ». Originaires de Paris, d’Ezanville (Val-d’Oise) et de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), ils auraient, depuis janvier dernier, dérobé vingt de ces véhicules dans des parkings souterrains de Paris qu’ils exportaient vers l’Afrique.

Ces réseaux qui tablent sur une clientèle internationale se disputent le marché avec de nombreux petits voleurs qui travaillent au coup par coup. Ce sont des jeunes de cité qui « volent les voitures, les maquillent grossièrement avant de les revendre dans les 24 heures sur Leboncoin.fr à un prix bien en dessous de la cote », explique un enquêteur. Ils sont parfois en cheville avec des garagistes peu scrupuleux qui disposent des compétences techniques. « Pour maquiller une voiture correctement et la revendre sans être démasqué, il faut se procurer des papiers et être capable de réinitialiser les calculateurs informatiques », détaille le représentant d’Argos.

Un sujet pris très au sérieux par la marque au lion
Mais votre 3008/5008 volée peut aussi atterrir chez les champions de la vente à la découpe. Une spécialité par exemple de gens du voyage à Vernouillet (Yvelines) qui sont aussi des mécaniciens hors pair. En juin dernier, quatre hommes, âgés de 25 à 50 ans, ont été mis en examen à Versailles pour association de malfaiteurs et vols en bande organisée.

Ils sont soupçonnés d’avoir dérobé plus de cinquante Peugeot 3008 et 5008, avant de les écouler à l’étranger en pièces détachées. Les voitures volées dans la nuit étaient méthodiquement désossées et dissimulées sous des bâches. Les pièces détachées étaient acheminées à bord de fourgons vers la Pologne. Enfin, les épaves étaient transportées en camion vers une casse auto de Bagneux (Hauts-de-Seine) pour y être détruites.

Pour la marque au lion, la sécurité est « un sujet qu’elle prend très au sérieux ». « Nous disposons d’une équipe qui travaille en étroite collaboration avec la police pour contrer les techniques de vol, indique le groupe PSA. La cybercriminalité évolue sans cesse et nous travaillons sur le développement de nouveaux procédés de sécurité électronique. » Pour un policier d’expérience, « il est encore plus facile de voler une voiture qu’autrefois. Avant, il fallait casser le Neiman, brancher les fils… remarque-t-il. Aujourd’hui, un boîtier électronique suffit. »

Il y a des vols en région parisienne parce qu’il y a un marché. Ce sont des modèles qui ont le vent en poupe, après les Range Rover et les BMW, il y a des tendances sur le marché de l’automobile que suivent aussi les malfaiteurs. Les affaires passées démontrent que ces Peugeot sont ciblées par des réseaux qui appartiennent à la diaspora étrangère. En Afrique de l’Ouest, par exemple, ces voitures se négocient entre 4000 et 10000 euros l’unité. C’est du commerce, la loi de l’offre et de la demande. Ces SUV Peugeot sont appréciés parce que ce sont des voitures hautes de caisse, équipées de moteurs puissants qui tiennent la route. Les automobilistes de ces pays en ont besoin pour circuler sur des routes difficiles où le goudron est rare.

Le trafic de voitures est-il un marché parallèle dans les quartiers sensibles d’Ile-de-France ?
C’est une extension de l’économie souterraine. Il y a des opportunités dans les quartiers : la drogue, le tabac, les voitures, les pièces autos, les téléphones mobiles… C’est un marché parallèle composé de consommateurs, prêts à acheter moins cher et des voleurs qui font une marge importante. Les 3008 et 5008 sont volées sur commande depuis l’étranger. Quand l’argent est envoyé, les voleurs passent à l’action.

Il y a toujours un organisateur en France qui est en relation avec les acheteurs dans son pays d’origine. Cette tête de réseau sous-traite les vols à des jeunes de cité. Les voleurs gagnent entre 50 ou 100 euros par automobile dérobée. Ils volent la voiture, changent les plaques et la déplace de parking en parking, en attendant de la faire partir. Les voitures volées sont ensuite exportées vers le continent africain via les ports du Havre (Seine-Maritime) ou d’Anvers (Belgique).

Quels sont vos moyens d’action contre ces vols ?
Les brigades anti-criminalité surveillent leur secteur à l’affût des voitures volées ou des voleurs en action. Les contrôles routiers sont aussi efficaces. Cela passe aussi par une action judiciaire ciblée. D’une part, la police démantèle les réseaux et les filières en surveillant leurs activités. Et d’autre part, les garages sont aussi contrôlés, lors de comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf), menés avec Argos GIE (groupement des assurances) et les mallettes Gendiag. Ce sont des ordinateurs qui permettent de savoir si une voiture recèle des pièces qui ne sont pas d’origine.

Julien Constant et Denis Courtine (avec Nicolas Goinard)

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