Société

L’Etat Français lance Viginum afin de le protéger des ingérences numériques étrangères

Ce nouveau service français de protection contre les ingérences numériques étrangères a reçu cette semaine le feu vert du Conseil d’État.

C’est une victoire pour Viginum. Sur le pied de guerre avant l’élection présidentielle de 2022, l’agence de l’État qui doit protéger la France des ingérences numériques étrangères est officiellement opérationnelle. Cette semaine, elle a reçu le feu vert du Conseil d’État pour collecter les données publiques sur les réseaux sociaux.

Le décret établissant les modalités d’actions et les outils de la nouvelle structure gouvernementale a été publié jeudi au Journal officiel. Un soulagement pour l’État, qui n’a donc pas à se soumettre au débat parlementaire. Le Conseil d’État devait en effet décider si le périmètre d’action de Viginum devait être encadré par un décret ou un projet de loi.

En attendant la décision du Conseil d’État, l’agence, qui dépend du Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), avait entamé depuis l’été un travail de compréhension du contexte local et des enjeux dans la sous-région Pacifique, autour du référendum 2021 sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie le 12 décembre prochain. Elle s’intéresse également aux thématiques géopolitiques et socio-économiques autour de la présidence française du Conseil de l’Union européenne qui débutera le 1er janvier.

Surveillance encadrée des réseaux sociaux
Concrètement, le rôle de Viginum est d’étudier les modes opératoires et les techniques pour amplifier la diffusion d’un contenu en ligne. À travers notamment des hashtags et des profils inauthentiques, comme des bots (machines) ou des «trolls». Elle analyse les publics visés et les effets recherchés dans la narration des informations, afin de remonter à leur origine.

Un travail d’intelligence stratégique pour cartographier les interactions entre les différents acteurs étrangers qui s’immiscent dans notre débat démocratique. L’ambition de l’agence étant de démontrer que certains faits partagés par des citoyens français peuvent s’appuyer sur des éléments créés de toutes pièces par d’autres pays, afin de les induire en erreur.

Le décret publié au Journal officiel prévoit que Viginum puisse travailler sur les plateformes qui nécessitent une inscription à un compte et dont l’activité sur le territoire français dépasse un seuil de cinq millions de visiteurs uniques par mois, comme Facebook, Instagram ou Twitter.

Les messageries privées, comme WhatsApp ou Messenger, ne sont pas concernées. Afin que cette «collecte et exploitation des contenus publiquement accessibles aux utilisateurs » ne soient pas «automatiques et constantes», elles devront être déclenchées après qu’un agent a détecté quelque chose de suspect. Les données collectées pourront être gardées pendant une période maximum de six mois.

Selon le texte, Viginum «est autorisé à mettre en œuvre un traitement informatisé et automatisé de données à caractère personnel». Dans le détail, «ce traitement a pour finalités la détection et la caractérisation des opérations impliquant, de manière directe ou indirecte, un État étranger ou une entité non étatique étrangère, et visant à la diffusion artificielle ou automatisée, massive et délibérée (…) d’allégations ou imputations de faits manifestement inexactes ou trompeuses de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation», notamment lorsque ces opérations sont de nature à altérer l’information des citoyens pendant les périodes électorales.

La sélection des contenus à collecter doit s’opérer de manière proportionnée et automatisée, en respectant certains critères techniques dont « l’exclusion de tout recours à un système de reconnaissance faciale ou d’identification vocale », est-il précisé.

Menaces sur la Présidentielle
Aux risques majeurs de cyberattaques et aux menaces internes de manipulation de l’opinion, venant par exemple de lobbys, partis politiques ou citoyens militants, s’ajoutent les campagnes de manipulation sur les réseaux sociaux. Ces dernières s’amplifient de scrutin en scrutin à travers le monde.

Les tentatives d’ingérence étrangère représentent à ce titre l’une des principales menaces qui pèse sur l’élection présidentielle à venir dans l’Hexagone. Ces dernières années avaient notamment mis en lumière l’ingérence russe lors de la présidentielle américaine ou lors du référendum sur le Brexit.

En France, l’État surveille les acteurs malveillants d’origine russe, chinoise ou turque. Mais également les réseaux d’extrême droite proches des États-Unis comme la mouvance QAnon, ainsi que les organes de propagande proches de Daech et d’al-Qaida, qui pourraient aussi avoir un intérêt à perturber le scrutin.

Lorsqu’une campagne étrangère hostile est caractérisée, et ses auteurs identifiés par Viginum, c’est l’État qui décidera de lancer ou non une stratégie de réponse contre un pays. À l’image de ce qui peut se faire dans le domaine de la cybersécurité, l’exécutif pourra par exemple rendre publiques ces ingérences, geler des accords commerciaux et avoirs financiers, ou s’engager dans des opérations plus secrètes.

Ces derniers mois, Viginum s’est entretenu avec les services de Cédric O, secrétaire d’État chargé du Numérique, et les représentants de Twitter, Facebook, Google, TikTok, Snapchat, Microsoft, Qwant et Wikimedia afin de discuter de la gestion des informations sur les réseaux sociaux.

Doté d’un budget de 12 millions d’euros, Viginum compte aujourd’hui une vingtaine de personnes à plein temps, issues de l’administration française et du secteur privé: analystes des réseaux sociaux, géopolitiques ou experts en sciences sociales. Son directeur est Gabriel Ferriol, un magistrat de la Cour des comptes, ingénieur de formation, passé par le ministère des Armées.

Par Claudia Cohen

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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