France

Marine Le Pen, l’héritière qui a banalisé l’extrême droite

Marine Le Pen est parvenue dimanche pour la deuxième fois au second tour de l’élection présidentielle face à Emmanuel Macron, fruit d’une « dédiabolisation » de son image – mais pas de son programme – menée pas à pas depuis 10 ans.

Héritière ambitieuse au tempérament orageux, la benjamine des trois filles de Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national depuis rebaptisé Rassemblement national, était déjà parvenue en 2017 – comme son père 15 ans plus tôt – au second tour de la présidentielle.

Après un débat raté, l’opposante de 53 ans, désormais députée du Pas-de-Calais (nord), avait repris espoir après la victoire du RN aux européennes en 2019.

Mais un semi-échec aux municipales de 2020 et le net recul de son parti aux régionales en 2021 avaient suscité le doute, même si elle a été adoubée candidate pour 2022 à son congrès en juillet.

La candidature radicale d’Eric Zemmour à l’automne l’a faite trembler mais l’a aussi fait apparaître, par contraste, comme recentrée, tandis qu’elle a « lissé » son image, laissant tomber toute agressivité, privilégiant le pouvoir d’achat, ce qui fait passer au second plan ses propositions, pourtant inchangées, contre l’immigration et l’islamisme.

Comme sa soeur Yann, son destin s’est d’abord inscrit dans le giron du « diable de la République ». « Quoi qu’il arrive, tu es mon père », avait-elle dit à Jean-Marie Le Pen après une violente brouille en 2005.

Ascension
Avocate de formation, Marine Le Pen a porté les couleurs du Front national pour la première fois aux législatives en 1993. Avec le soutien de son père, elle a pris la présidence du parti début 2011, écartant progressivement les vieux barons.

Deux fois divorcée, mère de trois enfants, séparée d’une des figures du mouvement, Louis Aliot, Marine Le Pen insiste alors sur l’économie, parent pauvre du discours du RN: forte dose de protectionnisme et sortie de l’euro, avant d’y renoncer après la présidentielle de 2017, pour séduire les « perdants » de la mondialisation.

Des thèmes gagnants: à toutes les élections intermédiaires d’avant 2017, le RN progresse.

Elle « dédiabolise » le parti de son image antisémite et raciste, jusqu’à en exclure en août 2015 son père, dont elle a toléré pendant des années les propos, pour certains condamnés en justice. « J’ai adulé cet homme », confie-t-elle. « Je me suis beaucoup battue pour lui mais à un moment donné, cela devait s’arrêter ».

Ses relations avec son père se sont depuis apaisées jusqu’à ce qu’elle obtienne son soutien pour 2022.

Marine Le Pen engage ensuite la « normalisation »: elle renonce à sortir de l’euro, change le nom du parti pour « rassembler » et surtout lisse son image, tout sourire entourée de ses chats. Mais ces revirements lui valent d’être accusée de « banaliser » le parti.

Les Français « ne croient plus au loup-garou », assure-t-elle.

« France tranquille »
Ces dernières années, elle a brouillé les lignes, se proclamant « meilleur bouclier » des Français juifs, rendant hommage à Charles de Gaulle que l’extrême droite haïssait, arborant République et laïcité en étendard contre « le fondamentalisme islamiste » mais jugeant l’islam « compatible avec la République ».

Elle défend désormais la « France tranquille » face au président du « chaos », et appelle droite et gauche à la rejoindre dans « un gouvernement d’union nationale ».

Elle n’a pourtant pas renoncé à combattre l’immigration, en proposant d’inscrire dans la Constitution la « priorité nationale » et la primauté du droit français sur le droit international, ainsi que l’islamisme, en interdisant le port du voile.

Face à Eric Zemmour et à la guerre en Ukraine, qui a généré une hausse des prix, elle s’est concentrée sur le pouvoir d’achat, promettant de rendre entre 150 à 200 euros par mois à chaque ménage.

Elle reste poursuivie par les affaires politico-judiciaires, inculpée pour « détournements de fonds publics » dans une enquête sur des emplois fictifs du RN au Parlement européen, et des proches ont été condamnés pour escroquerie lors des campagnes en 2012.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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