Environnement

L’idée de criminaliser les atteintes au climat gagne de plus en plus du terrain

Le combat des militants engagés pour la création d’un crime international d’écocide reçoit le soutien de personnalités comme Greta Thunberg, Emmanuel Macron ou le pape François.

«Les gens commencent à réaliser que si nous ne prenons pas au sérieux le changement climatique et les menaces contre la biodiversité, il ne nous restera rien, ni pour nous, ni pour nos enfants», déclare Rob White professeur de criminologie à l’université australienne de Hobart.

Changement climatique, marées noires, déforestation… L’idée de créer un crime international d’écocide pour pénaliser la destruction à grande échelle des écosystèmes, gagne du terrain, un espoir pour ses promoteurs de dissuader gouvernements et entreprises de nuire à la planète.

Les partisans de la création de ce crime sont de plus en plus soutenus, commente Rob White, professeur de criminologie à l’université australienne de Hobart: «Les gens commencent à réaliser que si nous ne prenons pas au sérieux le changement climatique et les menaces contre la biodiversité, il ne nous restera rien, ni pour nous, ni pour nos enfants, ni pour nos petits-enfants».

Le concept date des années 1970 et du déversement par l’armée américaine sur les forêts et cultures du Vietnam de millions de litres d’Agent orange, défoliant dont les effets sanitaires perdurent. Mais le statut de Rome qui donne naissance en 2002 à la Cour Pénale internationale ne retient les «dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel» que dans le cadre des crimes de guerre.

Depuis, des militants se battent pour que ce crime s’applique aussi en temps de paix. Leur combat a trouvé un nouvel élan depuis un an avec les soutiens de la militante suédoise Greta Thunberg, du président français Emmanuel Macron ou du pape François.

Fin 2019, le souverain pontife souhaitait ainsi que les conduites «considérées comme écocides» ne «restent pas impunies», évoquant notamment «la contamination massive de l’air, des ressources de la terre et de l’eau».

Comme le génocide
Il n’existe pas pour l’instant de définition de l’écocide faisant consensus au niveau international. «On utilise une définition de travail: des dommages causés à la nature à large échelle, graves ou systématiques, et commis en ayant connaissance des risques», explique Jojo Mehta, présidente de la Fondation Stop Ecocide qui vient de mettre en place un panel d’avocats et de juges internationaux pour rédiger une définition.

Leur espoir: faire ajouter l’écocide aux crimes poursuivis par la CPI, au côté du génocide, du crime contre l’humanité et du crime de guerre.

Lors de l’assemblée générale de la CPI en décembre 2019, les Maldives et Vanuatu ont mis la question sur la table. «C’est toujours un travail en cours», explique à l’AFP Dreli Solomon, diplomate de Vanuatu à Bruxelles, se réjouissant du «mouvement social grandissant» sur le sujet.

Cette «idée ne peut plus être ignorée par les dirigeants», insiste-t-il, soulignant les souffrances de ses concitoyens balayés par les cyclones.

Si le crime était créé, il faudrait qu’il permette, contrairement aux règles actuelles de la CPI, de poursuivre des entreprises ou des Etats, et non plus seulement des personnes, plaident les militants qui visent notamment les grands groupes pétroliers.

Mais nombre de questions restent ouvertes. Doit-il concerner seulement les dommages causés sciemment ? Les points de vue divergent. A partir de quelle ampleur parle-t-on d’écocide ? «A grande échelle», répondent les militants, évoquant la déforestation massive de l’Amazonie, le changement climatique mondial, les marées noires, la pêche industrielle, l’extraction pétrolière et minière, ou la pollution de l’air.

Faire honte
A quel niveau de responsabilité poursuivre? «L’écocide n’est pas destiné à punir les petits: c’est comme pour le génocide, on ne poursuit pas les simples soldats mais ceux qui ont donné les ordres», insiste Jojo Mehta. Alors utiliser le mot pour pénaliser des infractions aux règles environnementales, comme le prévoit le gouvernement français, «dilue sa force massivement», regrette-t-elle.

Quant aux faiblesses de la CPI, déjà née dans la douleur, accusée de résultats mitigés et d’être limitée dans son champ d’action par l’absence de grandes puissances comme les Etats-Unis, elles ne découragent pas les porteurs de la campagne.

«Ce n’est pas parce que c’est compliqué qu’il faut baisser les bras sur la conquête des droits. Dans ce cas là, on n’aurait pas eu l’abolition de l’esclavage ni le vote des femmes», insiste la juriste et militante Valérie Cabannes.

Au-delà d’hypothétiques futures condamnations, pour cette militante, la création d’un crime d’écocide au niveau mondial aurait «surtout une visée dissuasive». «Nous ne voulons pas mettre tel ou tel méchant dans le box des accusés. Nous voulons changer les pratiques», insiste aussi Jojo Mehta.

«Si vous êtes un fou génocidaire, vous ne vous préoccupez pas de ce que les gens pensent de vous, alors que si vous êtes le PDG d’une entreprise qui commet un écocide, votre réputation en dépend, tout comme le cours de vos actions et le succès de votre entreprise», poursuit-elle.

C’est d’ailleurs pour elle aussi tout l’intérêt de passer d’une justice climatique aujourd’hui largement civile ou administrative, à des poursuites criminelles: «Avec des procès au civil, les entreprises prévoient juste le budget pour payer amendes et dommages, ça ne change pas leurs pratiques. Si leur PDG est en danger, ça crée un autre type de dissuasion».

ATS/NXP

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