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Les balades du ciel avec le pilote préféré – Par Boubacar Camara

Le président Macky Sall ne veut pas d’un Premier ministre, il cherche un « Medvedev » pour conserver le pouvoir. Il est constant. Toutes les réformes constitutionnelles initiées par le président de la République ont pour but ou pour effet de lui tailler confortablement un cadre juridique de consolidation de sa présence à la tête de l’Etat.

D’abord, pour clore la première scène de sa tragique volonté de réduire son mandat de sept à cinq ans, il enchaîne deux comiques pas de danse. Le premier a consisté à poser la mauvaise question au juge constitutionnel. En effet, au lieu de l’interroger sur la démarche à suivre pour opérer la réduction “ souhaitée ” et clamée partout, il lui demande s’il pouvait juridiquement opérer la réduction, sous l’empire de la Constitution en vigueur. Réponse évidemment négative. Deux ans dans la poche. C’est du « Meye ndagu!

Après cette cynique pirouette, il enclenche un référendum au pas de charge. Prenant de court tout le monde et soi-disant pour « tuer le débat sur le troisième mandat », il a, en réalité, préparé le lit pour couver Sa troisième candidature. Toutes les autres questions posées lors de cette consultation populaire de mars 2016 étaient accessoires et servaient d’os à grignoter aux partisans du non. Il venait de fermer une porte sans clé ni serrure qu’il suffit de pousser pour l’ouvrir.

Même scénario : clamer partout que ce sera et c’est le dernier mandat. Le dire, l’écrire, le faire dire dans le but d’émousser la vigilance de la population : la répétition engendre la contagion. Il est connu que la meilleure façon de cacher son mal est de crier contre ce mal !

Après avoir obtenu une majorité confortable à l’Assemblée nationale en 2017, il arrache une « brillante » réélection en 2019 après l’élimination sans gêne d’une vingtaine de candidats dont votre serviteur par le biais d’un parrainage sur mesure, d’élimination adversaires politiques à travers des procès inéquitables et d’autres procédés que l’Histoire révélera un jour ! Puis, premier coup de manivelle : supprimer, à la surprise générale, le poste de Premier ministre. Il faut aller plus vite, ne pas laisser les ambitieux se consolider. Fast track !

Deuxième coup de manivelle : couper les têtes qui débordent, enrôler le suivant immédiat à l’élection présidentielle avec une mort politique programmée. Avis aux mécontents, lance-t-il avec assurance, qui bouge meurt ! Regardez comment j’ai « réduit l’opposition à sa plus simple expression ». Les limogés se terrent.

La manœuvre se poursuit. Brusquement, il introduit un brin de suspicion en interdisant à ses partisans de parler du troisième mandat et en sévissant à l’encontre des récalcitrants. Puis, il nous gratifie d’une seconde dose d’incertitude : la réponse sarcastique à la question sur un éventuel troisième mandat qui a survécu à la « mise à mort », en guise de cadeau de fin d’année : « Ni oui, ni Non ».

Au moment où il scrutait le ciel pour trouver le moment favorable pour faire valider sa candidature, tous les calculs sont faussés par les mauvaises nouvelles : pandémie de la Covid 19, émeutes de Mars 2021, obligation de tenir les élections locales de janvier 2022 qu’il avait planifié de noyer dans le « dialogue national ».

En avril 2021, il dit avoir compris et promet des emplois et des milliards à la jeunesse, consciente de sa force.

En décembre 2021, à la surprise générale (parallélisme des formes oblige !), le président Sall annonce le rétablissement du poste de Premier ministre en procédure d’urgence, pour s’acquitter sérieusement de sa fonction de président de l’Union africaine, au titre de la présidence annuelle tournante. Pourtant, le titulaire de la Primature ne serait dévoilé qu’après les élections territoriales du 23 janvier 2022, soit dit en passant, ce délai n’expire jamais ! Il est même question de faire le nécessaire après le 31 juillet 2022, date provisoirement retenue pour les élections législatives ?

Il nourrit ainsi l’espoir des prétendants bannis et du coup, les remobilisent pour renforcer ses troupes qui ne font plus rêver et ne dorment plus que d’un seul œil. En janvier 2022, il essuie l’ « échec de la reconquête » pour reprendre l’expression consolante choisie pour éviter de nommer la belle percée de l’opposition aux élections territoriales.

L’option de Macky Sall est claire, il n’est pas question de quitter le pouvoir : rester ou rester. Les dauphins ont été étouffés, les opposants sont féroces et ne manquent pas de projets (de société et/ou de vengeance), les arrières ne sont pas protégés. Une seule question : comment partir sans partir ? Il est conscient que, de nos jours, solliciter un troisième mandat équivaudrait à un suicide sur la place publique. Il n’aurait le soutien ouvert et sincère de personne. Mieux, la plupart de ses partisans tiendrait leur revanche : « il exagère », serait le sentiment le mieux partagé dans ses propres rangs !

Quels que soient les arguments des maîtres tailleurs, fussent-ils de haute couture, il leur sera impossible de tailler de nouveaux habits pour une vieille rengaine juridique devant les questions dont la réponse négative est indubitable. Peut-on politiquement engager une réforme pour limiter les mandats présidentiels à deux et en demander trois ? Peut-on, sur le plan éthique, déclarer partout qu’on en est au dernier mandat et en briguer un nouveau ? Peut-on moralement, après avoir mesuré les conséquences désastreuses de la prétention contestée à un troisième mandat, avec son cortège de risques y compris de pertes de vies humaines, continuer d’en rêver, pire, de se laisser tenter ?

Il faut donc truquer le match et mettre l’arbitre de son côté. Le coup du juge arbitre traditionnel pourrait réserver des surprises avec un revirement jurisprudentiel mettant fin au « cinéma du troisième mandat » et rejetant en bloc tous les subterfuges du passé, du présent et de l’avenir. Il vaut mieux se passer de ce disque rayé !

Alors, on prie. Quelle aubaine ! Les bonnes nouvelles reviennent avec la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de football et les pompeuses inaugurations. Le Sénégal est champion d’Afrique, le président Macky Sall à la tête de l’Union Africaine, avec comme prime de match un stade ultra moderne, gouffre à milliards portant le nom du président Abdoulaye Wade qui a réussi à graver son immoralité politique sur son dos. Yalla ñëwna!

A propos des jeunes débordant d’énergie, le raisonnement est simple : troquons leur besoin d’emplois avec le rêve de trophées sportifs ! Après la CAN, la Coupe du monde. Essoufflons les dans le métier de supporters infatigables de nos valeureux Lions de la Teranga, dans l’extase des concerts musicaux gratuits et dans l’euphorie des combats de lutte du siècle ! Un autre jalon est concocté pour être enjambé après la victoire souhaitée des Lions contre l’Égypte, le 29 mars prochain, au Stade Abdoulaye Wade.

En ce qui concerne les hommes politiques, entrainons les dans la vague de la ligne de masse pour taire les critiques. C’est d’autant plus facile que certains d’entre eux ont déjà noué des deals qui vont les discréditer au moment choisi par le pouvoir : « ku ëmb sa sanxal, ëmb sa kersa ! ». L’ironie du sort est que les transhumants et les négociateurs politiques nocturnes finissent toujours par s’entre trahir. Ils s’épient, se retrouvent, se regroupent, se font des confidences, se tiennent et s’éteignent. Drôle de façon de tirer les marrons du feu !

On doit maintenant comprendre définitivement que les promesses d’amnistie et autres « ouvertures » sont des chimères destinées à faire patienter sagement et à constater, à la veille du scrutin, l’absence de certains candidats.

Quant au front social, il se réchauffe. Après le combat héroïque des enseignants, celui des travailleurs de la santé pointent à l’horizon tandis que les pêcheurs s’impatientent et les prix grimpent sans attendre. Minimisons cette situation lourde de danger !

La voie est-elle pour autant libre pour dérouler le vrai match, celui de l’organisation d’une élection présidentielle anticipée (les justifications ne manquant jamais !) pour rester dans les normes constitutionnelles avec « moins de deux mandats consécutifs » et éviter de parler de troisième mandat ?

Pour ce faire, il faut trouver un arbitre dans la poche, un Premier ministre qui accepte de « chauffer le fauteuil » en cautionnant un aller-retour, un faux départ de Macky Sall, un Premier ministre qui neutralise l’Assemblée nationale et son président, un Premier ministre pilote préféré de Macky Sall dédié à son service exclusif et non au service du Sénégal, un Premier ministre sans ambition qui ne change pas d’avis en cours de route.

Dès que cette condition est remplie, tout est sacrifié pour la conservation du pouvoir : la Constitution, la stabilité politique, la République, la démocratie, les élections législatives et la transparence.

La bonne nouvelle est qu’il lui est difficile de trouver ce Premier ministre-là, y compris dans ses rangs : il n’a aucune confiance en ces « avides de pouvoir », entend-on dans les couloirs ! D’ailleurs, on ne parle de ce plan hyper sensible que pendant les balades dans le ciel ! C’est également dans cet endroit discret, entre le ciel et la terre, que le pouvoir concocte des mises en scène pour discréditer les opposants qui ont toujours refusé de négocier une capitulation. Attention, tous les vols peuvent être annulés surtout en cette période de tension internationale !

Faisons échouer ce plan A. Faisons également échouer le plan B qui consiste pour Macky Sall, à s’octroyer la majorité à l’Assemblée nationale pour opérer les modifications constitutionnelles afin, comme à son habitude, de garantir une participation et une « victoire » à l’élection présidentielle de 2024 et au-delà.

C’est l’occasion de lancer un appel aux militants et militantes de l’APR et de la mouvance présidentielle qui ont tout sacrifié pour accompagner Macky Sall en défendant Tout, avec un grand T, parfois même l’indéfendable, de se ressaisir et de ne pas se laisser entrainer dans le chaos pour assouvir la boulimie du pouvoir de leur désormais ancien chef !

C’est aussi l’occasion de lancer un appel à l’opposition pour surveiller comme du lait sur le feu les élections législatives (maintien de la date et déroulement transparent du scrutin), pour conquérir la majorité à l’Assemblée nationale. Ainsi, formant un bloc homogène malgré nos différences, nous amorcerons ensemble le changement de cap devenu un impératif de développement pour le Sénégal et pour l’Afrique.

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