Sur l’avenue Foch (XVIe arrondissement), au numéro 42, se dresse un bel hôtel particulier qui a des allures d’ambassade classique. Avec une plaque sur la façade et le drapeau de la Guinée équatoriale flottant au vent.
Dans ce quartier huppé, à deux pas de l’Arc de Triomphe, c’est courant. Sauf que cette adresse n’est pas une adresse comme une autre. Ce bâtiment cossu est ce qu’on appelle un « bien mal acquis », c’est-à-dire acheté grâce à un détournement de fonds publics en Guinée équatoriale, un petit pays d’Afrique centrale.
À ce titre, il est confisqué depuis de nombreuses années par la justice française dans le cadre d’une vaste enquête sur ces fameux biens mal acquis. Mais cette décision de justice n’a jamais été appliquée et aujourd’hui, près de douze ans après la saisie de l’immeuble, il est toujours occupé et considéré donc comme squatté.
Teodorin Obiang, vice-président de Guinée équatoriale, a été condamné à trois ans de prison avec sursis et à la somme de 30 millions d’euros d’amende dans cette affaire après avoir épuisé toutes les voies de recours devant la justice française.
La Guinée équatoriale avait par la suite adressée à la cour d’appel de Paris une requête en restitution de cet immeuble cossu finalement jugée irrecevable. « Ce genre de procédure est extrêmement longue puisque tout est contesté en défense, note un spécialiste. Les avocats soulèvent des questions prioritaires de constitutionnalité et vont même pour certains jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme ».
Si ce bâtiment colle aux mains de l’État français, ce n’est pas le cas de ce qui avait été retrouvé à l’intérieur par les enquêteurs lors d’une spectaculaire perquisition. Un enquêteur qui était présent début 2013 avenue Foch se remémore : « C’était la démesure, il vivait dans un luxe total. »
«On a fait un trou dans la façade »
Exemple avec une immense table, impossible à sortir par les portes ou par les fenêtres. Comment a-t-elle été installée là, se sont demandé les enquêteurs ? « On a fait un trou dans la façade et on a reconstruit après », a-t-on répondu aux policiers français en charge de l’enquête… Ils trouveront là de très nombreux costumes de griffes italiennes, Teodorin Obiang affirmant ne jamais mettre deux fois le même.
Par exemple, les enquêteurs ont retrouvé des dizaines de Dolce & Gabbana, d’une valeur de 70 000 €, des bouteilles de vin romanée-conti de 250 000 € ou encore des montres Cartier pour 710 000 €… Ils se retrouveront avec plus de 1 000 scellés !
Un train de vie fastueux que Teodorin Obiang a pu s’assurer « en obtenant des paiements de sociétés privées en contrepartie de l’obtention d’autorisations administratives, en détournant des fonds publics en provenance du Trésor public de Guinée équatoriale (110 millions d’euros de 2004 à 2011) et en utilisant à des fins personnelles des fonds appartenant à plusieurs sociétés équato-guinéennes », selon ce qu’avaient écrit les magistrats dans leur ordonnance de renvoi.
Le « butin » a depuis été revendu aux enchères. Comme des voitures de luxe — saisies en 2011 — proposées aux acheteurs dès 2013. Vente qui avait rapporté près de 3 millions d’euros. Il y avait, en vrac, une Maserati MC12 blanc nacré avec des touches de bleu, 50 exemplaires en France, valeur 750 000 € ; une Bugatti Veyron cabriolet, adaptée à sa taille, prix commercial de 1,7 million d’euros. Il avait la même Bugatti Veyron en version berline…
La dernière vente en date remonte à janvier 2023 à Drouot où ce sont 158 lots, principalement des meubles, qui ont été inscrits au catalogue. Comme ces deux cabinets, époque Louis XVI, valeur 800 000 €. Deux Ferrari, une McLaren et une Porsche ont été vendues dans la foulée à Annonay, chez Ardèche Enchères.
21 propriétés pour Ali Bongo
L’autre figure des biens mal acquis à Paris, bien connue de l’OCRGDF (Office central de lutte contre la grande délinquance financière), est l’ancien président du Gabon, Ali Bongo.
L’héritier d’Omar Bongo aurait 21 propriétés dans Paris dans les XVIe, VIIIe ou encore VIIe arrondissements.
Plusieurs de ces biens sont voisins de l’hôtel particulier de Teodorin Obiang sur l’avenue Foch. Ces biens d’exception sont estimés à plus de 85 millions d’euros. Et c’est une fourchette basse.
Autre dirigeant africain visé par une enquête sur les biens mal acquis, le président du Tchad, Mahamat Idriss Déby Itno.
Selon l’AFP, une enquête préliminaire a été ouverte par le Parquet national financier (PNF) en janvier pour détournement de fonds publics et recel « concernant les dépenses vestimentaires de la présidence de la République du Tchad ».
Nicolas Goinard avec Le Parisien
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