Société

Pétrole et gaz au Sénégal: Une manne, mille attentes

Pays en voie de développement avec un Produit intérieur brut minimal estimé à 3 909,9 milliards de FCFA au troisième trimestre de 2022, une agriculture en panne de perspectives et un secteur industriel mal en point, le Sénégal espère se tirer d’affaires avec l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz dans le champ de Sangomar (Sud Dakar) et Grand Tortue Ahmeyim (Gta) sur la frontière Sénégalo-Mauritanienne.

Les retombées financières sont estimées à 20 000 milliards de francs Cfa sur 30 ans, soit en moyenne 700 milliards par an. Retour sur les défis, enjeux et fortes attentes des autorités comme des populations sur une manne gazière et pétrolière de l’ordre de 100 000 à 120 000 barils par jour pour le champ Sangomar, et d’environ 2,3 millions de tonnes de Gaz naturel liquéfié (Gnl) par jour pour Grand Tortue Ahmeyim (Gta).

Des réserves qui pourraient permettre au pays d’engranger d’importantes ressources financières en plus des impôts, taxes et autres redevances mais qui, à contrario, seraient objet de réelle fixation pour la présidentielle de 2024 et la magistrature suprême.

Au Sénégal, entre 2014 et 2016, d’importantes quantités de pétrole et de gaz ont été découvertes. Cependant, les grandes sociétés pétrolières et gazières n’avaient pas fini de livrer tout le secret du potentiel de ces ressources naturelles qui, si elles sont bien gérées, pourraient impulser un progrès décisif du pays. Une nouvelle donne qui pourrait sans doute marquer un tournant décisif dans l’histoire politique et économique du Sénégal.

En effet, ces découvertes qualifiées de classe mondiale interviennent au moment où le Sénégal amorce une nouvelle phase pour l’émergence, à l’horizon 2035, à travers le Plan Sénégal Émergent (Pse). Les résultats prometteurs escomptés de l’exploitation des ressources gazières et pétrolières suscitent de grands espoirs et alimentent des débats de plus en plus passionnés

Situé à 100 km au large des côtes Sénégalaises, le gisement offshore de Sangomar profond, anciennement connu sous le nom SNE a été découvert en 2014. Ses réserves, selon les dernières réévaluations, sont estimées à 2,5 milliards de barils de pétrole brut et la production évaluée entre 100 000 et 120 000 barils par jour. S’agissant du gisement Grand Tortue Ahmeyim (Gta), à la lisière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie, découverte en 2015, il est estimé à environ 2, 5 millions de tonnes de Gaz naturel liquéfié (Gnl) par jour.

Sa capacité de production est estimée à plus de 10 millions de tonnes par an, à compter de 2026, avec les phases 2 et 3. Dans le document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (Dpbep/2023-2025), le Sénégal devrait engranger quelques 888 milliards de francs CFA de recettes (environ 1,4 milliard d’euros), dont 51 milliards pour le compte des deux derniers mois de début d’exploitation de l’année 2023, selon certaines prévisions, puis 327 milliards FCFA en 2024 et enfin 501 milliards FCFA en 2025. A préciser que ces recettes sont basées sur des hypothèses de cours du baril de pétrole et du mètre cube de gaz qui peuvent évoluer à la hausse ou à la baisse d’ici 2025.

En ce concerne le pétrole, le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (Dpbep) du ministère des Finances et du budget les économistes table sur un cours du baril à 90 dollars et un cours du mètre cube de Gaz naturel liquéfié (Gnl) à 10% du cours du Brent. Mais, si la tendance haussière se maintient ou alors prend l’échelle, le Sénégal pourrait avantageusement tirer un meilleur profit de ses découvertes pétrolière et gazière.

S’agissant du champ Gta appartenant au Sénégal et la Mauritanie, l’exploitant à savoir British Petroleum (BP) s’est déjà engagé à acheter la moitié de la production. Et dans ce co-projet, le Sénégal et la Mauritanie partagent la production.

Avec les réalisations des phases II et III du projet, la production de gaz devrait atteindre 10 millions de mètres cubes avec l’entrée en production d’une dizaine de puits. « Les ressources probables récupérables sont estimées entre 15 et 20 Trillion cubic feet (Tcf), soit entre 420 et 560 milliards de mètres cubes de gaz naturel », chiffre le Dpbep.

Mais si d’ici la fin de la phase 1, des outils technologiques de pointe venaient à être élaborés, alors le Sénégal gagnerait davantage en extrayant le maximum d’hydrocarbures. D’où le grand intérêt pour ces ressources qui renseignent sur les enjeux, mais aussi et surtout sur les grands défis tels que la bonne gouvernance, la transparence, la gestion environnementale et sécuritaire.

Contenu local dans le secteur des hydrocarbures : l’État de concert avec les compagnies pétrolières, le privé national et la société civile
Le jeudi 15 décembre 2022 à Dakar, s’est tenue sur initiative du Secrétariat technique du Comité national de suivi du contenu local, une journée du contenu local dans le secteur des hydrocarbures. Cette rencontre d’échanges et partage réunissait tous les acteurs du secteur du pétrole et du gaz (Etat, compagnies pétrolières, secteur privé national, société civile etc.).

Objectif : revisiter les voies et moyens offerts par le cadre juridique et réglementaire permettant aux entreprises sénégalaises de bénéficier des opportunités d’investissement et de croissance dans le secteur du pétrole et du gaz. Le Secrétaire général du ministère du Pétrole et des énergies Cheikh Niane, avait mis en évidence le dispositif d’accompagnement de l’Etat en faveur des entreprises sénégalaises pour lever les contraintes de conformité, de gouvernance auxquelles elles sont souvent confrontées lorsqu’elles doivent intervenir dans le secteur du pétrole et du gaz.

M. Niane indiquait que le Gouvernement a mis en place tout un dispositif pour permettre aux entreprises sénégalaises de se mettre aux normes et standard du secteur et de renforcer leurs capacités pour « faire face à la forte concurrence dans les activités pétrolières et gazières en vue d’atteindre l’objectif de 50% de Contenu local à l’horizon 2030 fixé par l’Etat du Sénégal ».

Toutefois, il avait tenu à rappeler que l’industrie pétrolière est connue pour « son élitisme puisque requérant une technicité pointue qui appelle d’importants moyens financiers en guise d’investissement » a-t-il rappelé.

Bonne gouvernance du secteur pétrolier et gazier : Codes et instruments juridiques sur piste
Avec ses deux importants projets pétroliers et gaziers (Sangomar) et Grand tortue ahmeyim (Gta) en cours de développement pour une mise en production en 2023 et un troisième (Yakaar Teranga) proche d’une décision finale d’investissement, le Sénégal a adopté le 24 janvier 2019, le projet de loi portant code pétrolier, abrogeant et remplaçant la loi N°98-05 du 08 janvier 1998. Il a également adopté à la même date la loi sur le contenu local dans le secteur des hydrocarbures.

Ce nouveau code s’inscrit dans un contexte de réformes du cadre juridique des activités pétrolières au Sénégal avec des règlementations attendues notamment sur la gestion des revenus pétroliers. Pour le gaz, l’Assemblée nationale a adopté le 27 janvier 2020 la Loi n° 2020-06 portant Code gazier. Ce nouveau code beaucoup plus élaboré dans son objet et son champ d’application, fixe la réglementation relative à la valorisation des ressources gazières, dans le respect des normes de qualité, de sécurité, de préservation et de protection de l’environnement, le tout dans une perspective de développement durable.

Au registre du champ d’application, le Conseil des ministres du 29 décembre 2021 a adopté le projet de loi relatif à la répartition et à l’encadrement de la gestion des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz. Lequel projet de loi définit les modalités de gestion et de répartition des recettes issues de l’exploitation des hydrocarbures entre le budget national, un Fonds de stabilisation, et un Fonds intergénérationnel.

Concertation nationale sur la gestion des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz : le souci du consensus national
Dans un souci d’une bonne gouvernance des ressources pétrolières et gazières, le chef de l’Etat Macky Sall a présidé, à Diamniadio 2022 une concertation nationale sur la gestion des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz. Etaient présents à cette journée des acteurs politiques, des religieux, des coutumiers, la société civile, le secteur privé. Lors de cette rencontre de réflexions, le chef de l’Etat a indiqué que cette concertation s’inscrivait dans son ambition de garantir une gestion prudente, inclusive et durable de nos ressources pétrolières et gazières…

L’objectif était de construire un consensus autour de la gestion des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz, de promouvoir la transparence et de partager toutes les informations sur le secteur pétrolier et gazier du Sénégal. Ainsi, de l’avis du président Macky Sall, cette journée de concertation marquerait une étape importante dans le processus d’exploitation des hydrocarbures du Sénégal.

A dite vrai, la découverte des hydrocarbures a fini par profondément restructurer le débat économique et politique au Sénégal. Et cela d’autant que les secteurs pétroliers et gaziers devraient porter la croissance à deux chiffres sur 20 ans. Si tout va dans le bon sens, le Sénégal pourrait même, selon des analystes, devenir dans les 10 ans un pays émergent.

Les énormes retombées attendues seraient même devenues, disent certains esprits, un enjeu de cristallisation autour de la présidentielle de 2024 et de la magistrature suprême. Reste maintenant à souhaiter que les diverses concertations menées au plan national puissent nous éviter le «syndrome hollandais» et la pseudo-malédiction du pétrole.

Jean Pierre MALOU

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

Articles Similaires

1 sur 211

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *