Les bonnes notes que le Fonds monétaire international (Fmi) vient de décerner au gouvernement sénégalais, au terme d’une mission effectuée du 12 au 24 octobre courant, relèvent du contradictoire.
Car, la situation économique du pays ne peut être bonne et en même temps se faire perfuser à hauteur de 166 milliards de FCFA. Des économistes en sont convaincus. Ainsi, pour Meïssa Babou, enseignant à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG – UCAD), «le Fmi ne nous donnera jamais une vision de développement autre que de nous maintenir dans un cycle d’endettement». Abou Kane, Professeur Titulaire, Agrégé en Economie à la FASEG – UCAD, pour sa part, dira que «le FMI est ce médecin qui prescrit et paye les ordonnances a ses patients».
MEISSA BABOU, ECONOMISTE ET ENSEIGNANT A L’UCAD : «Le FMI ne nous donnera jamais une vision de développement autre que de nous maintenir dans un cycle d’endettement»
«Les agrégats que vous manipulez en toute complicité avec les gouvernements sont une arnaque qui ne peut plus nous convaincre. L’équilibre financier que vous cherchez à travers des paramètres comme le taux de croissance ou le déficit budgétaire sont en contradiction avec le vécu quotidien des sénégalais.
Le niveau d’endettement que vous jugez soutenable est la cause de l’abandon des subventions sur l’énergie qui nous tue. En nous octroyant de nouveaux prêts, vous nous enfoncez dans l’abîme. Surtout que tout cet argent n’a servi qu’à redresser souvent des sociétés en difficulté comme le Train express régional (Ter) ou les lampadaires commandés en France.
L’appel d’offres que vous exigez sous prétexte d’une bonne gouvernance financière, n’est rien d’autre qu’un moyen de nous assouvir davantage au profit d’entreprises étrangères. Les populations en détresse n’ont rien à faire de votre satisfecit. Même à deux chiffres, cette croissance extravertie ne profite pas aux citoyens car ne produit pas un seul emploi.
Les maigres taxes à côté des exonérations ne peuvent pas expliquer la soutenabilité de la dette. Il y’a un fossé entre le guidage économique et la gestion des finances publiques. L’économie c’est du factuel et on ne peut vendre une avancée sur ce plan à partir de chiffres seulement.
Alors respectez nous. Si seulement les retombées étaient palpables sur le plan social donc un mieux mieux-être ou sur le plan économique donc des produits disponibles et accessibles, les félicitations auraient un sens.
Face aux problèmes de développement, vous nous proposez du Btp qui nous poursuit sur des générations avec des taux trop élevés. Le Fmi ne nous donnera jamais une vision de développement autre que de nous maintenir dans un cycle d’endettement.»
ABOU KANE, PR TITULAIRE, AGREGE EN ECONOMIE FASEG-UCAD : «Le FMI, ce médecin qui prescrit et paye les ordonnances à ses patients»
«Le Fonds monétaire international (Fmi) vient de terminer une mission au Sénégal, ce 24 octobre. Dans la presse on parle de «bonnes notes du Fmi» et on dit que le Sénégal «bénéficie» d’un prêt de 166 milliards à décaisser avant fin 2023.
Au regard du communiqué du Fmi et de ce qui a été dit devant la presse, le Fmi (médecin) a usé de l’euphémisme mais le Sénégal est un patient à qui il a prescrit une ordonnance qu’il ne peut pas acheter et à qui il faut administrer une perfusion en urgence avant la fin de l’année (pour le maintenir sur pied).
LE MOT D’ORDRE C’EST : MAINTENEZ LE MALADE EN VIE JUSQU’A CE QU’IL PAYE SA DETTE !
Dans le communiqué du FMI il est dit que la croissance de l’activité économique est de 4,1% en 2023 toujours en dessous de son niveau d’avant la pandémie pour la deuxième année consécutive (on attendait 5,3% en 2023 et en 2022 déjà on était à 4,7%).
Il est aussi dit que l’inflation recule mais s’établit à 6,5% (on attendait 5%) pour une norme de 3% qu’on ne pourra pas atteindre avant 2025, que le déficit du compte courant est de 14,5% du PIB, que le déficit budgétaire est de 4,9% du PIB, que la dette devrait atteindre un pic en 2023 avec plus 69% si on ignore le nouveau prêt et plus de 72% si on intègre ce prêt de 166 milliards.
En 2024 on attend un taux de croissance hors hydrocarbures de 5,4% (on avait prévu plus que cela) et si on intègre la production de pétrole et de gaz, le FMI dit qu’on peut atteindre 8,3% (mais on attendait 10,6%). Malgré tout c’est bon (pour la presse) !»
Jean Pierre Malou
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