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L’inexcusable faute morale du président Macky Sall

Dans un article publié à quelques mois de l’élection présidentielle de 2019, je dénonçais le fait que le président Macky Sall avait fini de transformer le Palais de la République en permanence de l’Alliance Pour la République (APR), son parti. Toutes les instances de cette formation politique s’y réunissaient avec ce qui les caractérise de querelles, d’invectives, d’applaudissements, de folklore etc.

Pis, les audiences politiques, les ralliements d’opposants transhumants, les conclaves de Benno Bokk Yaakar (BBY), la coalition de partis dont l’APR est la locomotive, se tenaient également dans ce lieu censé pourtant être le plus sacré du pays, le plus emblématique, le plus prestigieux et le plus majestueux.

Un palais qui se trouvait ainsi désacralisé et banalisé à force d’avoir été réduit en une vulgaire permanence d’un parti politique. A ce point banalisé d’ailleurs qu’on a même vu de jeunes sauvageons de l’APR en escalader gaiement les grilles pour se propulser à l’intérieur !

Jugés, ils avaient écopé d’une quinzaine de jours de prison assortis du sursis. Devant les protestations de larges secteurs de l’opinion, le président de la République avait fait accélérer les travaux de construction du siège de l’APR dans le quartier de Mermoz. Et pendant quelques mois, on fut rassuré, les choses furent remises à l’endroit puisque le président du parti APR convoquait les réunions de son parti à son siège.

Hélas, les mauvaises habitudes ont la vie dure et chassez le naturel, il revient au galop ! Tout le monde a pu constater que, depuis quelques mois, le président de l’APR reçoit de nouveau toutes ses audiences politiques au Palais de la République comme au bon vieux temps. Les ralliements d’opposants y ont lieu et c’est également là que les arbitrages et autres séances de consolations de responsables mécontents des investitures pour les élections locales de janvier se font.

Bref, la présidence de la République est redevenue le siège de l’APR et de Benno Bokk Yaakar. Cela, les Sénégalais avaient presque fini par s’en accommoder tellement le président Macky Sall mélange allègrement ses fonctions de président de la République et celles de Chef de l’Alliance Pour la République. Cela, on n’y peut rien, c’est plus fort que lui et sa seconde nature en somme.

Mais là où les choses deviennent gravissimes et constituent un scandale d’Etat, là où on tombe de Charybde en Scylla et où la République (à supposer qu’on en ait encore une) patauge carrément dans la boue, c’est lorsque le président de la République se permet de recevoir en son palais un voleur notoire pour le complimenter et le récompenser de sa forfaiture. Oui, en recevant eu audience ce salopard qui avait disparu avec les listes d’une coalition de l’opposition dont il était le mandataire, au point d’entraîner leur forclusion, avant de transhumer, le président de la République a fauté grave.

Il a donné son onction à un acte de banditisme gravissime et immoral qui aurait dû valoir des poursuites judiciaires à son auteur ne serait-ce que pour abus de confiance. Au lieu de cela, au lieu de la sanction sévère qu’il méritait et de l’opprobre dont il aurait dû être couvert à vie pour son acte vil et immonde, voilà donc que ce voyou est reçu avec tous les honneurs dans le saint des saints de notre pays à savoir la présidence de la République.

Un salopard au palais !
Et par le maître des lieux en personne ! Qui avalise ainsi, s’il ne le sanctifie et le bénit, le très mauvais comportement de cet homme qui était passé à l’ennemi avec les listes de ses camarades opposants qui lui avaient fait confiance. Il ne manquait plus que la Grand-Croix de l’Ordre national du Lion à épingler sur le revers de la veste de cet être méprisable mais qui passe pour un héros aux yeux du président de la République au point de le recevoir ainsi sous les ors et lambris de son Palais !

Oh certes, la politique est une jungle féroce et impitoyable où tous les coups sont en principe permis mais elle requiert quand même quelque part de l’éthique et suppose de faire preuve de fair-play dans les compétitions. C’est tout juste pour avoir fait espionner l’état-major de campagne de ses adversaires démocrates, dans l’immeuble Watergate à Washington, que l’alors tout- puissant président des Etats-unis d’Amérique, Richard Nixon, avait été emport par le tollé qui avait suivi lorsque le scandale avait été révélé par deux journalistes du « Washington Post ». Comme quoi, il y a des limites morales et à ne pas franchir dans une compétition politique.

Pour en revenir à l’affaire qui nous préoccupe, en plus d’être répugnant, ce vol de listes électorales d’une coalition de l’opposition dans une ville comme Matam est d’autant plus ridicule que la majorité présidentielle n’a pas besoin de recourir à des armes non conventionnelles pour gagner largement les prochaines élections locales dans une région qualifiée de « titre foncier du président de la République ». En choisissant de béatifier l’auteur de ce vol, Macky Sall désacralise encore plus, hélas, ce palais que la République lui a affecté pour abriter le siège de son pouvoir en plus de se rendre coupable, aussi et surtout, d’une très grande et impardonnable faute morale.

Le un pas en avant deux pas en arrière du Président !
Sur un autre plan, la fonction de Premier Ministre va donc être restaurée dans l’architecture institutionnelle de notre pays. A la bonne heure ! Beaucoup étaient sceptiques lorsque elle avait été supprimée au nom d’un impératif de « fast-tract » et se demandaient comment le président de la République allait bien pouvoir faire pour « accélérer la cadence » (n’est-ce pas Mimi !) du travail gouvernemental avec le surcroît de dossiers qui allaient s’accumuler sur sa table.

Le résultat n’a pas été fameux, tout le monde le sait, puisque, en lieu et place de « fast-tract », on a eu droit à un « very slow tract » et il n’y avait franchement plus de coordination de l’activité gouvernementale, chaque ministre opérant en solo dans son coin, certains parmi eux tirant à hue et d’autres à dia. Forcément, on sentait que cette situation était devenue intenable et qu’il allait falloir que le président de la République revienne sur sa décision.

Malheureusement, lorsqu’il a décidé de le faire, plutôt que de s’adresser à son peuple — à qui il avait déjà caché sa volonté de supprimer le poste de PM lors de sa campagne pour sa réélection en 2019 — pour l’informer de sa décision de se doter de nouveau d’un chef du gouvernement, il s’est contenté de quelques phrases noyées dans le communiqué du Conseil des ministres du mercredi 24 novembre !

A charge pour ses porte-flingues et autres communicants à la noix d’assurer le service après-vente au niveau du bon peuple. Un bon peuple pris une nouvelle fois pour de la valetaille, des moutons de Panurge et qui n’est même pas digne de l’auguste parole présidentielle ! En réalité, plus que ses décisions elles-mêmes, qui sont souvent contestables mais c’est justement ce qui fait le charme et la force de la démocratie, c’est la manière dont il les assène qui peut révolter.

Une manière de conspirateur qui ourdit en secret son coup avant de le porter au moment où l’on s’y attend le moins. Il en avait été ainsi lorsqu’il préparait l’indigeste « Mbourou ak Sow » avec son acolyte Idrissa Seck avec qui il s’entend désormais comme larrons en foire. Les deux hommes avaient préparé leur conspiration dans le plus grand secret avant de révéler le produit de leur « deal » au grand jour, prenant de court tout le peuple sur le dos duquel ils l’ont fait, à la faveur d’un remaniement ministériel. En une façon de dire aux Sénégalais : « salauds, on vous a bien entubés ! »

Pour dire que le président de la République gagnerait à respecter un peu plus les caves que nous sommes à ses yeux. Plutôt que de faire une adresse solennelle à ses compatriotes pour leur dire quelque chose du genre : « Mes chers compatriotes, il y a 30 mois, j’avais décidé de supprimer la fonction de Premier ministre parce qu’elle constituait un goulot d’étranglement et ralentissait le traitement des dossiers auquel je souhaitais au contraire donner un coup de fouet en instaurant le mode « fast-tract », une excellente pratique qui a donné ses preuves ailleurs.

A l’épreuve des faits et au vu notamment d’une crise sanitaire mondiale qui a soumis à rude épreuve les économies de tous les pays du monde, à laquelle il faut ajouter le fait que je vais assurer la présidence en exercice de l’Union africaine à partir de janvier prochain, je me vois obligé de rétablir la fonction de Premier ministre », il choisit d’informer avec mépris le peuple par le biais de quelques lignes dans un communiqué kilométrique !

Après quoi, une batterie de perroquets est lâchée pour venir nous dire que le Président rétablit la fonction de PM parce qu’il va assurer la présidence de l’UA. Comme si les Sénégalais l’avaient élu pour qu’il aille régler les problèmes de l’Afrique tout en déléguant le soin de s’occuper des leurs à un « collaborateur » pour reprendre le terme dévalorisant qu’utilisa naguère le président français Nicolas Sarkozy pour parler de son Premier ministre François Fillon !

Car c’est bien beau le prestige diplomatique de notre pays mais enfin Macky Sall est d’abord payé pour présider aux destinées du Sénégal et s’occuper de l’amélioration des conditions de vie de ses habitants. Et puis, présenter la chose comme l’ont fait les communicants du pouvoir, c’est comme si, une nouvelle fois, la fonction de Premier ministre devrait être supprimée une fois achevé le mandat du président de la République à la tête de l’Union Africaine.

Macky Sall qui, soit dit en passant, bien que n’ayant pas encore pris la présidence en exercice de l’organisation continentale, vient de prendre une décision courageuse et qui l’honore en disant non à l’isolement de l’Afrique du Sud, l’un des poids lourds du continent, par les puissances occidentales racistes, au nom de prétendues mesures de sauvegarde sanitaire.

En refusant de toutes ses forces cet embargo qui vise à étrangler le pays du président Nelson Mandela, comme il s’était aussi opposé en son temps aux sanctions de la CEDEAO qui visaient çà étrangler le peuple malien frère, Macky Sall se comporte incontestablement en courageux leader de l’Afrique.

Et c’est sur ces cimes planétaires que nous l’aimerions voir planer plus souvent plutôt que de patauger dans la boue d’une audience dévalorisante accordée à un individu méprisable…

Mamadou Oumar NDIAYE

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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