Le choix du candidat de la mouvance présidentielle, programmé pour cette semaine, selon des sources concordantes, ne sera pas si simple pour le Président de la République, Macky Sall. Nonobstant la carte blanche dont il dispose à travers son parti, il n’en demeure pas moins que des divisions, et non des moindres, se font déjà sentir entre les Aperistes dits authentiques et ceux qui ont pris le train en marche. Sans occulter, bien entendu, quelques personnalités issues des partis alliés qui lorgnent le fauteuil logé au palais présidentiel.
Depuis que le président de la République a décidé de renoncer à briguer un troisième mandat, les appétits ont atteint leur paroxysme au sein du parti présidentiel, en l’occurrence l’Alliance pour la République.
Les compagnons d’hier ou de galère, ceux qui se définissent comme les fidèles et loyaux compagnons du chef de l’Etat sont ainsi en train de faire bloc pour contrecarrer ceux-là qu’ils qualifient de militants de la 24ème heure. C’est tout le sens qu’il faut d’ailleurs donner à la déclaration du député Abdou Mbow, ancien vice-président de l’Assemblée nationale sous la présidence de Moustapha Niasse.
Son portrait-robot du candidat idéal qui enchante les compagnons de la première heure du président de la République, lesquels ambitionnent de poursuivre l’œuvre de Macky Sall, semble trancher d’avec ceux-là mêmes qui sont venus gonfler les rangs avec leur savoir-faire et leur savoir-être.
Dans cette logique, on retrouve tous les concepteurs de Yoonu Yokkuté (la voie de l’émergence). Un programme qui avait permis au Président Macky Sall d’engranger plus de 25% de l’électorat et de mettre en ballotage le président Abdoulaye Wade qui finira par perdre au second tour de l’élection présidentielle, le 25 mars 2012.
Ces Apéristes réclament une légitimité historique qui devrait faire d’eux les dignes héritiers à la succession de Macky Sall à la magistrature suprême. Ce qui semble, pour beaucoup d’acteurs politiques, une réalité de fait. Sauf que le Macky Sall, candidat à la conquête du pouvoir, est diamétralement opposé au Macky Sall qui est resté assis sur le fauteuil présidentiel pendant 12 ans. Entretemps, beaucoup d’eau a en effet coulé sous les ponts, faisant de la réalité d’hier une antithèse d’aujourd’hui.
DU YOONU YOKKUTE AU PSE : L’APR EN MUTATION
Comme tout candidat qui arrive au pouvoir, Macky Sall était obligé de composer avec les réalités du moment. D’ailleurs de « Macky2012 », sa coalition va se muer à Benno Bokk Yaakar, puis en majorité présidentielle. Une mutation qui ne s’est pas faite dans la douceur, puisque la plupart des militants de la première heure seront rétrogradés.
C’est le cas de Mbaye Ndiaye, le plus éphémère ministre de l’Intérieur, mais aussi du ministre- conseiller et maire de Ndangalma Mor Ngom et autres. Pis, certains militants de la première heure seront contraints de quitter la barque pour vraisemblablement «incompatibilité d’humeur».
Dans ce lot, figurent Moustapha Cissé Lo, Feu Alioune Badara Cissé mais aussi Aminata Tall et tout dernièrement Aminata Touré, ancienne directrice de campagne, ancienne Garde des Sceaux, ancienne Première ministre, ancienne Envoyée Spéciale et ancienne Présidente du Conseil économique social et environnemental.
A contrario, Macky Sall noue et solidifie une alliance contre-nature avec le Parti socialiste (ancien parti au pouvoir de 1960 à 2000), l’Alliance des forces de progrès (Afp) de Moustapha Niasse, le Parti de l’indépendance (Pit) d’Amath Dansokho, la Ligue démocratique (Ld) d’Abdoulaye Bathily et autre And-Jef Pads de Landing Savané, des partis de gauche traditionnellement faiseurs de rois.
En véritable disciple politique de Machiavel, Macky Sall dompte tous ces partis susmentionnés et les réduit à leur plus simple expression obligeant les Secrétaires Généraux à se contenter des strapontins. Au même moment, le Président en exercice élargit les bases de l’Apr.
Les couleurs marron-beige flottent dans toutes les régions du Sénégal. Ce qui lui permet de contrôler toute velléité au sein de l’Apr qui passe de mouvement en 2008 à un des plus grands partis politiques du pays.
Exit alors le Yoonu Yokkuté, le Pse (Plan Sénégal émergent) devient le nouveau référentiel pour mettre le Sénégal sur les rails de l’émergence. Ce plan validé par les partenaires publics et privés enjambe le règne du Président Macky Sall puisqu’il doit prendre fin en 2035.
DES TENANTS DU TRAIN EN MARCHE AUX ALLIES DE BENNO
Dans ce mouvement de massification du parti présidentiel, en plus des Aperistes authentiques, d’autres leaders prennent le train en marche, dans le sillage de Macky Sall. Eux aussi soutiennent pouvoir réclamer la même légitimité que les militants historiques.
D’ailleurs, la plupart d’entre eux occupent des départements de souveraineté jadis dévolus aux membres fondateurs du parti. Transhumants ou adhérents «tardifs», ils revendiquent le legs de Macky Sall et se battent pour sa succession à la tête de l’Etat. Seulement, à côté de ceux-là qui disposent d’une carte de l’Apr et siègent au Secrétariat exécutif national, il y a des alliés venant de la majorité présidentielle qui ne veulent plus jouer le rôle de figurant. Et pour cause, la course à la présidence aiguise leurs appétits. C’est dire que le président de la République qui a annoncé son départ de la magistrature suprême a du pain sur la planche. Lui, qui doit résoudre trois équations.
Primo, faire en sorte que son successeur vienne de son parti (Apr) où les velléités de succession se font de plus en plus jour, présageant une confrontation « fratricide » si le Président ne prend garde.
Deuxio, réussir à unifier les militants de la première heure et ceux qui ont pris le train en marche. Enfin, convaincre ses alliés de Benno que le meilleur candidat ne peut être qu’un membre de son parti, et cela en dépit de la carte blanche qu’ils lui ont donnée et qui pourrait être rédhibitoire en cas de choix tendancieux.
Abdoulaye THIAM
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