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L’insaisissable Guillaume Soro, candidat à la présidence en Côte d’Ivoire

Guillaume Soro, l’ex-rebelle et ancien Premier ministre, arrive lundi en Côte d’Ivoire pour mener campagne et décrocher la présidence.

L’un part, l’autre rentre. Alors qu’Emmanuel Macron doit décoller de Côte d’Ivoire pour la France ce matin, Guillaume Soro devrait faire le voyage inverse demain. Après dix mois d’exil volontaire à Paris, le candidat déclaré à l’élection présidentielle d’octobre attend toutefois les autorisations pour ­atterrir à Abidjan. Initialement, il devait d’ailleurs arriver aujourd’hui. « On nous a dit qu’aucun aéronef ne pouvait survoler le ciel à cause de Macron, fulmine sa conseillère, l’avocate Affoussiata Bamba-Lamine. Un prétexte fallacieux qui montre ce qu’est devenu le pouvoir. » Le ton pour les débats des prochains mois est donné. « Soro joue la provocation et veut aller au clash », s’étonne l’essayiste Antoine Glaser.

La stratégie n’est pas nouvelle. Depuis qu’il a quitté la présidence de l’Assemblée nationale en février, le « Che », surnom hérité de ses années estudiantines, attaque ­Alassane Ouattara, le président dont nul ne sait s’il briguera un troisième mandat cet automne même si la Constitution le lui interdit. « Nous avons cru en lui, nous avons été déçus », coupe ­Affoussiata Bamba, ministre de la Communication de 2012 à 2017. « Nous voulons mettre fin à la corruption, à la mal-gouvernance », insiste le député Alain Lobognon.

Se présenter comme le candidat du renouvellement
L’idée, derrière l’offensive, est de présenter Soro comme le candidat du renouvellement, quand le paysage politique ivoirien est occupé par trois crocodiles issus de la période Houphouët-Boigny, le « père de la nation » : Alassane Ouattara, 77 ans, Laurent Gbagbo, 74 ans, et Henri Konan Bédié, 85 ans. « Pour Ouattara, il reste d’ailleurs l’un de ses bons petits », souligne le géographe Christian Bouquet. Une image de « jeune homme » que Soro supporte mal. À 47 ans, il affiche, il est vrai, le CV d’un vieux grognard. Il fut tour à tour chef des Forces nouvelles, cette rébellion qui combattit Laurent Gbagbo, Premier ministre de « réconciliation » de ce même Gbagbo puis de Ouattara après la guerre civile de 2010-2011, président de l’Assemblée nationale…

Pour autant, c’est bien la carte de la jeunesse qu’abat son équipe. Ces derniers mois, loin d’Abidjan, il a mené une précampagne d’un genre nouveau : organisation de « crush parties » avec la diaspora européenne, surexploitation des réseaux sociaux, mise en place d’un mouvement, le GPS (Groupement populaire de solidarité), et d’une plateforme en ligne où chacun peut déposer ses propositions. Un créneau très 2.0 et participatif qui rappelle la campagne d’En marche en 2017. Le magazine Jeune Afrique lui a d’ailleurs prêté des accointances avec les réseaux macronistes. « Il a essayé de les ­infiltrer », croit savoir Antoine ­Glaser. « C’est du fantasme, s’offusque Affoussiata Bamba. Il y a des amis, mais cela ne va pas au-delà. » De fait, c’est surtout ­l’Élysée, craignant une déstabilisation du pays, qui semblerait ne pas avoir misé sur le cheval Soro.

Désormais, l’objectif du candidat GPS est d’élargir sa base électorale. Ses proches mettent en avant ses 900.000 followers sur Twitter. « Pourtant, récemment, il cherchait un institut de sondage pour mesurer sa popularité, explique Antoine Glaser. Preuve qu’il n’est pas à son aise. » Non pas que ses qualités personnelles pour mener campagne soient remises en question. « C’est un instinctif, un beau parleur », dit Bernard Houdin, compagnon de route de Laurent Gbagbo. « Un personnage assez fascinant, une machine intellectuelle qui va vite, ajoute Christian Bouquet. Il est également insaisissable, multiple ; et son projet, nébuleux. »

Un parcours fait d’alliances et de ruptures
Soro est flou et godille, car il sait qu’une élection en Côte d’Ivoire se joue sur des critères autant politiques qu’ethniques et que des rapprochements sont nécessaires. Il a pris langue avec Bédié. Avec Gbagbo, c’est plus compliqué. « Il fait des pieds et des mains pour le voir », ricane Bernard Houdin.

Mais, à trop vouloir embrasser, Soro pourrait se perdre. Pour Antoine Glaser, c’est même son parcours depuis vingt ans, fait d’alliances et de ruptures successives, qui le dessert. « Il a trop fait le tour du manège, persifle l’essayiste. Et chacun se dit : qui a trahi trahira. »

Ses proches expliquent qu’il œuvre surtout à la réconciliation du pays. Et affirment que des points du programme sont déjà définis : l’éducation, la santé, l’accès à l’immobilier… « Depuis trois ans, on réfléchit à un projet de société », jure Affoussiata Bamba. En 2016 pourtant, Soro disait au Point ceci du président Ouattara : « Son succès représente le but ultime de ce pour quoi nous nous sommes longtemps battus. »

Antoine Malo

Digital Manager - Chef de projet chez Alixcom Dakar | E-mail: saliou@dakar-echo.com | +221 77 962 92 15

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