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Litige Canal+/Excaf Telecom: Les dessous d’une liquidation qui cache une question de souveraineté

Le différend qui oppose Excaf à Canal Horizon date de 2005 lorsque le dernier nommé a rendu à l’Etat du Sénégal la fréquence qu’il utilisait et que la télévision Canal Infos avait repris à l’époque.

Pour la petite histoire, de 2005 à 2011, Canal Horizon vendait des bouquets satellitaires au Sénégal alors qu’aucun contrat ni convention ne le liait à l’Etat. Et Excaf achetait à l’époque chez canal ces mêmes bouquets pour les revendre à ses abonnés du réseau analogique MMDS. Après évaluation, Excaf a constaté que non seulement le coût était excessif par rapport aux autres opérateurs diffuseurs à qui Canal vendait mais la société française continuait de vendre le même produit au Sénégal.

Ce qui n’a pas été du goût de la société sénégalaise. Alors est né un litige entre les deux entités qui a fini par être jugé au tribunal de Dakar qui a condamné Canal+ à payer à Excaf 300 millions de francs cfa en guise de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

Par la suite Canal a porté l’affaire devant le tribunal de Paris en France pour recouvrement de créance. En 2013, ce même tribunal français condamne à son tour Excaf Télécom à payer intégralement le montant de la créance sans pour autant prendre en compte et respecter les clauses du contrat.

L’ironie de l’histoire selon Sidy Diagne Pdg du groupe Excaf est qu’après avoir gagné en 2011, Excaf n’avait jamais exécuter l’ordonnance du tribunal parce qu’à l’époque Canal avait demandé le sursis à statuer avant d’amener le 2ème jugement à Dakar ce que Excaf avait manqué de faire.

« Aujourd’hui Canal a demandé la liquidation de Excaf Télécom et nous avons demandé au tribunal de se prononcer sur l’activité de Canal, dites moi juste, est ce que aujourd’hui quelqu’un qui n’a signé aucune convention peut exercer déloyalement de 2005 à 2011?

Sachez aussi que du 21 décembre 2011 au 21 décembre 2021 le document que M. Moustapha Guirassi alors ministre de la communication leur avait signé, n’avait jamais été approuvé par décret, alors que la loi qui a généralisé l’ouverture audiovisuelle au Sénégal qui a éclaté la Rts et permis à l’ensemble des télévisions de naître, stipule que toute convention signée par un ministre doit être approuvée par décret. Et c’est justement cette loi qui régit l’ensemble des télévisions jusqu’en 2018 avec l’adoption du code la presse ».

A dit en substance M. Diagne qui ajoute: « nous avons fait une demande d’avis à l’Agence de Régulation des Marchés Publics (Armp) qui a répondu qu’effectivement la convention de Canal+ ne peut en aucun cas produire d’effet aujourd’hui et aussi Canal+ ne peut pas exercer tant que toutes les conditions ne sont réunies ».

Car dans ce jugement, selon toujours le Pdg du groupe de presse de Hlm1 Sodida, il ya des erreurs manifestes:
« Nous avons investi à hauteur de 39 milliards de francs cfa et les banques notamment le groupe de banques français Sgbs qui devaient accompagner le processus n’ont pas suivi sans compter qu’on a eu d’énormes difficultés sur le plan administratif et juridique pour pouvoir démarrer à cause des lenteurs. On a dû épuiser toutes nos recettes qu’on avait en interne pour fonctionner, c’est la raison pour laquelle durant la période de 2014 à 2019, on a connu d’énormes problèmes pour pallier les deux.

Il y a aussi l’ADIE qui devait assurer la couverture nationale pour le bouquet payant qui traine le pas. Jusqu’à présent cela n’a pas été fait malgré tout ce que l’on a dit pour le basculement de l’analogique vers le numérique qui tarde encore à être exécuté et le retour de notre investissement dépend de ce basculement vers le numérique qui rend obligatoire l’achat d’un décodeur ».

Le patron du groupe Excaf d’ajouter: « l’autre grand point à souligner est que l’Etat ne peut pas bâtir une infrastructure, nous faire dépenser tout cet argent et que les chaines nationales sénégalaises se retrouvent sur Canal qui n’emploie pas plus de 50 agents. Cela ne fait que fragiliser l’investissement, les efforts et sacrifices que Excaf a faits jusque là. C’est pourquoi l’Etat doit être conséquent et logique par rapport à ses engagements.

M. Sidy Diagne qui a mis à notre disposition toute la documentation liée à cette affaire ne cherche pas à avoir une quelconque exclusivité mais juste que les textes soient respectés. Ce qu’il ya également c’est que c’est insensé et inacceptable qu’un fils du pays investisse dans un projet aussi grandiose que la TNT qui devrait en principe pérenniser l’entreprise Excaf qui existe depuis 1972 et ne pas le mettre dans les conditions pour lui permettre d’avoir un retour sur investissement.

Cela devient grave si aujourd’hui l’Etat n’a plus l’emprise sur les chaines. A ce jour malgré les départs de plusieurs agents pour des raisons économiques, les travailleurs qui sont restés dans le groupe Excaf, sont au nombre de 523 et vivent d’énormes sacrifices et voient leurs emplois et outil de travail menacés.

Il est tout de même important de signaler qu’avant 2013, le groupe du regretté Ibrahima Ben Bass Diagne (paix à son âme), n’avait jamais connu de difficultés. Donc avec tout ce que nous avons appris au sujet de cette affaire, on ne peut pas être dans l’illégalité et poursuivre une entreprise jusqu’à demander sa liquidation. N’est-ce pas là une bonne raison de crier au loup venu nous dévorer ?

Mais aujourd’hui, Excaf a interjeté appel de la décision et a demandé un sursis à exécution. Le délibéré doit être rendu le 28 mars prochain.

Selon toujours notre interlocuteur qui s’exprimait en marge d’une visite de soutien et d’information d’une délégation de l’Association de la Presse pour l’Entraide et la Solidarité (APRES), il y a également des négociations en cours avec l’Etat pour que les investissements et les efforts consentis dans le projet de la TNT ne soient pas vains parce que là il s’agit vraisemblablement d’une invasion d’une société française et d’une question de souveraineté dans ce scandaleux litige qui oppose Excaf Télécom à Canal+.

Aly SALE, journaliste

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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