Les arsenaux nucléaires de plusieurs pays – de la Chine en particulier – ont gonflé l’an dernier dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, selon des chercheurs.
En 2022, les neuf États possédant des armes nucléaires y ont consacré un total de 82,9 milliards de dollars, les dépenses des États-Unis représentant à elles seules plus de la moitié de cette somme, selon un nouveau rapport de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (Ican).
« Nous nous approchons, ou peut-être l’avons-nous déjà atteinte, de la fin d’une longue période de déclin du nombre des armes nucléaires dans le monde », a résumé lundi auprès de l’AFP Dan Smith, directeur de l’Institut international de recherche sur la paix à Stockholm (Sipri, Stockholm International peace research institute).
Le nombre total des têtes nucléaires dont disposent le Royaume-Uni, la Chine, la France, l’Inde, Israël, la Corée du Nord, le Pakistan, les Etats-Unis et la Russie est certes tombé à 12.512 début 2023 contre 12.710 début 2022, a noté le Sipri.
Mais, alors que certaines de ces ogives plus anciennes doivent être démantelées, 9.576 se trouvent dans « des stocks militaires pour une utilisation potentielle », soit 86 de plus qu’un an auparavant. Concernant les têtes nucléaires utilisables, « ces chiffres commencent à augmenter », a déclaré Dan Smith, tout en insistant sur le fait qu’on est encore loin des plus de 70.000 recensées dans les années 1980.
Chine, puissance mondiale
La majeure partie de cette augmentation provient de la Chine, dont le nombre des ogives est passé de 350 à 410. Elle a investi massivement dans son armée à mesure que son économie et son influence se sont développées, a souligné cet expert. « Ce que nous voyons, c’est que la Chine devient une puissance mondiale ».
L’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord ont également accru leurs arsenaux, tout comme, dans une moindre mesure, la Russie (4.489 têtes contre 4.477), alors que les autres puissances nucléaires les ont stabilisés.
La Russie et les États-Unis détiennent à eux deux près de 90% de toutes les armes nucléaires existantes.
« Nous avons eu plus de 30 années de chute (de la quantité) d’ogives nucléaires et nous voyons maintenant ce processus toucher à sa fin », a commenté Dan Smith.
Les dépenses plus élevées signalées par l’Ican, qui s’est vu décerner le prix Nobel de la paix 2017, semblent confirmer ce constat. Cette organisation a assuré que les sommes consacrées aux armes nucléaires avaient gonflé de 3% par rapport à 2021, soit la troisième augmentation annuelle consécutive. Les 82,9 milliards de dollars ainsi dépensés correspondent à une somme de 157.664 dollars par minute en 2022, a calculé l’Ican dans son rapport pour cette année-là.
Les Etats-Unis ont investi dans ces armements 43,7 milliards de dollars, soit un peu moins qu’un an plus tôt, mais étaient encore loin devant toutes les autres puissances, selon le rapport.
Ils ont été suivis par la Chine (11,7 milliards de dollars, +6% environ par rapport à 2021) et la Russie (9,6 milliards, +6% environ aussi). Avec 2,7 milliards de dollars, l’Inde a enregistré la hausse la plus importante des dépenses dans ce secteur de la défense, soit 21,8% alors que le Royaume-Uni y consacrait 6,8 milliards de dollars (+11%).
278 milliards de dollars
Les entreprises impliquées dans la production d’armes nucléaires ont obtenu de nouveaux contrats d’un montant d’un peu moins de 16 milliards de dollars en 2022 et ont par exemple dépensé 113 millions de dollars pour faire du lobbying auprès des gouvernements américain et français, toujours d’après l’Ican.
À l’échelle mondiale, les puissances nucléaires ont passé des contrats d’une valeur d’au moins 278,6 milliards de dollars avec des sociétés pour produire de tels armements, certains se poursuivant jusqu’en 2040, a affirmé cette organisation.
Les chercheurs du Sipri ont par ailleurs relevé que la diplomatie avait subi un revers en matière de contrôle des armements nucléaires et de désarmement à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022. La Russie a ainsi suspendu sa participation au New START, un traité signé avec les Etats-Unis qui limite le nombre des ogives et permet des vérifications mutuelles.
Pour Dan Smith, la croissance des arsenaux d’armes nucléaires ne peut toutefois être imputable à la guerre en Ukraine, compte tenu du temps nécessaire à leur fabrication et du fait que des pays qui ont fait un tel choix ne sont pas directement touchés par ce conflit.
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