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Manifestations, répression au Sénégal et silence à Paris

Au Sénégal, les forces de répression ont tué quinze manifestants et arrêté 500 personnes lors des manifestations qui ont suivi la condamnation à deux ans de prison d’Ousmane Sonko, le principal rival de l’actuel président, Macky Sall.

Ousmane Sonko jouit d’une grande popularité, en particulier dans la jeunesse. Alors qu’il était un haut fonctionnaire de l’Inspection générale des impôts, il avait en 2016 dénoncé les malversations financières du chef de l’État et de son frère, ce qui lui valut d’être radié. Il entama alors une carrière politique, fut élu député en 2017 et arriva troisième à l’élection présidentielle de 2019, avec 15 % des voix.

Son parti, le Pastef-les patriotes (Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) dénonce, outre le règne de la corruption, le pillage de l’économie sénégalaise par l’impérialisme français.

Macky Sall, qui brigue un troisième mandat, se sent menacé par Ousmane Sonko dans la course à l’élection présidentielle programmée dans dix mois, et tente de l’évincer par tous les moyens. En mars 2021, il l’avait fait accuser du viol d’une employée d’un salon de beauté.

Arrêté par la police alors qu’il se rendait avec ses partisans à la convocation du juge, il avait été incarcéré. La colère de la population avait alors explosé sur tout le territoire.Les manifestations avaient pris pour cible, non seulement les sièges du pouvoir, mais aussi des entreprises françaises comme Auchan, Total ou Eiffage. La police avait tiré et tué plusieurs manifestants.

À l’issue du procès qui vient d’avoir lieu, l’accusation initiale de viol n’a pas été retenue, mais Ousmane Sonko a été condamné à deux ans de prison pour « corruption de la jeunesse », ce qui suffit à le rendre inéligible en 2024. Les manifestants sont alors à nouveau descendus dans la rue et ont dû y affronter les forces de répression, notamment dans la capitale, Dakar, et à Ziguinchor, la ville dont il est maire.

La situation dramatique au Sénégal alimente la colère de la population, dont une partie voit dans Ousmane Sonko une issue, et en tout cas se sent solidaire de lui face à la répression. Des millions de personnes se trouvent dans la détresse.

Dans les villes, la flambée du prix des produits alimentaires comme celle des loyers devenus exorbitants étranglent les travailleurs. Les petits paysans n’arrivent pas non plus à faire face et les pêcheurs sont victimes de la raréfaction du poisson due aux ravages causés par les navires des grandes sociétés de pêche industrielle.

Cette misère rend encore plus indécentes les manœuvres du président pour s’accrocher au pouvoir. Plusieurs journalistes ont été emprisonnés pour des motifs imaginaires.

Déjà le 1er mars dernier, juste avant le procès d’Ousmane Sonko, des affrontements violents avaient eu lieu avec la police. Aujourd’hui, le pouvoir craint que la colère, partie des partisans de Sonko et de la jeunesse, s’étende à toute la population, et il n’hésite pas à tuer pour l’éviter, tant la situation est explosive.

Cette crainte est aussi celle des dirigeants de l’impérialisme français. Le Sénégal est depuis toujours une des principales têtes de pont des entreprises françaises sur le continent.

L’armée française y conserve une base militaire de 350 hommes et ce sont des blindés légers français qui équipent les forces armées sénégalaises. Le communiqué du ministère français des Affaires étrangères souligne bien cette proximité, et déclare sans honte à l’issue de la tuerie : « La France appelle à la retenue, à cesser les violences et à résoudre cette crise, dans le respect de la longue tradition démocratique du Sénégal. »

En même temps, Macron redoute plus que tout que la volonté de Macky Sall de briguer un troisième mandat ne mette le feu aux poudres et débouche sur des émeutes qui, comme en mars 2021, prendraient presque obligatoirement un tour anti-­français.

La possibilité serait alors ouverte d’un scénario semblable à celui qui, au Mali et au Burkina-Faso, a abouti à l’éviction des forces françaises de ces anciennes colonies. Macron estime donc que mieux vaudrait convaincre Macky Sall de ne pas se représenter.

Les travailleurs du Sénégal ont réagi contre les manœuvres du pouvoir en affirmant leur soutien à Ousmane Sonko, mais ils n’ont pas de salut à attendre d’un homme providentiel, quel qu’il soit. Ils devront d’abord se fier à leur propre capacité d’organisation.

Daniel MESCLA

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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1 Commentaire

  1. Anonyme says:

    Il faut être honnête il nya pas de répression à Dakar ni ailleurs, au Sénégal. C’est la police qui s’est fait maltraitée par des manifestants, la plupart était des mineurs et énormément de delinquant en tout genre.
    Nous saluons le sang-froid et la parfaite maîtrise de la situation.
    Tous les politiciens avaient lâchement laissé les enfants en face des policiers et principalementceux qui, avaient appelé à manifester LE F24..
    Beaucoup de crimes ont été perpétrés par des repris de justice .

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